Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 369-375).

CHAPITRE XXXVIII.

SAD.


Donné à la Mecque. — 88 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. SAD[1]. J’en jure par le Koran rempli d’avertissements, les Infidèles vivent dans l’orgueil et dans la rébellion envers Dieu et envers le prophète.
  2. Que de générations ayons-nous anéanties avant eux ! Tous ils criaient secours ; mais il n’était plus temps d’échapper au châtiment.
  3. Les infidèles s’étonnent de ce qu’un apôtre s’est tout à coup élevé au milieu d’eux ; ils disent : C’est un magicien, un imposteur.
  4. Veut-il faire de tous ces dieux un seul Dieu ? En vérité, c’est quelque chose d’extraordinaire.
  5. Leurs chefs se séparèrent en leur disant : Allez et persévérez dans le culte de vos dieux. Vous faire abandonner ce culte, voilà ce que l’on veut.
  6. Nous n’avons entendu rien de pareil dans la dernière religion[2]. La religion de Mohammed n’est qu’une imposture.
  7. Un livre d’avertissement serait-il donc envoyé à lui seul d’entre nous ? — Oui, ils doutent de nos avertissements, car ils n’ont point encore éprouvé mes châtiments.
  8. Ont-ils à leur disposition les trésors de Dieu le puissant, le dispensateur des biens ?
  9. Possèdent-ils donc le royaume des cieux et de la terre, et des choses qui sont entre eux deux ? Qu’ils essayent donc d’y monter au moyen de cordes.
  10. De quelques armées que les différents partis disposent elles seront mises en fuite.
  11. Avant eux aussi, le peuple de Noé, les Adites et Pharaon possesseur de pieux[3], traitèrent leurs prophètes d’imposteurs.
  12. Les Thémoudites, le peuple de Loth, les habitants de la forêt (de Madian), ont agi de la même manière : ils formaient un parti hostile aux envoyés de Dieu.
  13. Tous ceux qui avaient traité nos apôtres d’imposteurs, mon châtiment vint les en punir.
  14. Qu’attendent-ils donc (les Mecquois) ? Est-ce un seul cri qui partira du ciel et qui les saisira sans leur donner de répit ?
  15. Ils disent : Seigneur ! donne-nous donc au plus tôt ce qui nous revient, et avant le jour du compte.
  16. — Souffre avec patience leurs discours, ô Mohammed ! et rappelle-toi notre serviteur David, homme puissant, et qui revenait souvent à nous.
  17. Nous avons assujetti les montagnes à célébrer nos louanges avec lui, au soir et au lever du soleil ;
  18. Et les oiseaux aussi, qui se rassemblaient autour de lui et qui revenaient souvent à lui.
  19. Nous affermîmes son empire. Nous lui donnâmes la sagesse et l’habileté à trancher les différends.
  20. Connais-tu l’histoire de ces deux plaideurs qui, ayant franchi le mur, se présentèrent dans l’oratoire[4] ?
  21. Quand ils se présentèrent devant David, il fut saisi de frayeur en les voyant. Ne crains rien, lui dirent-ils. Nous sommes deux adversaires. L’un de nous a agi iniquement envers l’autre. Prononce entre nous comme la justice l’exige, sans partialité, et dirige-nous sur le chemin le plus égal.
  22. Celui-ci est mon frère ; il avait quatre-vingt-dix-neuf brebis, et moi je n’en avais qu’une. Il me dit un jour : Donne-la-moi à garder. Il me l’a ravie, et il a prévalu contre moi dans la dispute.
  23. David lui répondit : Il a commis une injustice à ton égard en te demandant une brebis pour rajouter aux siennes ; un grand nombre d’hommes qui s’associent abusent les uns des autres ; ceux qui croient et pratiquent le bien n’agissent pas ainsi ; mais leur nombre est si petit ! David s’aperçut que nous voulions l’éprouver par cet exemple ; il implora le pardon de Dieu[5], se prosterna et se repentit.
