Le Livre des sonnets/C’est une chambre où tout languit & s’effémine


L’Abſente




C’eſt une chambre où tout languit & s’effémine ;
L’or blême & chaud du ſoir, qu’émouſſe la perſienne,
D’un ton de vieil ivoire ou de guipure ancienne
Apaiſe l’éclat dur d’un blanc tapis d’hermine.

Plein de la voix mêlée autrefois à la ſienne,
Et triſte, un clavecin d’ébène que domine
Une coupe où ſe meurt, tendre, une balſamine,
Pleure les doigts défunts de la muſicienne.

Sous des rideaux imbus d’odeurs fades & moites,
De peſants bracelets hors du ſatin des boîtes
Se répandent le long d’un chevet ſans haleine.

Devant la glace, auprès d’une veilleuſe éteinte,
Bat le pouls d’une blanche horloge en porcelaine,
Et le clavecin noir gémit quand l’heure tinte.


Catulle Mendès.