Le Livre des sonnets/Mon cœur est enterré sous ce grand noisetier


L’Ancolie




Mon cœur eſt enterré ſous ce grand noiſetier.
— C’était un ſoir d’hiver ; il gelait ſur la plaine.
Ma chérie, au retour d’une courſe lointaine,
Se frayait dans la neige un douloureux ſentier.

Le ſommeil la prit là. Succombant à la peine,
Elle croiſa ſes mains ſur ſon cœur, pour prier.
On la trouva couchée au pied du coudrier ;
Mais la mort avait bu, d’un tirait, ſa douce haleine.

Le printemps eſt venu. L’arbre a ſon habit vert,
Une fauvette a fait ſon nid ſous le couvert,
Et, juſte où fut le corps, s’élève une ancolie.

Je voudrais la cueillir ; mais je n’oſe, j’ai peur
Que l’âme de l’enfant, palpitante en la fleur,
De nouveau ne s’exhale avec mélancolie.


Joſéphin Soulary.