Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 230-241).

CHAPITRE XVIII.

LA CAVERNE[1].


Donné à Médine. — 110 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Louange à Dieu qui a envoyé à son serviteur le Livre où il n’a point mis de tortuosités.
  2. Un livre droit, destiné à menacer les hommes d’un châtiment terrible de le part de Dieu, et à annoncer aux croyants qui font le bien une belle récompense dont ils jouiront éternellement.
  3. Un livre destiné à avertir ceux qui disent : Dieu a un fils.
  4. Ils n’en ont aucune connaissance, pas plus que leurs pères. C’est un péché énorme que la parole qui sort de leurs bouches[2]. C’est un mensonge.
  5. S’ils ne croient pas à ce livre (le Koran), tu es capable de t’anéantir de chagrin à cause d’eux.
  6. Tout ce qui est sur la terre,·nous en avons fait l’ornement de la terre, pour éprouver les hommes, pour savoir qui d’entre eux se conduira le mieux.
  7. Mais tous ces ornements, nous les réduisons en poussière.
  8. As tu fait attention que l’histoire des compagnons de la CAVERNE et d’Al-Rakim[3] est un de nos signes et une chose l’extraordinaire ?
  9. Lorsque ces jeunes gens s’y furent retirés, ils s’écrièrent : Seigneur ! Accorde-nous ta miséricorde, et assure-nous la droiture dans notre conduite.
  10. Nous avons frappé leurs oreilles de surdité dans la caverne pendant un certain nombre d’années.
  11. Nous les réveillâmes ensuite pour voir qui d’entre eux saurait mieux compter le temps qu’ils y étaient restés.
  12. Nous te racontons leur histoire en toute vérité. C’étaient des jeunes gens qui croyaient en Dieu, et auxquels nous avions ajouté encore des moyens de suivre la droite voie.
  13. Nous fortifiâmes leurs cœurs, lorsque, amenée devant le prince[4], ils se levèrent, et dirent : Notre Maitre est le maitre des cieux et de la terre ; nous n’invoquerons point d’autre Dieu que lui, autrement nous commettrions un crime.
  14. Nos concitoyens adorent d’autres divinités que Dieu ; Peuvent-ils nous montrer une preuve évidente en faveur de leur culte ? Et qui est plus coupable que celui qui a forgé un mensonge sur le compte de Dieu ?
  15. Ils se dirent alors l’un a l’autre : Si vous les quittiez, ainsi que les idoles qu’ils adorent à côté de Dieu, et si vous vous retiriez dans une caverne, Dieu vous accorderait sa grâce et disposerait vos affaires pour le mieux.
  16. Tu aurais vu le soleil, quand il se levait, passer à droite de l’entrée de la caverne, et, quand il se couchait, s’en éloigner à gauche ; Et ils se trouvaient dans un endroit spacieux de la caverne. C’est un des signes de Dieu. Celui-là est bien dirigé que Dieu dirige ; mais celui que Dieu égare, on ne saurait lui trouver ni patron ni guide.
  17. Tu aurais cru qu’ils veillaient, et cependant ils dormaient ; Nous les retournions tantôt à droite et tantôt à gauche ; et leur chien était couché, les pattes étendues, à l’entrée de la caverne. Si, arrivé à l’improviste, tu les avais vus dans cet état, tu t’en serais détourné et tu te serais enfui, tu aurais été transi de frayeur.
  18. Nous les éveillâmes ensuite, afin qu’ils s’interrogeassent mutuellement. L’un d’entre eux demanda : Combien de temps êtes-vous restes ici ? — Un jour, répondit l’autre, ou une partie seulement de la journée. — Dieu sait mieux que personne, reprirent les autres, le temps que vous avez passé ici[5]. Envoyez quelqu’un d’entre vous avec cet argent à la ville ; qu’il s’adresse à celui qui aura les meilleurs aliments, qu’il vous en apporte pour votre nourriture, mais qu’il se comporte avec civilité, et ne découvre à personne votre retraite.
  19. Car si les habitants en avaient connaissance, ils vous lapideraient, ou bien vous forceraient à embrasser leur croyance. Vous ne pourriez plus être heureux, jamais[6].
