Le Parnasse contemporain/1866/Les Danaïdes

Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]I. 1866 (p. 279).

LES DANAÏDES

Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
« Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
» O gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche ? »

Elles tombent, le vide épouvante leurs cœurs.
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses sœurs,
Chante et leur rend la force et la persévérance.

Tels sont l’œuvre et le sort de nos illusions :
Elles tombent toujours, et la jeune espérance
Leur dit toujours : « Mes sœurs, si nous recommencions ! »

SULLY-PRUDHOMME