Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 356-361).

CHAPITRE XXXVI.

Ya. Sin.[1].


Donné à la Mecque. — 83 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Ya. Sin. Je jure par le Koran sage
  2. Que tu es un envoyé
  3. Marchant dans le sentier droit,
  4. Par la révélation du Puissant, du Miséricordieux,
  5. Ann que tu avertisses ceux dont les pères n’ont pas été avertis, et qui vivent dans l’insouciance.
  6. Notre parole s’est vérifiée à l’égard de la plupart d’ entre eux, et ils ne croiront pas[2].
  7. Nous avons chargé leurs cous de chaines qui leur serrent le menton ; ils ne peuvent plus redresser leurs têtes.
  8. Nous leur avons attaché une barre par devant et une barre par derrière. Nous avons couvert leurs yeux d’un voile, et ils ne voient rien.
  9. C’est tout un pour eux ; que tu les avertisses ou non, ils ne croiront pas.
  10. Prêche plutôt ceux qui suivent le Koran et redoutent Dieu dans le secret de leurs cœurs ; annonce-leur le pardon et une récompense magnifique.
  11. Nous ressuscitons les morts, et nous inscrivons leurs œuvres et leurs traces. Nous avons compté tout dans le prototype évident[3].
  12. Cite-leur comme exemple les habitants d’une ville que visitèrent des envoyés de Dieu[4].
  13. Nous en envoyâmes d’abord deux, et ils furent traités d’imposteurs ; nous les appuyâmes par un troisième, et tous trois dirent aux habitants de cette cité : Nous sommes envoyés vers vous.
  14. — Vous n’êtes que des hommes comme nous. Le Miséricordieux ne vous a rien révélé ; vous n’êtes que des imposteurs.
  15. — Notre Seigneur, répondirent-ils, sait bien que nous sommes envoyés vers vous.
  16. Nous ne sommes chargés que de vous prêcher ouvertement.
  17. — Nous avons consulté le vol des oiseaux sur vous, et, si vous ne cessez pas de nous prêcher, nous vous lapiderons. Nous vous réservons une peine terrible.
  18. Les envoyés répondirent : Votre mauvais sort[5] vous accompagne, quand même on vous avertirait. En vérité, vous êtes un peuple livré aux excès.
  19. Un homme, accouru de la partie la plus éloignée de la ville, leur criait : O mes concitoyens ! croyez à ces envoyés ;
  20. Suivez ceux qui ne vous en demandent aucune récompense, et vous serez dans la droite voie.
  21. Pourquoi n’adorerais-je pas celui qui m’a créé, et à qui vous retournerez tous ?
  22. Prendrais-je d’autres dieux que lui ? Si le Miséricordieux veut me faire du mal, leur intercession ne me sera d’aucune utilité ; ils ne sauraient me sauver.
  23. Je serais dans un égarement évident si je les adorais.
  24. — J’ai cru à votre Seigneur ; écoutez-moi.
  25. Il fut lapidé ; après sa mort, on lui dit : Entre dans la paradis. Ah ! si mes concitoyens savaient
  26. Ce que Dieu m’a accordé, et comme il m’a honoré !
  27. Nous n’envoyâmes point contre cette cité ni armée du ciel ni d’autres fléaux que nous envoyons contre les autres.
  28. Un seul cri se fit entendre, et ils furent anéantis.
  29. Que mes serviteurs sont malheureux ! Aucun apôtre n’est venu vers eux qu’ils ne l’eussent pris pour l’objet de leurs railleries.
  30. Ne voient-ils pas combien de générations nous avons détruites avant eux ?
  31. Ce n’est point à eux (aux faux dieux) qu’ils retourneront.
  32. Tous, réunis, seront amenés devant nous.
  33. Que la terre, morte de sécheresse, leur serve de signe de notre puissance, Nous lui rendons la vie, et nous en faisons sortir des grains dont ils se nourrissent.
  34. Nous y avons planté des jardins de dattiers et de vignes ; nous y avons fait jaillir des sources,
  35. Afin qu’ils mangent de leurs fruits et jouissent des travaux de leurs mains. Ne seront-ils pas reconnaissants envers nous ?
  36. Gloire à celui qui a créé tous les couples, tant parmi les plantes que la terre produit, que parmi vous, hommes, et parmi les choses que les hommes ne connaissent pas.
