Le Pape/Entrant à Jérusalem

Le PapeOllendorfŒuvres complètes, tome 29 (p. 65-67).


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ENTRANT À JÉRUSALEM


Peuple, j’ai dit au Monde et j’ai dit à la Ville :
Plus de guerre étrangère et de guerre civile.
Plus d’échafaud. Devant le ciel bleu Liberté,
Égalité devant la mort, Fraternité
Devant le Père. Aimons. Force, aide la faiblesse.
Éclairez qui vous nuit ; guérissez qui vous blesse.
Paix et pardon. Soyez cléments aux criminels.
Le droit des bons c’est d’être au méchant fraternels ;
Le juste qui n’a pas d’amour sort du précepte ;
Et le soleil n’est plus le soleil s’il excepte
Les tigres et les loups de son rayonnement.
J’ai montré dans le ciel le grand désarmement,
L’équilibre, la loi, l’azur, l’astre, l’aurore.
J’ai dit : Pitié ! laissez le repentir éclore.
Juges, pensez ; bourreaux, reculez ; vis, Caïn.
À qui n’a plus hier ne prenez pas demain ;
Laissez à tous le temps de racheter les fautes.
Soyez d’humbles songeurs, soyez des âmes hautes.
Riches, c’est en donnant qu’on s’enrichit ; semez.
Pauvres, la pauvreté n’est point la haine ; aimez.
Toute bonne pensée est une délivrance.
Si noir que soit le deuil, conservez l’espérance ;
Car rien n’est plein, de nuit sans être plein de ciel.
La haine est un vent sombre et pestilentiel ;
Aimez, aimez, aimez, aimez, ― soyez des frères.
Et maintenant, ayant fait face aux téméraires,
Ayant lavé le fond du vase baptismal,
Ayant diminué sur la terre le mal,
Vieillard pensif qui n’ai d’autre force que d’être

Chez les peuples un pauvre et chez les rois un prêtre,
Compagnon des douleurs, des exils, des grabats,
Je viens près de celui qui fit voir ici-bas
Toute la quantité de Dieu qui tient dans l’homme ;
Je prends Jérusalem et je vous laisse Rome,
Jérusalem étant le véritable lieu.
Hommes, je viens me mettre en prière chez Dieu.
Je ne me sens réel que sur ce mont sévère ;
L’ombre est au Capitole et l’âme est au Calvaire ;
Là-haut l’ange et le saint trouvent que j’ai raison,
Quittant César pour Christ, de changer de maison,
Et je monte, appuyé sur l’aigle et la colombe,
De ce bas-fond, le trône, à ce sommet, la tombe.
Je me fais serviteur du sépulcre, sentant
Près de moi le grand cœur de Jésus palpitant.
Ô rois, je hais la pourpre et j’aime le suaire ;
Et j’habite la vie, ô rois ! vous l’ossuaire.
Car la toute-puissance est un squelette noir.
L’homme tend une main au mal, l’autre à l’espoir ;
Tantôt il court, tantôt il trébuche, et je mène
Et j’éclaire quiconque aide la marche humaine.
Allons en avant. L’ombre est morte ; et déjà tous
Nous sentons la chaleur d’un avenir plus doux.
Nous nous sommes trouvés ; longtemps nous nous cherchâmes.
J’ai marché dans la vaste obscurité des âmes ;
Je vous ai dit : Je suis le jour. Pour vous je nais.
Et vous êtes venus, voyant que je venais.
Ô vivants, ouvriers de l’œuvre universelle,
Travaillez ; que l’enclume éternelle étincelle ;
Soyez purs, soyez doux, soyez frais, soyez bons.
Tous sur le grand travail sacré nous nous courbons.
Nous prêtres, nous prions. Puisse notre prière,
Sortie amour de nous, entrer en vous lumière !
Peuple, aimez. On devient lumineux en aimant.
Ce serait être injuste envers le firmament
Que de répondre aux feux d’en haut par nos ténèbres.
Que, l’azur étant pur, les âmes soient funèbres,

C’est mal ; et l’Éternel a fait les vérités,
Les devoirs, les vertus, afin que leurs clartés
Illuminent le sombre intérieur des hommes ;
Et pour que, dans le monde insondable où nous sommes,
Et devant l’infini plein d’invisibles yeux,
Les cœurs ne soient pas moins étoilés que les cieux.
Peuples, aimez-vous. Paix à tous.

LES HOMMES

Peuples, aimez-vous. Paix à tous. Sois béni, père.

DIEU

Fils, sois béni.