Le Parnasse contemporain/1866/À la nature

Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]I. 1866 (p. 175).




A LA NATURE




Pareille en ton caprice aux reines d’Orient,
Bizarre déité, qui fais en souriant
Mourir ceux qui venaient de s’enivrer la tête
Aux parfums de ton corps, à la brûlante fête
Que leur donnaient tes seins d’où ruisselait l’amour :
— Reine, malgré la mort, quand apparaît le jour,
Malgré ta cruauté tranquille, et les mensonges
De tes bras repliés pour enlacer nos songes,
De tes bras nous faisant une aimante prison
Avec tes grands regards d’azur pour horizon,
— Pour tes profonds regards, pour la chaude caresse
De ton sourire d’or, pour toute cette ivresse
Qu’une heure nous buvons à tes lèvres de feu,
Pour les splendeurs de ton palais au plafond bleu,
Pour la claire musique et la belle lumière
De ta chair, pour tes seins en leur fraîcheur première,
Pour le son féminin et le chant de ta voix,
Pour tes baisers, le soir, en la langueur des bois,
Je t’aime, et te bénis de m’avoir donné l’être,
D’avoir fait qu’un instant je te visse apparaître
Dans le rayonnement de ton corps adoré,
— Aux risques du néant, dont tu m’avais tiré !