Gaspard de la nuit (éd. 1920)/Le Nain

Livre III
Gaspard de la nuitMercure de France (p. 101-102).


IV

LE NAIN


— Toi, à cheval !
— Eh ! pourquoi pas ! j’ai si souvent galopé sur un lévrier du laird de Linlithgow !
Ballade écossaise.


J’avais capturé de mon séant, dans l’ombre de mes courtines, ce furtif papillon, éclos d’un rai de la lune ou d’une goutte de rosée.

Phalène palpitante qui, pour dégager ses ailes captives entre mes doigts, me payait une rançon de parfums !

Soudain la vagabonde bestiole s’envolait, abandonnant dans mon giron, — ô horreur ! — une larve monstrueuse et difforme à tête humaine !

— « Où est ton âme, que je chevauche ! — Mon âme, haquenée boiteuse des fatigues du jour, repose maintenant sur la litière dorée des songes. »

Et elle s’échappait d’effroi, mon âme, à travers la livide toile d’araignée du crépuscule, par-dessus de noirs horizons dentelés de noirs clochers gothiques.

Mais le nain, pendu à sa fuite hennissante, se roulait comme un fuseau dans les quenouillées de sa blanche crinière.