Le Livre des sonnets/Morts qui dormez, couchés dans nos blancs cimetières


La Voix des Morts




Morts qui dormez, couchés dans nos blancs cimetières,
Parfois, en reliſant tous vos noms oubliés,
Je ſonge que nos cœurs à vos froides pouſſières
Par des fils infinis & puiſſants ſont liés.

Muets, vous dirigez nos volontés altières,
Par vos déſirs éteints nos déſirs ſont pliés,
Vos âmes dans nos ſeins revivent tout entières,
En nous vos longs eſpoirs vibrent, multipliés.

Bien que nous franchiſſions une ſphère plus haute,
Vos antiques erreurs nous induiſent en faute,
Nous aveuglant encor malgré tous nos flambeaux ;

Car le paſſé de l’homme en ſon préſent ſubſiſte,
Et la profonde voix qui monte des tombeaux
Dicte un ordre implacable, auquel nul ne réſiſte.


Jeanne Loifeau.