  20. Nous avons fait connaître à leurs concitoyens leur aventure, afin qu’ils apprissent que les promesses de Dieu sont véritables, et qu’il n’y a point de doute sur la venue de l’heure. Leurs concitoyens disputaient à leur sujet. Élevons un édifice au-dessus de la caverne. Dieu connaît mieux que personne la vérité à leur égard. Ceux dont l’avis l’emporta dans leur affaire dirent : Nous y élèverons une chapelle.
  21. On disputera sur leur nombre. Tel dira : Ils étaient trois, leur chien était le quatrième. Tel autre dira : Ils étaient cinq, leur chien était le sixième. On scrutera le mystère. Tel dira : Ils étaient sept, et leur chien était le huitième. Dis : Dieu sait mieux que personne combien ils étaient. Il n’y a qu’un petit nombre qui le sait.
  22. Aussi ne dispute point à ce sujet, si ce n’est pour la forme, et ne demande point (à aucun chrétien) des avis à cet égard.
  23. Ne dis jamais : Je ferai telle chose demain, sans ajouter : Si c’est la volonté de Dieu. Souviens-toi de Dieu, si tu viens à l’oublier, et dis : Peut-être Dieu me dirigera-t-il vers la vraie connaissance de cette aventure[7].
  24. Ces jeunes gens demeurèrent dans leur caverne trois cents ans, plus neuf.
  25. Dis : Dieu sait mieux que personne combien de temps ils y demeurèrent : les secrets des cieux et de la terre lui appartiennent : oh ! qu’il voit bien ! oh ! qu’il entend bien ! Les hommes n’ont point d’autre patron que lui ; Dieu ne s’associe personne dans ses arrêts.
  26. Révèle ce qui t’a été révélé du Livre de Dieu ; il n’est personne qui soit capable de changer ses paroles ; en dehors de lui tu ne trouverais aucun refuge.
  27. Sois indulgent à l’égard de ceux qui invoquent le Seigneur le matin et le soir, par désir de voir la face de leur Seigneur[8]. Ne détourne point tes yeux d’eux par désir du brillant de ce monde, et n’obéis point à celui dont nous avons rendu le cœur insouciant de notre souvenir, à celui qui suit ses penchants, et dont toutes les actions sont un dérèglement[9].
  28. Dis : La vérité vient de Dieu ; que celui qui veut croire, croie, et que celui qui veut être infidèle, le soit. Quant à nous, nous avons préparé pour les impies le feu, qui les entourera de ses parois. Quand ils imploreront du secours, on leur donnera de l’eau ardente comme le métal fondu, qui leur brûlera le visage. Quel détestable breuvage ! quel détestable lieu de repos[10] !
  29. Ceux qui auront cru et pratiqué le bien… certes nous ne ferons pas périr la récompense de celui qui a agi le mieux.
  30. A ceux-ci les jardins d’Éden ; sous leurs pieds couleront des eaux ; ils s’y pareront de bracelets d’or, se vêtiront de robes vertes de soie forte et de satin, accoudés sur des sièges[11]. Quelle belle récompense ! quel admirable lieu de repos !
  31. Propose-leur en parabole ces deux hommes : à l’un d’eux nous donnâmes deux jardins plantés de vignes ; nous entourâmes ces jardins de palmiers, et entre les deux nous plaçâmes des champs ensemencés. Les deux jardins portèrent des fruits et ne furent point stériles.
  32. Nous avons fait couler une rivière au sein même de ces jardins. Cet homme a récolté quantité de fruits, et a dit à son voisin en conversation : Je suis plus riche que toi, et j’ai une famille plus nombreuse.
  33. Il entra dans son jardin, coupable envers lui-même, et s’écria ile ne pense pas que ce jardin périsse jamais.
  34. Je ne pense pas que l’heure arrive jamais, et si je reparais devant Dieu, j’aurai en échange un jardin encore plus beau que celui-ci.
  35. Son ami lui dit, pendant qu’ils étaient ainsi en conversation. Ne crois-tu pas en celui qui t’a créé.de terre, puis de sperme[12], et qui enfin t’a donné les proportions parfaites d’homme ?