  37. C’est un signe que la nuit, lorsque nous en retirons le jour et que les hommes sont enveloppés dans les ténèbres.
  38. C’est un signe aussi que le soleil qui court jusqu’à sa retraite. Tel a été l’arrêt du Puissant, du Sage.
  39. Et la lune, nous avons établi pour elle des stations au point qu’elle devient comme une vieille branche de palmier recourbée.
  40. Il n’est point donné au soleil d’atteindre la lune, ni à la nuit de devancer le jour ; chacun de ces astres se meut dans une sphère à part.
  41. Que ce soit aussi un signe pour eux, que nous portâmes la postérité des hommes dans un vaisseau rempli de tout[6].
  42. Et que nous créâmes d’autres pareils à ce vaisseau qu’ils montent.
  43. Si nous le voulons, nous les noyons dans les mers ; ils ne sont sauvés, ils ne sont délivrés
  44. Que par notre grâce, et ce, pour les faire jouir quelques instants encore de ce monde.
  45. Lorsqu’on leur dit : Craignez ce qui est devant vous et derrière vous[7], afin d’obtenir la miséricorde divine, ils n’en tiennent aucun compte .
  46. Il ne leur apparut aucun signe d’entre les signes de Dieu, dont ils n’eussent détourné leurs yeux.
  47. Si l’on dit : Faite l’aumône des biens que Dieu vous accorde, les infidèles disent aux croyants : Nourrirons-nous ceux que Dieu nourrirait lui-même s’il le voulait ? — Certes, vous êtes dans un égarement évident.
  48. Ils disent encore : Quand donc s’accomplira cette menace du châtiment ? dites-le, si vous êtes sincères.
  49. Qu’attendent-ils donc ? Est-ce un seul cri parti du ciel pendant qu’ils seront à disputer ?
  50. Ils ne pourront ni disposer par leurs testaments, ni retourner auprès de leurs familles.
  51. On sonnera la trompette, et ils sortiront de leurs tombeaux, et ils accourront en toute hâte auprès du Seigneur.
  52. Malheur à nous ! s’écrieront-ils ; qui nous a extraits de ces lieux de repos ? Voici venir les promesses de Dieu. Ses envoyés nous disaient bien la vérité,
  53. Il n’y aura qu’un seul cri parti du ciel , et tous les hommes rassemblés comparaîtront devant nous.
  54. Dans ce jour, pas une seule âme ne sera traitée injustement ; ils ne seront rétribués que selon leurs œuvres.
  55. Dans ce jour, les habitants du jardin (du paradis ) se livreront à des transports de joie.
  56. En compagnie de leurs épouses, ils se reposeront à l’ombre, assis commodément dans des fauteuils[8].
  57. Ils y auront des fruits, ils y auront tout ce qu’ils demanderont.
  58. Salut ! sera la parole qu’on leur adressera de la part de leur Seigneur le Miséricordieux.
  59. Ce jour-là, vous serez séparés, ô infidèles !
  60. N’ai-je point stipulé avec vous, ô enfants d’Adam ! de ne point servir Satan ? (Il est votre ennemi déclaré.)
  61. Adorez-moi, c’est le sentier droit.
  62. Il a séduit une grande partie d’entre vous. Ne l’avez-vous pas compris ?
  63. Voilà la géhenne qu’on vous promettait.
  64. Aujourd’hui chauffez-vous à son feu, pour prix de vos œuvres.
  65. Aujourd’hui nous apposerons un sceau sur leurs lèvres ; leurs mains nous parleront seules, et leurs pieds témoigneront de leurs actions.
  66. Si nous voulions, nous leur ôterions la vue ; ils s’élanceraient alors précipitamment sur le chemin ; .mais comment le verront-ils ?
  67. Si nous voulions, nous leur ferions changer de forme ; ils ne sauraient ni marcher en avant ni revenir sur leurs pas.
  68. Nous courbons le dos de celui dont nous prolongeons les jours. Ne le comprennent-ils pas ?
  69. Nous ne lui (à Mohammed) avons pas enseigné la poésie, et elle ne lui sied pas, et ce livre, le Koran, n’est qu’un avertissement et une lecture claire[9],
  70. Pour avertir les vivants, et pour que la sentence portée contre les infidèles soit exécutée.
  71. Ne voient-ils pas que, parmi les choses formées par nos mains, nous avons créé les animaux pour eux, et qu’ils en disposent en maîtres ?
  72. Nous les leur avons soumis ; ils en font des montures de quelques-uns, et se nourrissent d’autres.
  73. Dans ces animaux ils trouvent de nombreux avantages, ils y trouvent de la boisson (leur lait). Ne seront-ils pas reconnaissants envers nous ?
