Le Parnasse contemporain/1866/« Parfois une Vénus, de notre sol barbare »
SONNETS
Parfois une Vénus, de notre sol barbare,
Jaillit, marbre divin, des siècles respecté,
Pur, comme s’il sortait, dans sa jeune beauté,
De vos veines de neige, ô Paros ! ô Carrare !
Parfois, quand le feuillage à propos se sépare,
En la source des bois luit un dos argenté,
De sa blancheur subite et de sa nudité
Diane éblouit l’œil du chasseur qui s’égare.
Dans Stamboul la jalouse, un voile bien fermé
Parfois s’ouvre, et trahit sous l’ombre diaphane
L’odalisque aux longs yeux que brunit le surmé.
Mais toi, le même soir, sur ton lit parfumé,
Tu m’as fait voir Vénus, Zoraïde et Diane,
Corps de déesse grec à tête de sultane.
THÉOPHILE GAUTIER