Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Chapitre XXVII

Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. 369-374).

CHAPITRE XXVII

Alors, les fils des dieux par lesquels le Tathâgata avait été sollicité d’expliquer cette exposition de la loi ayant à leur tête Maheçvara, Nandana, Sounandana, Tchaudana, Mahita, Praçânta, Vinitêçvara, au nombre de dix-huit cent mille, s’étaient de nouveau rassemblés au temps où le Tathâgata tournait la roue de la loi. En ce moment, Bhagavat parla ainsi à ces fils des dieux Çoudhâvasakâyikas ayant à leur tête Mahêçvara.

Amis, cette exposition de la loi nommée Lalitavistara, cette partie des Soûtras très développée qui raconte les jeux du Bodhisattva, qui est l’entrée des jeux dans le domaine du Bouddha, qui sert à se guider soi-même, qui a été racontée par le Tathâgata, prenez-la, portez-la, lisez la ; [enseignez-la bien en détail à l’assemblée] elle sera ainsi la règle répandue de la loi, et les hommes intérieurs (poungalas) qui sont dans le véhicule des Bôdhisattvas, après avoir entendu cette exposition de la loi, obtiendront le plus ferme héroïsme dans l’Intelligence sans supérieure parfaite et accomplie. Les êtres qui auront pour elle un grand attachement, feront naître l’impétuosité de la grande pluie de la loi, et l’armée du démon sera complètement domptée ; et tous les contradicteurs ne trouveront plus d’occasion (de contredire) ; et, de votre part, l’exhortation à enseigner cette loi sera une racine de vertu d’un grand effet, d’un grand fruit, d’un grand secours. Celui, quel qu’il soit, amis, qui, pour ce Lalitavistara (qui est l’) exposition de la loi, fera le (salut de) l’andjali, en joignant les mains, obtiendra les huit qualités excellentes. Lesquelles (au nombre de huit) ? — Par exemple : il obtiendra une forme excellente ; il obtiendra une force excellente ; une suite excellente (de serviteurs) ; une énergie excellente ; une sortie (de la famille) excellente ; une pureté d’esprit excellente ; la perfection d’une contemplation excellente ; l’éclat par excellence de la sagesse ; ce sont les huit qualités excellentes qu’il obtiendra.

Amis, celui, quel qu’il soit, qui procurera un siége de la loi au prêcheur de la loi qui désire enseigner cette exposition de la loi, le Lalitavistara, aura pour lui l’obtention de huit siéges désirables aussitôt ce siége procuré. Quels huit siéges ? — Par exemple : l’obtention d’un siége de chef des marchands ; l’obtention d’un siége de maître de maison ; l’obtention d’un siége de Tchakravartin ; l’obtention d’un siége de Gardien du monde ; l’obtention d’un siége de Çakra ; l’obtention d’un siége de Vaçavartin ; l’obtention du siége de Brahmâ ; l’obtention du siége de lion (trône) de celui qui est allé à Bôdhimanda ; l’obtention du siége de lion (trône) de celui qui, étant Bôdhisattva, est allé à Bôdhimanda (le lieu) excellent entre les meilleurs, (siége) de celui qui ne revient pas en arrière et qui a détruit l’opposition du démon ; l’obtention du siége de celui qui s’est revêtu de la pureté parfaite et accomplie d’un Bouddha, de sorte qu’il tourne la roue de la loi sans supérieure. Tels sont les huit siéges désirables qu’il obtiendra.

Amis ! celui, quel qu’il soit, qui donnera (son approbation, en disant) : C’est bien ! à celui qui enseignera cette exposition de la loi, le Lalitavistara, celui-là obtiendra les huit puretés complètes de l’œuvre de la parole. Quelles huit (puretés) ? Ainsi : la qualité d’agir conformément à la parole, par la pureté complète de l’œuvre de la parole qui se conforme à la vérité ; la qualité d’un discours qui doit être retenu par sa domination sur une assemblée ; la qualité d’un discours qui accueille, parce qu’il n’inquiète pas ; la qualité d’un discours aimable et doux qui ressemble au chant du Kalabingka, parce qu’il réjouit le corps et l’esprit. La qualité d’un discours doux, parce qu’il rassemble les êtres par son absence de rudesse. La qualité de la voix de Brahmâ par sa domination sur tous les êtres. La qualité du son retentissant de la voix du lion, parce qu’elle n’est pas dominée par toutes les oppositions ; la qualité do la voix d’un Bouddha, parce qu’elle apaise complètement les sens de tous les êtres. Telles sont les huit puretés complètes de l’œuvre de la parole qu’il obtiendra.

