Avril (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 13-14).


AVRIL


 

Le ciel est d’un azur si pur qu’il en est blanc.
C’est Avril qui revient, Avril doux et trop lent
Et qui, pour émouvoir la torpeur de la terre,
Lui tire, du soleil, des flèches de lumière.
C’est le dimanche où les mains portent des rameaux
Que le prêtre bénit avec de divins mots.
Et c’est, là-bas encore, au clocher de Saint-Jacques,
La musique de bronze, à l’aube, annonçant : Pâques !
Et chaque église avec sa chanson répondant,
L’une en priant, l’autre en riant, l’autre en grondant, —

Dont la plus belle vient de Saint-Louis-de-France.
(Honni soit le curé jaloux qui mal y pense !)

Avril, toi qu’a chanté jadis Remy Belleau,
Le plus clair de ta gloire est encore de l’eau !
La neige fond, et le printemps frileux frissonne,
Quand à Paris déjà le maronnier bourgeonne.
Mais je ne t’en veux pas : c’est la faute au bon Dieu
Qui retarde les pas du soleil dans le bleu.
Aux mois fleuris, Avril, tu prépares la terre,
Et ta venue est douce au cœur du solitaire.
Tu prolonges les soirs de rêves, et tu mets
Des étoiles là-haut plus qu’il n’en fut jamais,
Tu rends le jour léger et transparent l’espace, —
Et l’on regarde en soi l’espérance qui passe…