  74. Ils adorent d’autres divinités que Dieu pour obtenir leur assistance.
  75. Mais elles ne sauraient les secourir : ce sont plutôt eux qui servent d’armée à leurs divinités.
  76. Que leurs discours donc ne t’affligent pas, ô Mohammed ! nous connaissons ce qu’ils cachent et ce qu’ils mettent au grand jour.
  77. L’homme ne voit-il pas que nous l’avons créé d’une goutte de sperme ? et le voila qui s’érige en véritable adversaire.
  78. Il nous propose des paraboles, lui qui oublie sa propre création (sa propre origine). Il nous dit : Qui peut faire revivre les os une fois cariés ?
  79. Réponds-leur : Celui-là les fera revivre qui les a produits la première fois, celui qui sait créer tout ;
  80. Celui qui fait jaillir le feu d’un bois vert[10] dont vous allumez vos feux ;
  81. Celui qui a créé les cieux et la terre n’est-il pas capable de créer des êtres pareils à vous ? Oui, sans doute ; il est le créateur savant.
  82. Quel est son arrêt ? Lorsqu’il veut qu’une chose soit faite, il dit : Sois, et elle est.
  83. Gloire à celui qui dans ses mains tient la souveraineté sur toutes choses. Vous retournerez tous à lui.

  1. Ce chapitre, intitulé Ias, ou plutôt Ya Sin (deux lettres dont le sens est inconnu et qui se trouvent en tête du premier verset) est récité comme prière des agonisants ou des morts. Mahomet l’avait appelé le cœur du Koran.
  2. C’est, disent les commentateurs, cette parole de Dieu : Je remplirai la géhenne d’hommes et de génies ; aussi Dieu les a rendus inaccessibles à la foi, incapables de comprendre ses enseignements.
  3. Le prototype évident ou le Livre évident, ou la Table bien gardée, c’est le livre où sont inscrites les actions de tout homme.
  4. Tout ce passage, depuis le verset 12 jusqu’an 29, pouvait se rapporter, dans la pensée de Mahomet, à un fait particulier et réel dont il aurait entendu parler vaguement. Les commentateurs le rapportent à la mission de deux disciples de Jésus-Christ, envoyés par lui à Antioche pout prêcher l’unité de Dieu. Les idolâtres de cette ville les reçurent fort mal, et les jetèrent même dans un cachot ; ce que Jésus ayant appris, il s’empressa d’envoyer Simon-Pierre. Celui-ci, en arrivant à Antioche, feignit d’abord d’être un polythéiste zélé, et, habile en même temps à opérer des miracles, il parvint ainsi à gagner la faveur du peuple et des grands. Peu après, il témoigna, comme par hasard, l’intention de voir les deux apôtres dans le but de les confondre ; il eut toutefois soin de les prévenir qu’ils eussent l’air de ne pas le connaître. Quand on amena les deux apôtres devant Pierre, il les interrogea sur leur mission et sur la religion qu’ils prêchaient, puis il leur porta le défi d’opérer un miracle décisif, comme de ressusciter des morts ; car, pour rendre la vue aux aveugles, il en était capable lui-même. Là-dessus, on fait apporter un enfant mort depuis sept jours, et les deux apôtres lui rendent la vie. Pierre, venu pour les confondre, s’avoue vaincu, déclare tout haut vouloir embrasser le culte unitaire, se met à briser les idoles, et entraîne ainsi une grande partie des habitants d’Antioche. Ceux qui demeurèrent incrédules furent exterminés par un seul cri de l’ange Gabriel. L’homme accouru de l’extrémité de la ville (verset 19) est un certain Habib, charpentier d’Antioche, dont les deux apôtres avaient précédemment guéri l’enfant par la simple imposition des mains, Cet homme souffrit le martyre, et son tombeau est à Antioche l’objet de la vénération des mahométans. (Voy. Sale, The Koran.)
  5. Mot a mot : votre oiseau est avec vous.
  6. Ou dans un vaisseau comble.
  7. Les châtiments de ce monde et ceux de l’autre.
  8. Sièges, trônes ou fauteuils.
  9. Les infidèles trouvaient que Mahomet n’était qu’un poëte. Mahomet s’en défend, il regarde la poésie comme au-dessous de lui ; on a déjà vu (chap. XXVI, 225) qu’il la condamne comme dangereuse.
  10. Il s’agit ici de la manière de faire du feu, en usage chez les Arabes : deux morceaux d’une certaine espèce de bois, frottés l’un contre l’autre, font jaillir du feu, le bois étant même vert et humide.