Librairie Fischbacher (p. Grav.-64).
Maman est en train de coudre assise à côté d’une lampe sur une table. Pierrot, en chemise de nuit, entre par la porte à droite. Maman tourne la tête vers lui.
L’accident

Chapitre VII

L’Accident.

Il pleut.

On ne pourra pas sortir aujourd’hui.

Quel dommage !

Quand on a fini les leçons, Maman dit que les enfants peuvent courir un peu dans la maison.

Seulement, ils doivent faire attention de ne rien abîmer.

Les enfants jouent au loup.

Pierrot est le loup.

Il se cache dans la chambre de Maman, et les autres enfants arrivent tout près de la porte en chantant :

« Promenons-nous dans les bois,

« Pendant que le loup n’y est pas.

« Loup, y es-tu ? »

Pierrot répond : « Non, » d’une grosse voix.

Et on recommence à chanter.

Tout à coup, Pierrot crie :

« Oui ! »

Et il s’élance vers la porte pour tâcher d’attraper quelqu’un.

Il n’a attrapé personne ; mais, hélas ! il a renversé un joli vase qui était sur une petite table, et le vase s’est cassé en trois morceaux.

Que faire ?

Il devrait aller le dire tout de suite à Maman ; mais il n’ose pas : il a peur que Maman le gronde.

Il réfléchit un peu.

Personne n’a entendu tomber le vase.

Jean, Jeanne et Louisette se sont sauvés si vite, jusqu’à l’autre bout du long couloir, qu’ils n’ont rien vu.

Vite, il ramasse les morceaux du vase et les remet ensemble sur la petite table.

Ils tiennent très bien, et personne ne saura que le vase est cassé.

Il continue à jouer, mais il est triste.

Il sent qu’il a mal fait.

Le soir, au dîner, il ne cause pas.

Maman lui demande s’il est malade.

Il dit : Non, mais il devient très rouge.

Tous les soirs, Maman va border les enfants dans leurs petits lits, et les embrasser en leur disant bonsoir.

Ce soir, Pierrot est triste.

Il sent qu’il ne mérite pas que Maman l’embrasse.

Il voudrait lui dire ce qu’il a fait, mais il n’ose pas.

Qu’il est sot d’avoir peur d’une si bonne Maman !

Après que Maman est partie, Pierrot ne peut pas dormir.

Il se tourne et se retourne dans son petit lit, et il pleure tout bas.

Il pense que Maman lui a souvent dit que le bon Dieu voit tout ce que nous faisons, et qu’il peut nous voir, même dans l’obscurité, et il se dit que le bon Dieu est sans doute fâché contre lui, maintenant.

Alors il se lève tout doucement, pour ne pas réveiller Jean, qui dort dans un petit lit à côté du sien, et il sort de la chambre.

Il fait clair dans l’escalier, parce que les lumières ne sont pas encore éteintes.

Personne n’est encore couché, excepté les enfants.

Pierrot descend l’escalier très doucement, et ouvre la porte du salon.

Maman est toute seule dans le salon, parce que Papa est sorti voir un malade.

Elle est très étonnée de voir entrer Pierrot, en chemise de nuit et pieds nus.

Mais Pierrot ne lui donne pas le temps de demander pourquoi il a quitté son lit.

« Maman, » dit-il en pleurant : « je ne peux pas dormir, parce que j’ai été si méchant aujourd’hui ! J’ai cassé le joli vase dans ta chambre, et puis j’ai remis les morceaux ensemble pour que tu ne saches pas que je l’avais cassé. Et… et… je suis si fâché de l’avoir fait ! »

Maman prend Pierrot sur ses genoux, et met ses bras autour de lui.

« Je te pardonne, mon chéri, » dit-elle, « parce que tu es fâché d’avoir mal agi et que tu m’avoues ta faute. Si tu étais venu me le dire tout de suite, tu aurais été moins malheureux, et tu sais que je ne gronde pas quand on a fait une chose par accident. Mais, vois-tu, mon Pierrot, on ne doit jamais cacher une faute. Faire croire qu’on n’a pas fait une chose qu’on a faite, c’est comme si on mentait. N’oublie pas cela. »

« Je te pardonne, » ajouté Maman, en embrassant Pierrot, « mais il faut que tu demandes au bon Dieu de te pardonner aussi ta faute, parce que tu lui as fait de la peine. »

— « Est-ce que le bon Dieu voudra me pardonner ? »

— « Oui, certainement. Le bon Dieu est toujours prêt à pardonner, quand il voit qu’on est fâché d’avoir fait le mal. Veux-tu que nous le lui demandions ensemble ? »

Pierrot répond : « Oui, » très bas, et Maman dit :

« Bon Dieu, veux-tu pardonner à Pierrot d’avoir été méchant aujourd’hui et le rendre bien sage, pour l’amour de Jésus, Amen. »

Puis Maman prend Pierrot dans ses bras, et le porte dans son petit lit.

Elle le reborde et l’embrasse de nouveau.

Et Pierrot s’endort en pensant que jamais plus, il ne cachera rien à une si bonne Maman.