  24. Nous lui pardonnâmes ; nous lui accordâmes dans le para dis une place auprès de nous, et une belle demeure.
  25. O David ! nous t’avons établi notre lieutenant sur la terre prononce donc dans les différends des hommes avec équité, et garde-toi de suivre tes passions : elles te détourneraient du sentier de Dieu. Ceux qui en dévient éprouveront un châtiment terrible, parce qu’ils n’ont point pensé au jour du compte[6].
  26. Nous n’avons point créé en vain le ciel et la terre, et tout ce qui est entre eux. C’est l’opinion des incrédules, et malheur aux incrédules, ils seront livrés au feu.
  27. Traiterons-nous ceux qui croient et font le bien à l’égal de ceux qui propagent le mal sur la terre ? Traiterons-nous les hommes pieux à l’égal des impies ?
  28. C’est un livre béni que celui que nous t’avons envoyé ; que les hommes doués d’intelligence méditent ses versets, et y puisent des avertissements.
  29. A David nous donnâmes Salomon. Quel excellent serviteur ! il aimait à revenir à Dieu[7].
  30. Un jour sur le soir, on amena devant lui des chevaux magnifiques, debout sur trois de leurs pieds, et touchant à peine la terre avec l’extrémité du quatrième.
  31. Il dit : J’ai préféré les biens de ce monde au souvenir du Seigneur ; je n’ai pu me rassasier de la vite de ces chevaux, jusqu’à ce que le jour ait disparu sous le voile de la nuit. Ramenez-les devant moi.
  32. Et lorsqu’on les ramena devant lui, il se mit à leur couper les jarrets et la tête[8].
  33. Nous éprouvâmes Salomon, et nous plaçâmes sur son trône un corps informe[9]. Salomon, pénétré de repentir, retourna à nous.
  34. Seigneur ! s’écria-t-il, pardonne-moi mes fautes, et accorde-moi un pouvoir tel que nul autre après moi ne puisse en avoir de pareil. Tu es le dispensateur suprême.
  35. Nous lui soumîmes le vent, dégagé dans son essor et courant partout où il le dirigeait.
  36. Nous lui soumîmes aussi les démons, tous architectes ou plongeurs,
  37. Et d’autres attachés les uns aux autres avec des chaînes.
  38. Tels sont nos dons, lui dîmes-nous ; répands tes faveurs ou refuse-les, tu n’en rendras pas compte.
  39. Salomon aussi occupe une place auprès de nous, et jouit de la plus belle demeure.
  40. Souviens-toi aussi de notre serviteur Job, lorsqu’il adressa à son Seigneur ces paroles : Satan m’a accablé de maladies et de tourments.
  41. Une voix lui cria : Frappe la terre de ton pied. Il le fit, et il en jaillit une source d’eau. Cette eau te servira pour les ablutions ; elle est fraîche, et tu en boiras.
  42. Nous lui rendîmes sa famille, en y ajoutant une fois autant. C’était une preuve de notre miséricorde et un avertissement pour les hommes doués de sens.
  43. Nous lui dîmes : Prends un faisceau[10], frappes-en, et ne viole point-ton serment[11]. Nous avons trouvé Job doué de patience.
  44. Quel excellent serviteur que Job ! il aimait à retourner à Dieu.
  45. Souviens-toi aussi de nos serviteurs Abraham, Isaac et Jacob, hommes forts et intelligents[12].
  46. Nous les avons rendus purs par un moyen ; c’est en leur rappelant la demeure à venir.
  47. Ils sont devant nous au nombre des élus privilégiés.
  48. Souviens-toi aussi d’Ismaël, d’Élisa (Élisée) et de Dhoul-kefl : tous ils étaient justes.
  49. Voici l’avertissement : Ceux qui craignent Dieu auront un heureux séjour,
  50. Les jardins d’Éden dont les portes s’ouvriront devant eux.
  51. Ils s’y reposeront accoudés, et demanderont de toute espèce de boissons.
  52. Auprès d’eux seront des femmes au regard modeste, et leurs égales en âge[13].
  53. Voici, leur dira-t-on, ce qu’on promettait pour le jour du compte.
  54. — Voici, diront-ils, la provision qui ne nous manquera jamais.
