Le Livre des sonnets/Pars, puisque tu le veux, va-t’en, laisse le deuil


Rupture




Pars, puiſque tu le veux, va-t’en, laiſſe le deuil
Avec ton ſouvenir dans la maiſon muette,
Pars vite, ſans adieux & ſans tourner la tête :
Des pleurs pourraient ternir l’éclat pur de ton œil.

Marche au but qu’ont marqué la folie & l’orgueil ;
Que rien ne le fléchiſſe & que rien ne t’arrête !
La porte eſt large ouverte & la voiture eſt prête,
Je veux t’accompagner, tranquille, juſqu’au ſeuil.

Un autre irait, pareil au pauvre qu’on repouſſe,
Triſte & ſuivant de loin la trace de tes pas :
Tu me verras plus fier… Surtout, n’eſpère pas

Que jamais contre toi mon regret ſe courrouce ;
Car ſeule aux jours amers ta lèvre me fut douce,
Et je n’ai ſu trouver l’oubli qu’entre tes bras.


Paul Arène.