  36. Quant à moi, Dieu est mon Seigneur, et je ne lui associerai qui que ce soit.
  37. Que ne dis-tu plutôt, en entrant dans ton jardin : Il arrivera ce que Dieu voudra ; il n’y a point de force si ce n’est en Dieu. Bien que tu me voies plus pauvre et ayant moins d’enfants,
  38. Il se peut que Dieu m’accorde quelque chose qui vaudra mieux que ton jardin ; il enverra quelques traits du ciel, et tu sera un beau matin réduit en poussière stérile.
  39. Les eaux qui l’arrosent peuvent disparaitre sous terre, où tu ne saurais les retrouver.
  40. Les possessions de l’incrédule furent enveloppées dans la destruction avec tous ses fruits. Il se tordait les mains, regrettant ses dépenses, car les vignes se tenaient sur des échalas, dépouillées de leurs fruits, et il s’écriait : Plût à Dieu que je ne lui eusse associé aucun autre dieu !
  41. Il n’avait point de troupe armée qui l’eut secouru contre Dieu ; il ne trouvera aucun secours.
  42. La protection n’appartient qu’à Dieu seul, le Dieu vrai. Il sait récompenser mieux que personne, et procurer la plus heureuse fin à tout.
  43. Propose-leur la parabole de la vie de ce monde. Elle ressemble à l’eau que nous faisons descendre du ciel, les plantes de la terre se mêlent à elle ; le lendemain elles sont sèches ; les vents les dispersent. Car Dieu est tout-puissant.
  44. Les richesses et les enfants sont les ornements de la vie de ce monde ; mais les choses qui restent, les bonnes œuvres, produiront plus auprès de ton Seigneur comme récompense et comme espérance.
  45. Le jour où nous ferons marcher les montagnes, tu verras la terre nivelée comme une plaine ; nous rassemblerons tous les hommes, sans en oublier un seul.
  46. Ils paraîtront devant ton Seigneur rangés en ordre. Dieu leur dira : Vous voilà venus devant moi tels que je vous avais créés pour la première fois, et vous pensiez que je ne remplirais pas mes promesses.
  47. Le livre où sont inscrites les actions de chacun sera mis entre ses mains ; tu verras les coupables saisis de frayeur, à cause de ce qui y est écrit : Malheur à nous ! Que veut donc dire ce livre ? Il ne reste ni petite action ni grande ; il les a comptées toutes ; les hommes les retrouveront là présentes à leurs yeux. Ton Seigneur n’agira injustement envers qui que ce soit.
  48. Quand nous dîmes aux anges : Prosternez-vous devant Adam, ils se prosternèrent tous, à l’exception d’Éblis, qui était un des génies[13] ; il se révolta contre les ordres de Dieu. Prendrez-vous donc plutôt Éblis et sa race pour patrons que moi ? Ils sont vos ennemis. Quel détestable échange que celui des méchants !
  49. Je ne les ai point pris pour témoins quand le créais les cieux et la terre, et quand je les créais, et je n’ai pas pris pour mes aides ceux qui s’égarent.
  50. Un jour, Dieu dira aux infidèles : Appelez mes prétendus compagnons, ceux que vous croyez être dieux. Ils les appelleront, mais ceux-ci ne leur répondront pas, car nous aurons mis entre eux la vallée de la destruction.
  51. Les coupables verront le feu de l’enfer, et sauront qu’ils y seront précipités ; ils ne trouveront aucun moyen d’y échapper.
  52. Nous nous sommes servi dans ce Koran de toute sorte de paraboles à l’usage des hommes ; mais l’homme est la plupart du temps enclin à la dispute.
  53. Qu’est-ce donc qui empêche les hommes de cuire, quand la direction du droit chemin leur a été donnée ? qu’est-ce qui les empêche d’implorer le pardon de Dieu ? Peut-être attendent-ils le sort des hommes d’autrefois, ou que le châtiment les atteigne à la face de l’univers. .
  54. Nous envoyons des apôtres chargés d’avertir et d’annoncer. Les incrédules se servent d’arguments futiles pour effacer la vérité, et prennent nos miracles et les peines dont on les menace pour l’objet de leurs railleries.