  55. Oui, il en sera ainsi. Mais le plus affreux séjour est réservé aux pervers.
  56. C’est la géhenne, où ils seront brûlés. Quel affreux lieu de repos !
  57. Oui, et il en sera ainsi. Goûtez, leur dira-t-on, l’eau bouillante et le pus,
  58. Et autres supplices divers.
  59. On dira aux chefs : Cette troupe qui vous a suivis sera précipitée avec vous. On ne leur dira point : Soyez les bienvenus, car ils seront brûlés au feu.
  60. Ceux-ci diront à leurs chefs : Non, on ne vous dira pas : Soyez les bienvenus ; c’est vous qui nous avez préparé le feu. Quel affreux séjour !
  61. Et ils diront en s’adressant à Dieu : Seigneur ! porte au double le supplice du feu à ceux qui nous ont attiré ce châtiment.
  62. Pourquoi ne voyons-nous pas, diront les infidèles, des hommes que nous regardions comme des méchants,
  63. Et dont nous nous moquions ? échapperaient-ils à nos regards ?
  64. — C’est bien la vérité, c’est ainsi que les hommes condamnés au feu disputeront entre eux.
  65. Dis-leur, ô Mohammed : Je ne suis qu’un avertisseur ; il n’y a point d’autre dieu que Dieu, l’Unique, le Tout-Puissant ;
  66. Souverain des cieux et de la terre et de tout ce qui est entre eux, le Puissant, l’Indulgent.
  67. Dis-leur : Le message est un message grave,
  68. Et vous dédaignez de l’entendre !
  69. Je n’avais aucune connaissance de l’assemblée sublime[14] où l’on disputait sur la création de l’homme
  70. (Ceci ne m’a été révélé que parce que je suis un apôtre véritable),
  71. Lorsque Dieu dit aux anges : Je vais créer l’homme d’argile,
  72. Quand je lui aurai donné la forme parfaite et que j’aurai jeté en lui une partie de mon esprit, vous aurez à vous prosterner devant lui.
  73. Les anges, tous tant qu’ils étaient, se prosternèrent devant lui,
  74. À l’exception d’Éblis. Il s’enfla d’orgueil et fut du nombre des ingrats.
  75. O Éblis ! lui cria Dieu, qui est-ce qui t’empêche de te prosterner devant l’être que j’ai créé de mes mains ?
  76. Est-ce par orgueil, ou bien parce que tu es plus élevé ?
  77. Éblis répondit : Je vaux mieux que lui. Tu m’as créé de feu, et lui de boue.
  78. — Sors d’ici ! lui cria Dieu ; tu es lapidé[15].
  79. Mes malédictions resteront sur toi jusqu’au jour de la rétribution.
  80. Seigneur, dit Eblis, accorde-moi un répit jusqu’au jour où les hommes seront ressuscites.
  81. Tu l’as obtenu, répondit Dieu,
  82. Jusqu’au jour du terme fixé d’avance.
  83. — J’en jure par ta grandeur, répondit Éblis, je les séduirai tous,
  84. Sauf tes serviteurs sincères.
  85. — Il en sera ainsi ; et je dis la vérité, que je comblerai la géhenne de toi et de tous ceux qui t’auront suivi.
  86. O Mohammed ! dis-leur : Je ne vous demande point de salaire, et je ne suis point de ceux qui se chargent de plus qu’ils ne peuvent supporter.
