Le Pape/Pensif devant la nuit

Le PapeOllendorfŒuvres complètes, tome 29 (p. 64).


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PENSIF DEVANT LA NUIT


La prière contemple et la science observe.
Quand, dans le cloître noir de la sainte Minerve,
Galilée abjurait, vaincu, qu’abjurait-il ?
Dieu. C’est Dieu qu’entrevoit de loin l’homme en exil.
Des épaisseurs de nuit profonde nous entourent.
Les mondes par des feux échangés se secourent ;
Car, ciel sombre, on ne sait quels gouffres sont ouverts.
L’astre fait des envois de rayons, à travers
L’espace et l’étendue immense, à d’autres astres.
L’azur a ses combats ; le ciel a ses désastres ;
Parfois le mage, au fond des firmaments vermeils,
Distingue d’effrayants naufrages de soleils ;
À voir l’effarement des pâles météores
On devine une étrange extinction d’aurores,
Quelque part, dans l’horreur du zénith ignoré.
Dieu seul sait l’étiage et connaît le degré
Jusqu’où doit croître ou fuir la marée inconnue.
L’univers n’est pas moins remué que la nue
Par un souffle ; et ce souffle a lui-même sa loi.
Le savant dit : Comment ? le penseur dit : Pourquoi ?
La réponse d’en haut se perd dans les vertiges.
L’ombre est une descente obscure de prodiges.
Sans cesse l’inconnu passe devant nos yeux.

Mais, ombre, qu’est-il donc de stable sous les cieux ?
La justice, dit l’ombre. Aucun vent ne l’emporte.
C’est pourquoi, nous pasteurs, nous devons faire en sorte
Que l’homme reste bon et sincère au milieu
De tous les changements d’équilibre de Dieu.