  55. Quel être plus coupable que celui qui se détourne quand on lui récite nos enseignements, qui oublie les actions qu’il avait commises lui-même ? Nous avons recouvert leurs cœurs de plus d’une enveloppe, pour qu’ils ne comprennent point le Koran, et nous avons jeté la pesanteur dans leurs oreilles.
  56. Quand même tu les appellerais à la droite voie, ils ne la suivraient alors jamais.
  57. Ton Seigneur est indulgent et plein de compassion ; s’il voulait les punir de leurs œuvres, il aurait avancé l’heure du châtiment. Mais ils ont un terme fixé pour l’accomplissement des menaces, et ils ne trouveront aucun refuge contre sa vengeance.
  58. Nous avons détruit ces anciennes cités, à cause de leur impiété ; or nous avions précédemment prédit leur ruine.
  59. Un jour Moïse dit à son serviteur[14] : Je ne cesserai de marcher jusqu’à ce que je sois parvenu au confluent des deux mers[15]·ou je marcherai pendant plus de quatre-vingts ans.
  60. Lorsqu’ils furent arrivés au confluent des deux mers, ils s’aperçurent qu’ils avaient perdu leur poisson[16], qui prit tout droit la route de la mer.
  61. Lorsqu’ils passèrent en avant, Moïse dit à son serviteur : Sers-nous notre repas, nous avons éprouvé beaucoup de fatigues dans ce voyage.
  62. — Qu’en dis-tu ? reprit son serviteur. Lorsque nous nous sommes arrêtés auprès de ce rocher, je n’ai fait aucune attention au poisson. Il n’y a que Satan qui ait pu me le faire oublier ainsi, pour que je ne te le rappelasse pas ; le poisson a pris son chemin vers la mer ; c’est miraculeux.
  63. — C’est ce que je désirais, reprit Moïse. Et ils retournèrent tous deux sur leurs pas.
  64. Là ils rencontreront un de nos serviteurs que nous avons favorisé de notre grâce et éclairé de notre science[17].
  65. Puis-je te suivre, lui dit Moïse, afin que tu m’enseignes une portion de ce qu’on t’a enseigne à toi-même par rapport à la vraie route ?
  66. L’inconnu répondit : Tu n’auras jamais assez de patience pour rester avec moi.
  67. Et comment pourrais-tu supporter certaines choses dont tu ne comprendras pas le sens ?
  68. S’il plaît à Dieu, dit Moïse, tu me trouveras persévérant, et je ne désobéirai point à tes ordres.
  69. Eh bien ! si tu me suis, dit l’inconnu, ne m’interroge sur quoi que ce soit, que je ne t’en aie parlé le premier.
  70. Ils se mirent donc en route tous deux[18], et tous deux montèrent dans un bateau ; l’inconnu l’endommagea. — L’as-tu brisé, demanda Moïse, pour noyer ceux qui sont dedans ? Tu viens de commettre la une action étrange.
  71. — Ne t’ai-je pas dit que tu n’auras pas assez de patience pour rester avec moi ?
  72. Ne me blâme pas, reprit Moïse, d’avoir oublié tes ordres, et ne m’impose point des obligations trop difficiles.
  73. Ils partirent, et ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils eussent rencontré un jeune homme. L’inconnu le tua. — Eh quoi ! tu viens de tuer un homme innocent qui n’a tué personnel Tu as commis là une action détestable.
  74. — Ne t’ai-je point dit que tu n’auras pas assez de patience pour rester avec mol ?
  75. — Si je t’interroge encore une seule fois, tu ne me permettras plus de t’accompagner. Maintenant excuse-moi.
  76. Ils partirent, et ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés aux portes d’une ville. Ils demandèrent l’hospitalité aux habitants ; ceux-ci refusèrent de les recevoir. Les deux voyageurs s’aperçurent que le mur de la ville menaçait ruine. L’inconnu le releva. — Si tu avais voulu, lui dit Moïse, tu aurais pu te faire donner une récompense.
  77. — Ici nous nous séparerons, reprit l’inconnu. Je vais seulement t’apprendre la signification des choses que tu as été impatient de savoir.
