Le Livre des sonnets/Quand ie voy quelque fois Madame emmy la rue


Sonnet




Quand ie voy quelque fois Madame emmy la rue,
Qui tient tous les paſſans en esbayſſement,
Bien que de la veoir i’aye vn grand contentement,
Ie ne fay point ſemblant de l’auoir iamais veuë.

Mais quand dedans vn lict ie la tiens toute nue,
Et que nous nous baiſons l’vn l’autre ardantement,
Et que nous nous ſerrons l’vn l’autre eſtroitement,
Il ne ſemble pas lors qu’ell’ me ſoit incongnuë.

Ie ne dy point ſon nom, & dire ne le veux,
Pource que les amours qui ſont entre nous deux
Ie ne voudroy pour rien eſtre ſçeus de perſonne :

Il me ſuffit auſſi de cognoiſtre mon bien,
Et d’auoir en aimant la fortune ſi bonne,
Que ie ſuis bien aimé ſans qu’il me couſte rien.


Olivier de Magny.