Le Marquis de Villemer (RDDM)/3
LE MARQUIS DE VILLEMER
TROISIÈME PARTIE.[1]
XIII.
Malgré la promesse que le duc avait faite à son frère de n’avertir personne, il ne put se résoudre à endosser la périlleuse responsabilité du silence absolu. Il croyait au médecin, quel qu’il fût, tout en disant qu’il ne croyait pas à la médecine, et il résolut d’aller à Chambon pour s’entendre avec un jeune homme qui ne lui avait paru manquer ni de savoir ni de prudence, un jour qu’il l’avait consulté sur une indisposition légère. Il lui confierait sous le sceau du secret la situation du marquis, l’engagerait à venir au château le lendemain sous prétexte de vendre un bout de prairie enclavé dans les terres de Séval, et là il ferait en sorte que le médecin vît le malade, ne fût-ce que pour observer sa physionomie et son allure, sans donner d’avis officiel ; on verrait à soumettre cet avis à M. de Villemer, et peut-être consentirait-il à le suivre. Enfin le duc, qui ne savait pas veiller dans le calme et le silence de la nuit , avait besoin d’agir pour secouer son inquiétude. Il calcula qu’en une demi-heure il serait à Chambon, et qu’une heure lui suffirait ensuite pour réveiller le médecin, parler avec lui et revenir. Il pouvait, il devait être Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/774 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/775 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/776 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/777 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/778 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/779 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/780 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/781 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/782 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/783 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/784 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/785 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/786 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/787 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/788 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/789 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/790 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/791 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/792 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/793 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/794 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/795 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/796 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/797 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/798 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/799 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/800 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/801 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/802 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/803 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/804 Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/805 qui signifie en bon français : « Nous avons encore un grand mois avant que ma fille et ma filleule ne voient le monde. C’est à vous de plaire avant que l’on ne se grise avec le bal et les toilettes. Nous ne recevons guère de jeunes gens, et c’est à vous d’ailleurs d’être le plus jeune, c’est-à-dire le plus pressé et le plus heureux. »
— Mon Dieu, mon Dieu ! dit la marquise, je crois faire un rêve, mon pauvre duc ! Et moi qui ne pensais pas à toi ! Moi qui me figurais que tu avais attrapé tant de femmes que tu ne pourrais plus en rencontrer une assez simple,… assez généreuse,… assez sage après tout, car te voilà corrigé, et je jurerais que tu rendras la duchesse d’Aléria parfaitement heureuse…
— Gela, ma mère, je vous en réponds ! s’écria le duc. Ce qui m’a rendu mauvais, c’est le doute, c’est l’expérience, ce sont les coquettes et les ambitieuses ; mais une fille charmante, une enfant de seize ans qui se fierait à moi, ruiné comme me voilà,… mais je redeviendrais enfant moi-même ! Ah ! vous seriez bien heureuse aussi, vous, n’est-ce pas ? Et toi, Urbain, qui craignais tant d’être obligé de te marier ?
— A-t-il donc fait vœu de célibat ? dit la marquise en regardant le marquis avec tendresse.
— Non pas ! répondit Urbain avec vivacité ; mais vous voyez bien qu’il n’y a pas de temps de perdu, puisque mon aîné fait encore de si belles conquêtes ! Quand vous me donneriez encore quelques mois de réflexion…
— Au fait, au fait, rien ne presse en réalité, reprit la marquise, et puisque nous avons si bonne chance, je me fie à l’avenir… et à toi, mon excellent ami !
Elle embrassa ses deux fils. Elle était ivre de joie et d’espérance, elle tutoyait tous ses enfans. Elle embrassa aussi Caroline en lui disant : — Et toi, bonne et belle petite blonde, réjouis-toi donc aussi !
Caroline avait plus envie de se réjouir qu’elle ne voulait se l’avouer à elle-même. Vaincue par la fatigue d’une journée d’émotions, elle s’endormit délicieusement en se disant que la crise était ajournée, et que pendant quelque temps encore elle ne verrait pas l’obstacle sans appel et sans retour du mariage se placer entre elle et M. de Villemer.
(La quatrième partie au prochain n°. )
- ↑ Voyez les livraisons du 15 juillet et du 1er août.