  78. Le navire appartenait à de pauvres gens qui travaillaient sur mer ; je voulus l’endommager, parce que derrière lui il y avait un roi qui s’emparait de tous les navires.
  79. Quant au jeune homme, ses parents étaient croyants, et nous avons craint qu’il ne les infectât de sa perversité et de son incrédulité.
  80. Nous avons voulu que Dieu leur donnât en retour un fils plus vertueux et plus digne d’affection.
  81. Le mur était l’héritage de deux garçons, orphelins, de cette ville. Sous ce mur était un trésor qui leur appartenait. Leur père était un homme de bien. Le Seigneur a voulu les laisser atteindre l’âge de puberté pour leur rendre le trésor. Ce n’est point de mon propre chef que j’ai fait tout cela. Voilà les choses dont tu n’as pas eu la patience d’attendre l’explication[19].
  82. On t’interrogera, ô Mohammed ! au sujet de Dhoul’Karneïn[20]. Réponds : Je vais vous raconter son histoire.
  83. Nous affermîmes sa puissance sur la terre, et nous lui donnâmes les moyens d’accomplir tout ce qu’il désirait, et il suivit une route.
  84. Il marcha jusqu’à ce qu’il fût arrivé au couchant du soleil ; il vit le soleil se coucher dans une fontaine boueuse ; auprès d’elle il trouva établis une peuplade.
  85. Nous lui dîmes : O Dhoul’Karneïn ! tu peux châtier ce peuple, ou le traiter avec générosité.
  86. — Nous châtierons répondit-il, tout homme impie ; ensuite nous le livrerons à Dieu, qui lui fera subir un supplice affreux.
  87. Mais quiconque aura cru et pratiqué le bien obtiendra une belle récompense, et nous ne lui donnerons que des ordres faciles à exécuter.
  88. Dhoul’Karneïn de nouveau suivit une route,
  89. Jusqu’à ce qu’il arrivât à l’endroit où le soleil se lève ; il se levait sur un peuple auquel nous n’avons rien donné pour se mettre à l’abri de son ardeur.
  90. Oui, il en était ainsi, et nous connaissons tous ceux qui étaient avec lui (Dhoul’Karneïn).
  91. Il suivit de nouveau une route,
  92. Jusqu’à ce qu’il arrivât entre les deux digues au pied desquelles habitait un peuple qui entendait à peine quelque langue.
  93. Ce peuple lui dit : O Dhoul’Karneïn ! voici que Iadjoudj et Madjouj[21] commettent des désordres sur la terre. Pouvons-nous te demander, moyennant une récompense, d’élever une barrière entre eux et nous ?
  94. — La puissance que m’accorde mon Seigneur, répondit-il, est pour moi une récompense plus considérable. Aidez-moi seulement avec zèle, et j’élèverai une barrière entre eux et vous.
  95. Apportez-moi de grandes pièces de fer, autant qu’il en faudra pour combler l’intervalle entre les deux montagnes. Il dit aux travailleurs : Soufflez le feu jusqu’à ce que le fer devienne rouge comme le feu. Puis il dit : Apportez-moi de l’airain fondu, afin que je le jette dessus.
  96. Iadjoudj et Madjoudj ne purent ni escalader le mur ni le percer.
  97. — Cet ouvrage, dit Dhoul’Karneïn, est un effet de la miséricorde de Dieu.
  98. Quand l’arrêt du Seigneur sera arrivé, il le réduira en pièces ; les promesses de Dieu sont infaillibles.
  99. Le jour viendra ou nous les laisserons se presser en foule comme les flots les uns sur les autres. On sonnera la trompette, et nous réunirons tous les hommes ensemble.
  100. Ce jour-là nous disposerons la géhenne pour les infidèles,
  101. Pour ceux dont les yeux étaient couverts d’un voile pour ne pas voir nos avertissements et qui n’ont pas su nous écouter.
  102. Les infidèles ont-ils pensé qu’ils pourront prendre pour patrons ceux qui ne sont que nos serviteurs ? Nous leur avons préparé la géhenne pour demeure.