Amis ! celui, quel qu’il soit qui, ayant mis par écrit cette exposition de la loi, le Lalitavistara, la portera, la lira, l’honorera, la vénérera, lui rendra hommage, et, avec une pensée exempte d’envie, répétera ses louanges aux quatre points de l’espace, en disant : Venez ! cette exposition de la loi mise par écrit, portez-la, lisez-la, méditez-la, étudiez-la ; celui-là obtiendra les huit grands trésors. Quels huit (grands) trésors ? — Le trésor de la mémoire, par l’absence du trouble de l’esprit ; le trésor de l’entendement par une bonne division de l’Intelligence ; le trésor de la voie (de la science) par la connaissance de la voie (qui est la clé) du sens de tous les Soûtras. Le trésor des Dhâranis, par la compréhension de tout ce qu’il aura entendu ; le trésor de l’énergie, en réjouissant tous les êtres avec de belles paroles ; le trésor de la loi par l’observance complète de la bonne loi ; le trésor de la pensée de l’Intelligence (suprême), en empêchant l’interruption de la famille des Trois joyaux et le trésor de l’avancement, en obtenant pour lui la patience de la condition exempte de renaître. Tels sont les huit trésors qu’il obtiendra.

Amis ! celui quel qu’il soit qui, après avoir bien enseigné cette exposition de la loi, le Lalitavistara, la portera, celui-là complétera les huit collections. Quelles huit (collections) ? Il complètera parfaitement la collection de l’aumône, par la qualité de son esprit exempt d’envie ; il complétera la collection des vertus, par l’accomplissement de toutes les intentions vertueuses ; il complétera la collection de tout ce qui a été entendu, pour l’acquisition de la sagesse sans passion, afin de voir face à face l’acquisition de toutes les contemplations ; il complétera la collection des quiétudes. Il complétera la collection des vues surnaturelles, afin de compléter la science de la Triple science ; il complétera la collection des bonnes œuvres, afin de purifier entièrement les trente-deux signes (principaux) et les quatre-vingt-quatre signes secondaires (et) les ornements du champ de Bouddha ; il complétera la collection de la sagesse, par le contentement des êtres suivant leurs inclinations ; il complétera la collection de la grande miséricorde pour la maturité complète de tous les êtres. Tels sont les huit collections qu’il complétera entièrement.

Amis, celui quel qu’il suit qui, ayant une pensée telle que, par exemple, après avoir réfléchi comment ces êtres pourraient être possesseurs de pareilles qualités, expliquerait clairement aux autres cette exposition de la loi, le Lalitavistara, obtiendra par cette racine de vertu les huit jurandes qualités pures. Quelles huit (grandes qualités pures) ? Ainsi, il est roi Tchakravartin, c’est la première des grandes qualités pures. Il exercera l’empire sur les dieux Tchatour-mahârâdjakâyikas, c’est la deuxième des grandes qualités pures. Il sera Çakra, le maître des dieux, c’est la troisième des grandes qualités. Il sera Souyâma, fils d’un dieu, c’est la quatrième des grandes qualités pures. Il sera Santouchita, c’est la cinquième des grandes qualités pures. Il sera Sounirmita, c’est la sixième des grandes qualités pures. Il sera un roi Vaçavartin des dieux, c’est la septième des grandes qualités pures. Il sera Brahmâ, grand Brahmâ, c’est la huitième des grandes qualités pures ; et enfin il sera un Tathâgata Arhat Bouddha parfait et accompli, ayant abandonné toutes les doctrines du vice, et possédant toutes les doctrines de la vertu. Telles sont les huit grandes qualités pures qu’il obtiendra.

Amis, celui, quel qu’il soit, qui, auditeur attentif, écoutera cette exposition de la loi, le Lalitavista, obtiendra les huit puretés de l’esprit. Quelles huit puretés ? Ainsi, il obtiendra la bienveillance pour la destruction de tous les vices. Il obtiendra la joie, afin d’éloigner toutes les tristesses ; il obtiendra la pitié, pour détruire toutes les malices. Il obtiendra la patience pour détruire les entraînements et les répugnances ; il obtiendra les quatre contemplations pour exercer l’empire sur tous les éléments de la forme ; il obtiendra les entrées dans l’incorporel, pour exercer l’empire sur l’esprit ; il obtiendra les cinq sciences supérieures, pour aller à l’autre champ de Bouddha ; il obtiendra la destruction des attaches de toutes les inclinations, pour obtenir la contemplation à la marche héroïque. Telles sont les huit puretés de l’esprit qu’il obtiendra.

Amis, dans quelque village ou ville ou faubourg ou contrée ou partie de contrée déserte ou lieu de promenade ou Vihâra où cette exposition du la loi, le Lalitavistara, se trouvera, excepté (les craintes qui viennent de) la maturité complète des actions antérieures, les huit craintes n’existeront plus. Quelles huit (craintes) ? Ainsi la crainte du trouble causé par le roi n’existera plus ; la crainte du trouble causé par les voleurs n’existera plus ; la crainte du trouble de la famine dans un désert n’existera plus ; la crainte du trouble des querelles réciproques, des contestations, des rixes n’existera plus ; la crainte du trouble causé par les dieux n’existera plus ; la crainte du trouble causé par les Nâgas, les Yakchas et autres n’existera plus ; la crainte de tout désagrément n’existera plus. Telles sont, amis, les huit craintes qui, là, n’existeront plus, excepté (celles qui viennent de) la maturité complète des actions antérieures.

