Le Parnasse contemporain/1866/À mon cher petit Victor
Quand j’ai gagné tous ces volumes,
J’étais encor petit garçon ;
Mais j’usais très-vite mes plumes
Et j’apprenais bien ma leçon.
Maintenant que mon front grisonne,
Je ressuscite et je souris,
Fils bien aimé, quand je te donne
Mon trésor d’enfant, mes vieux prix.
Ah ! bientôt tu sauras les lire !
Bientôt tu comprendras, Victor,
Pindare, maître de la lyre,
Et Cicéron à la voix d’or !
Théognis, Tyrtée et Ménandre
Te diront la loi des vertus,
Et tu seras heureux d’entendre
Ces chrétiens nés avant Jésus !
Bientôt tu salueras dans l’ombre
Où brûle une fauve rougeur,
Tacite, inexorable et sombre,
Fulminant son verbe vengeur !
Bientôt Eschyle, ardent et libre,
Solon, majestueux et doux,
Feront tressaillir chaque fibre
De ton bon cœur qui bat pour nous :
Car l’esprit des choses divines
En toi déjà trouve un écho ;
Où tu ne sais pas, tu devines,
Et tu dis juste un chant d’Hugo !