  87. Le Koran est un avertissement pour l’univers.
  88. Au bout d’un certain temps, vous apprendrez la nouvelle.

  1. La lettre Sad, ou S.
  2. C’est-à-dire, dans une des religions établies immédiatement avant Mahomet, entre autres parmi les chrétiens qui ont trois dieux, et non pas un seul. Ces mots sont une ironie.
  3. Cette épithète est donnée ici à Pharaon à cause des châtiments qu’il infligeait aux coupables, et qui consistaient à les faire attacher à quatre pieux et à leur faire subir divers tourments. V. LXXXIX, 9.
  4. Les mots arabes du texte peuvent signifier aussi la séparation du discours, ’ c’est-à-dire l’éloquence qui sait choisir ses expressions et produire de l’effet. Cependant, ce qui suit dans le verset 20 autorise à traduire comme nous l’avons fait. Les deux plaideurs étaient deux anges qui feignirent d’en appeler au jugement de David ; en réalité, c’était pour lui faire sentir ses propres péchés. L’étonnement et la frayeur de David venaient de ce que, ayant partagé ses heures entre ses différentes occupations, il consacrait une partie de la journée à la prière ou à ses affaires, et ne recevait personne. Or, c’est à cette heure de la journée que les plaideurs se présentèrent.
  5. Ceci se rapporte à David convoitant la femme d’Urie.
  6. Jour du jugement dernier.
  7. Revenir à Dieu, veut dire se repentir.
  8. Salomon avait pris dans les pays de Damas et de Nisibis très grande quantité de chevaux ; d’autres disent que c’étaient des chevaux que David avait pris sur les Amalécites, et laissés en héritage à son fils ; d’autres, enfin, que les chevaux étaient nés des vagues de la mer et avaient des ailes. Quand on amena ces mille chevaux devant Salomon, il fut si longtemps à les examiner, qu’il oublia l’heure de la prière ; mais, s’étant aperçu de sa faute, il en fit immoler en sacrifice la plus grande partie, ne conservant qu’une centaine des plus beaux. Pour le consoler de la perte de ses chevaux, Dieu lui soumit les vents.
  9. Salomon, après avoir conquis Sidon et mis à mort le roi de cette ville, prit sa fille pour concubine. Celle-ci obtint la permission d’avoir la statue de son père dans ses appartements ; elle s’en fit un objet d’adoration, et introduisit ainsi sous le toit du roi Salomon le culte idolâtre. Dieu voulut le punir de cette faiblesse. Salomon avait coutume de laisser chez une de ses femmes, toutes les fois qu’il se rendait au bain, son anneau, emblème du pouvoir et talisman à l’aide duquel il gouvernait les génies. Un de ces génies parvint à s’en rendre maître, et s’assit sur le trône ; Salomon, dépossédé de son anneau, perdit le royaume, et fut obligé d’errer sur la terre, méconnu et renié par ses sujets, jusqu’à ce que l’anneau, que le démon avait jeté dans la mer, retiré par un pêcheur et restitué à Salomon, lui fît recouvrer son autorité.
  10. On sous-entend d’herbes ou de jonc
  11. Les commentateurs disent que la femme de Job (Lia, fille de Jacob ou d’Éphraïm, fils de Joseph) étant allée quelque part et ayant resté trop longtemps absente, Job, qui avait sans doute besoin de son aide, jura de lui donner cent coups de fouet dès qu’il guérirait. Dieu lui ordonna de prendre un faisceau d’herbes ou de joncs, et de frapper, sans lui dire quoi, et cela afin qu’il restât fidèle à son serment et dégager sa parole. Ce passage du Koran autorise cette manière de dégager un serment fait inconsidérément et que l’on préférerait ne pas remplir dans toute sa rigueur. Dans le texte, le mot frappes-en n’est suivi d’aucun régime.
  12. Mot à mot : possesseurs de mains et de la vue.
  13. De trente à trente-trois ans, selon les commentateurs.
  14. Les anges.
  15. Ce mot est ordinairement ajouté au nom de Satan, il veut dire maudit.