Le Livre des morts des anciens Égyptiens/Chapitre XV

Traduction par Paul Pierret.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXXIIIp. 31-42).

CHAPITRE XV


Titre : Adoration à Ra-Harmakhis lorsqu’il se lève à l’horizon oriental du ciel.

l. 1. Dit l’Osirîs : Ô Ra, maître du rayonnement ! brille par la face de l’Osiris N ; qu’il soit adoré le matin et lorsqu’il se couche

l. 2. le soir 1 ; que sorte son âme avec toi, vers le ciel ; qu’il vogue dans la barque Mat, qu’il aborde dans la barque Sehkti, qu'il pénètre parmi les astres voyageurs au ciel,

l. 3. l'Osiris N. Il dit en adorant le maître de l’Éternité : Salut à toi, Harmakhis-Khepra qui se donne la forme à lui-même ! Splendide est ton lever à l’horizon, illuminant

l. 4. la double terre de tes rayons. Tous les dieux sont en joie lorsqu’ils te voient, roi du ciel, ayant l’urœus ounnou posée sur ta tête, le diadème du sud et le diadème du nord placés sur ton front et faisant leur résidence

l. 5. à ta face et travaillant à l’avant de la barque à anéantir pour toi tous tes ennemis 3. Les habitants du Tiaou sortent à la rencontre de Ta Majesté pour voir ce tien

l. 6. emblème radieux. J’arrive auprès de toi, je suis avec toi pour voir ton disque chaque jour. Que je ne sois pas emprisonné, que je ne sois pas repoussé, que se renouvellent mes membres

l. 7. pour contempler ta splendeur comme l’un quelconque de tes favoris, car je suis l’un de ceux qui sont sacrés pour toi sur terre. Je parviens à la terre d’éternité, je rejoins la terre d’éternité, et c’est toi qui as ordonné cela pour moi qui suis en Ra et en tout dieu.

l. 8. L’Osiris N dit : Hommage à toi qui te lèves à l’horizon le jour et traverses le ciel heureusement par le don de la parole être vérité. Tous les visages sont en joie à ta vue : tu marches en

l. 9. restant caché pour eux 3. Tu te présentes le matin de chaque jour. Prospère est la marche sous Ta Sainteté pour ceux qui ont tes rayons sur leur face. Éclipsé est l’or blanc ; incomparable est ton

l. 10. éclat. La terre des dieux voit toutes les couleurs de l’Arabie ; tes mystères ne sont appréciables que pour leur face. Tu as été fait unique lors de ton devenir sur le Noun. Puissé-je

l. 11. marcher comme tu marches, sans faire de halte, ainsi que Ta Sainteté, ô soleil ! qui n’as pas de maître, grand traverseur d’espaces pour qui des millions et des centaines de mille d’années ne sont qu’un moment. Tu te couches,

l. 12. mais tu subsistes. Les heures, les jours, les nuits, tu les multiplies également, tu subsistes d’après tes propres lois. Tu illumines la terre en t’offrant de tes propres mains sous la forme de Ra à ton lever à l’horizon.

l. 13. L’Osiris N dit en t’adorant le matin, soleil, dans ton rayonnement, il dit à ton lever en adorant ta forme qui s’élève (dans le ciel) :

l. 14. Astre émergeant, autrement dit, grand par cette tienne splendeur éclatante, tu façonnes tes membres et t’enfantes toi-même, non enfanté, à l’horizon. Ô rayonnant en haut du ciel ! accorde que je parvienne en haut du ciel pour l’Éternité

l. 15. par la demeure de tes favoris, que je m’unisse à ces mânes augustes et parfaits de la divine région inférieure, que je sorte avec eux pour voir tes splendeurs à ton lever

l. 16. et le soir quand tu t’unis à ta mère Nout et que tu tournes ta face vers l’occident ; mes mains seront en adoration à ton coucher dans la montagne de la vie. Or toi,

l. 17. auteur de l’éternité, tu es adoré heureusement dans le Noun. Celui qui te place dans son cœur sans cesse, tu le divinises plus que tous les dieux.