En un mot, amis, quand même, avec la mesure d’une vie persistant pendant un Kalpa du Tathâgata, celui qui, jour et nuit, debout, dirait la louange de cette exposition de la loi, il n’y aurait pas de fin à la louange de cette exposition de la loi ; il n’y aurait pas non plus épuisement de l’énergie du Tathâgata.

Et de plus encore. Amis, la moralité du Tathâgata, sa méditation, sa sagesse, sa complète libération, la vue incommensurable et illimitée de sa science sont telles, que, Amis, celui, quel qu’il soit, qui comprendra cette exposition de la loi, la portera, la récitera, la mettra par écrit, la fera mettre par écrit, s’en pénétrera, l’enseignera et l’expliquera clairement en détail au milieu d’une assemblée avec la pensée que ces êtres puissent ainsi être en possession de la loi par excellence ; (de lui) et de ceux-là aussi, le mérite sera illimité.

Ensuite Bhagavat adressa ces paroles à Ayouchmat Mahâ Kâcyapa, à Ayouchmat Ananda, et à Mâitrêya Bôdhisattva Mahàsattva : Amis, l’Intelligence suprême, parfaite et accomplie que j’ai complètement acquise dans l’espace incommensurable de cent mille Niyoutas de Kôtis de Kalpas, je la dépose en votre main, je la dépose par un dépôt suprême. Vous-mêmes aussi, portez cette exposition de la Loi, enseignez-la bien en détail aux autres. Puis, Bhagavat, afin de donner dans la plus large mesure cette exposition de la Loi, prononça en ce moment ces Gâthâs :

1. Les êtres qui ont été vus par moi avec la vue d’un Bouddha, qui seraient (devenus) des Arhats pareils à Çàripoutra, ceux-là, quiconque les honorerait, ce serait comme s’il les avait honorés pendant des Kalpas nombreux comme les sables de la Gangà.

2. Et celui qui rendrait hommage à un Pratyêkabouddha, plein de Joie, Jour et nuit, avec des guirlandes et autres objets divers, par cela même, ayant fait une bonne action serait distingué.

3. Si quelqu’un, ici-bas, avec sérénité, honorait tous les êtres qui sont des Pratyayair-DJinas, avec des fleurs, des parfums, des onguents, pendant plusieurs centaines de Kalpas, ce serait ce qu’il y a de meilleur.

4. Et celui qui, à un seul Tathâgata, ferait une salutation, une fois seulement, avec un esprit serein, en disant : Salut à l’Arhat ! De là viendrait le plus excellent des mérites.

5. Et celui qui, comme précédemment, honorerait tous les êtres qui sont devenus Bouddhas, avec des fleurs divines ou humaines les plus belles, pendant plusieurs centaines de Kalpas, ce serait ce qu’il y a de meilleur.

6. Et celui qui, au temps de la disparition complète de la bonne loi, ayant fait l’abandon de son corps en même temps que de sa vie, méditerait ce Soûtra jour et nuit, se distinguerait, car de là viendrait un (vrai) mérite.

7. Celui dont le désir serait de faire rendre hommage aux Guides, aux Pratyéka-Bouddhas ainsi qu’aux Çrâvakas, après avoir produit la ferme pensée de l’Intelligence, comprendra (ou retiendra) toujours ce meilleur des Soûtras.

8. Car il est le roi de toutes les belles paroles, ce Soûtra sorti (de la bouche) de tous les Tathâgatas. Celui, dans la maison duquel il se trouve, le Tathâgata s’y tient toujours, car c’est la perle des Soûtras.

9. Il obtient une énergie belle et infinie pour des Kûtis de Kalpas, celui qui en dira un seul mot ; il ne s’égarera pas hors de la lettre et du sens, celui qui donne ce Soûtra aux autres (ou aux étrangers).

10. Il est sans supérieur parmi les guides des hommes, cet être, quel qu’il soit, il n’y en a pas de semblable à lui. Il serait pareil à l’Océan et impérissable, celui qui, après avoir entendu cette loi, s’en serait rendu maître.

Ainsi parla Bhagavat dont l’esprit est ravi. Les fils des dieux précédés de Mahèçvara, les fils des dieux Çouddhâvàsakayikas précédés de Mâitrêya, tous les Bôdhisattras Mahâsattvas précédés de Mahâ Kâçyapa, tous les grands Çrâvakas ainsi que les dieux, les hommes, les Asouras, les Gandharbas et les mondes se réjouirent des paroles de Bhagavat.

Ainsi, dans le vénérable Lalitavistara, est le chapitre nommé : Conclusion, le vingt-septième.

Le Soûtra du grand véhicule, le roi des joyaux, nommé Lalitavistara, qui contient la marche sacrée de tous ceux qui exercent l’état de Bôdhisattva est fini.

De tous les êtres qui précèdent d’une cause, le Tathâgata en a dit la cause ; et ce qui est la cessation de ces êtres, il l’a dit également, le grand Çramana.