Le Livre des sonnets/C’est un matin de mars qu’elle m’est revenue


Sonnet de mars




C’eſt un matin de mars qu’elle m’eſt revenue,
Éveillant le jardin d’un bruit de falbalas,
L’enfant toujours cruelle & toujours ingénue
Que je n’ai point aimée & qui ne m’aimait pas.

Le givre s’égouttait aux branches, mais plus bas
La neige ourlait encor les buis de l’avenue ;
Et le friſſon d’hiver, ſous leur écorce nue,
Empriſonnait le rire embaumé des lilas.

Un clair rayon parut : — « Bonjour, c’eſt moi ! » dit-elle
Dans l’air moins froid paſſa comme un cri d’hirondelle,
Je la vis me ſourire & crus avoir ſeize ans.

Et depuis, quelquefois je me ſurprends à dire,
Songeant à ce rayon, ſongeant à ce ſourire ;
« C’était preſque l’Amour & preſque le Printemps ! »


Paul Arène.