l. 18. L’Osiris N dit : Adoration à toi qui t’es levé dans le Noun, qui as illuminé la double terre le jour de ta naissance quand ta mère t’a enfanté de ses mains ; tu illumines la terre et ton renouvellement la renouvelle.

l. 19. Grand illuminateur sorti du Noun, tu maintiens l’existence des hommes par le fleuve issu de toi ; tu mets en fête la totalité des nomes, des villes et des temples ; ton éclat favorise la préparation des aliments, des mets

l. 20. et de la nourriture. Très vénéré maître des maîtres, il refuse tout asile à l’iniquité, maître des levers dans la barque Sehkti, maître de l’ardeur redoutable dans la barque Mat, protège l’Osiris

l. 21. N dans la divine région inférieure, fais qu’il soit dans l’Amenti, qu’il dompte le mal ; mets-toi en protecteur derrière lui contre ses péchés ; place-le parmi les vénérables et les augustes ;

l. 22. qu’il se joigne aux Esprits de la divine région inférieure ; qu’il circule dans les champs d’Aanrou et enfin qu’il voyage en dilatation de cœur.

l. 23. L’Osiris N dit : Je sors vers le ciel, je traverse le firmament d’airain, je m’agenouille parmi les astres ; il m’est fait acclamation dans la barque (Sehkti), je suis

l. 24. invoqué dans la barque Mai, je contemple Ra dans le naos (de sa barque), car je m’unis à son disque chaque jour. Je vois le poisson Ant lorsqu’il se forme sur le fleuve.

l. 25. apparaissant avec la couleur de la turquoise ; je vois le poisson Abet dans son rôle ; s’opère le renversement du mauvais alors qu’il préparait mon massacre par des coups sur la nuque 4, Je t’ouvre (la voie, je te facilite le chemin),

l. 26. ô Ra par une brise favorable ; la barque vogue, elle atteint le ; port ; l’équipage de Ra est en joie à sa vue ; la dame de la vie (l’urœus) a le cœur satisfait d’avoir renversé

l. 27. tous les ennemis du dieu. Je vois Horus avec sa lance, Thot avec sa coudée dans les mains 5 ; tous les dieux se réjouissent de le voir arrivé heureusement ; charmé est le cœur des mânes ;

l. 28. l’Osiris N est avec eux dans l’Amenti, le cœur satisfait.

2e titre : Adoration au Soleil lorsqu’il se couche dans la montagne de vie (l’Occident) :

l. 28 et 29. Hommage à toi qui es venu en Toum et devenu en créateur de la substance des dieux.

l. 30 et 31. Hommage à toi qui es venu en âme des âmes saintes dans l’Amenti. Hommage à toi, chef des dieux illuminant le Tiaou de sa splendeur,

l. 32 et 33. Hommage à toi, voyageur lumineux, circulant dans son disque. Hommage à toi, le plus grand de tous les dieux, qui domines dans le ciel et régis le Tiaou. Accorde les souffles agréables du nord à l’Osiris N.

l. 29, 30. Hommage à toi qui pénètres dans le Tiaou et en traverses toutes les portes. Hommage à toi qui au milieu de tous les dieux, est l’appréciateur des paroles dans la divine région inférieure.

l. 31, 32. Hommage à toi qui, étant dans ton nid, as produit le Tiaou par ton pouvoir. Hommage à toi, très grand, dont les ennemis sont renversés dans leur lieu de supplice.

l. 33, 34 et 35. Hommage à toi qui égorges tes ennemis et anéantis Apap. Ouvre (l’Amenti), Haroëris, grand trancheur de la terre, qui reposes dans la montagne de l’Amenti, illuminant le Tiaou de sa splendeur et les âmes dans leurs retraites mystérieuses, éclairant leur tombe, lançant le mal à la face du méchant et anéantissant tes ennemis.

