Le Mespris de la vie et consolation contre la mort/« Desires-tu sçavoir à quoy je parangonne »

Le Mespris de la vie et consolation contre la mort
Le Mespris de la vie et consolation contre la mortNicolas de Moinge (p. 74).

XCIX.


Desires-tu scavoir à quoy je parangonne
Le fuseau de tes ans ? Au saon blanchissant
Soufflé par un tuyau de paille jaunissant,
Dont un fol enfancon ses compagnons estonne :

En son lustre plus beau sa gloire l’abandonne,
Au moindre choc de lair, fragile, se froissant :
Ainsi devers le soir va la fleur ternissant,
Qui, sur le point du jour vermeillement fleuronne.

L’ombre est tantost icy, et puis soudainement
Elle s’evanouit, ainsi legerement
S’enfuit la vie humaine inconstante, & volage :

Aveugle, cependant, sur tes jours passagers
Tu fondes ton espoir, qui passent plus legers
Que ne fait le saon, ny la fleur, ny l’ombrage.