l. 36. L’Osiris N dit en adorant Ra Harmakhis lorsqu’il se couche dans la montagne de vie : Adoration à toi, Ra, adoration à toi, Toum, à ton arrivée

l. 37. radieuse, te levant en maître ; tu traverses le ciel, tu parcours la terre, tu rejoins le haut du ciel dans la clarté ; la double région s’incline devant toi et te fait adoration, les dieux de l’Occident, se réjouissent

l. 38. de ta splendeur ; adoré dans le mystère de leurs demeures, te font des offrandes les chefs que tu as créés pour le salut de la terre. Te traînent les habitants de l’horizon, te font voyager ceux qui sont dans la barque

l. 39. Sekti ; ils te disent : adoration ! lorsqu’ils rencontrent Ta Sainteté venant, abordant heureusement, Oh ! acclamation à toi, seigneur du ciel, roi de la contrée Aker qu’embrasse ta mère Nout

l. 40. qui voit son fils en toi, seigneur de la crainte, maître de l’ardeur redoutable se couchant dans la montagne de vie lorsqu’il fait nuit. Ton père Tanen te soulève ; il étend ses mains

l. 41. derrière toi étant arrivé ton renouvellement dans la terre 6. Il te présente les dévots de l’Osiris N dont la parole est vérité pour le succès et qui est Ra lui-même. Paroles à dire quand le soleil se couche

l. 42. dans la montagne de vie (par l’homme) ayant les bras inclinés vers la terre.

3e titre : Adoration à Toum se couchant dans la montagne de vie.

l. 43. L’Osiris N dit en adorant Toum se couchant dans la montagne de vie et donnant ses clartés au Tiaou : Hommage à toi qui te couches dans la montagne de vie.

l. 44. Père des dieux, tu rejoins ta mère dans Manou, ses bras te reçoivent chaque jour. Ta Sainteté émane de la retraite de Sokari. Exaltation d’amour, tu ouvres la double porte de

l. 45. l’horizon. Tu te couches dans la montagne l’Amenti ; tes rayons sillonnent la terre pour illuminer ensuite la terre de l’Occident et les habitants (du Tiaou) t’acclament, frappés de ta vue, chaque jour. Tu unis les dieux

l. 46. à la terre. Ton serviteur, c’est moi qui suis de ta suite, âme sainte qui engendres les dieux portant ses formes en elle et dont on ne peut affirmer le nom, qui es le fils grand

l. 47. par son mystère. Que ta face radieuse soit favorable pour l’Osiris N, ô Khepra, père des dieux ! Il n’y a plus de dommage à craindre jamais, grâce à ce livre : je m’affermis par lui.

l. 48. Celui qui le récite le tracera sur lui-même et il sera en paix, en récompense (de cela). Se tendront vers moi des bras chargés de pains et de breuvages parce que j’aurai été uni à ce livre après mon existence ;

l. 49. on le grave pour le plus grand repos du cœur.


NOTES


1. Le défunt est dieu, ainsi que nous l’avons déjà vu : en entrant dans la tombe, il est Osiris ; lorsqu’il en sortira, il sera tour à tour Horus le matin, Ra à midi, Toum le soir.

2. Sur le symbolisme des urœus et des deux diadèmes, voy. Panthéon égypt., ch. ii.

3. Le dieu unique des Égyptiens se manifeste par le soleil, mais son essence reste cachée. Cf. Panthéon égypt., p. xv.

4. Traduction de M.  Lefébure, dont l’excellente interprétation de ce chapitre m’a été d’un grand secours.

5. Il y a un jeu de mot évident sur le mot neferi « lance » formé avec les éléments du mot qui exprime le Bien ; neferi est mis en parallélisme avec la Coudée qui est l’idéogramme du Vrai à cause de l’identité du Vrai et du Bien. Cf. Panthéon égypt., pp. x-xii.

6. Le soleil, à son coucher, semble s’enfoncer dans la terre et il en sort, le matin, pour recommencer sa course quotidienne ; le dieu Tanen personnifie la terre : il soulève le soleil pour le recevoir dans son sein.