  103. Vous ferai-je connaître ceux qui ont le plus perdu à leurs œuvres ;
  104. Dont les efforts dans ce monde ont été en pure perte, et qui croyaient cependant avoir bien agi ?
  105. Ce sont les hommes qui n’ont point cru à nos signes, ni à leur comparution devant leur Seigneur ; leurs actions sont vaines, et nous ne leur donnerons aucun poids[22] au jour de la résurrection.
  106. Leur récompense sera l’enfer, parce qu’ils ont fait de mes signes et de mes apôtres l’objet de leur risée.
  107. Ceux qui croient et font le bien auront pour demeure les jardins du paradis[23].
  108. Ils les habiteront éternellement, et ne désireront aucun changement à leur sort.
  109. Dis : Si la mer se changeait en encre pour décrire les paroles de Dieu, la mer se tarirait avant les paroles de Dieu, quand même nous y emploierions une autre mer pareille.
  110. Dis : Je suis un homme comme vous, mais j’ai reçu la révélation qu’il n’y a qu’un Dieu. Quiconque espère paraître un jour devant son Seigneur, qu’il pratique le bien et qu’il n’associe aucune autre créature dans l’adoration due au Seigneur[24].

  1. Ce chapitre est intitulé la Caverne, parce qu’il y est question de la caverne des Sept-Dormants. Voy. verset 8.
  2. C’est·à-dire, c’est un péché énorme que de dire : Dieu a un fils.
  3. On n’est pas d’accord sur la signification du mot Rakim. Les uns croient que c’est le nom du chien des Sept-Dormants ; d’autres que c’est le nom d’une table sur laquelle étaient inscrits les noms des hommes qui s’étaient retirés dans la caverne, et en effet la forme de ce mot dérivé de la racine rakama, tracer des caractères, broder, dessiner, équivaut à markoum et peut s’appliquer à une table couverte de caractères.
  4. Les Sept-Dormants dont il est question ici devaient être des jeunes gens de bonne famille d’Éphèse, sous le règne de l’empereur Decius, que les commentateurs appellent à tort Decianus.
  5. Toutes les fois que dans le Koran une personne fait une question à ses compagnons, en lieu d’employer le pronom nous, elle parle à la seconde personne de pluriel, bien qu’elle fasse partie de la troupe. Ainsi, pour conserver cette particularité du texte arabe, nous avons traduit : Combien de temps êtes-vous restés ici ? pour : sommes-nous restés ici ?
  6. C’est·à-dire ç’en serait fait du salut de vos âmes.
  7. Mahomet, questionné par les juifs au sujet des Sept-Dormants, leur promit de leur répondre le lendemain, oubliant d’ajouter : S’il plait à Dieu. En punition de cet oubli, La révélation se fit attendre quelques jours.
  8. C’est-à-dire, qui adressent à Dieu des prières pour attirer ses regards.
  9. Le mot fourout employé ici, se dit de cet élan déréglé d’un cheval qui laisse tous les autres en arrière et les abandonne.
  10. Le mot du texte, dans cet endroit, est mortefik, qui veut dire accoudoir. Mahomet, ayant dit un peu plus haut que les réprouvés seront abreuvés d’eau bouillante et enveloppés de feu, s’écrie que la boisson comme l’accoudoir sont affreux.
  11. Les commentateurs disent que la couleur verte est la plus belle de toutes et la plus rafraîchissante pour l’œil. Les étoffes de soie fortes et molles sont mentionnées ici pour prévenir les fidèles qu’on y trouvera à son gré le dur et le moelleux.
  12. On doit entendre par là la création d’abord directe d’Adam, créé de limon, ensuite le création de la race humaine par la génération.
  13. Ce passage embarrasse les commentateurs. Éblis est ici compté parmi les génies, eldjinn, race intermédiaire entre les hommes et les anges, et dont l’origine et la nature sont aussi vaguement définies dans le Koran que dans presque toutes les religions ; Éblis était d’abord un ange, ainsi que le dit le Koran en plusieurs endroits ; sa rébellion l’a fait précipiter du ciel, il devient Satan, echcheïtan, le tentateur, le diable, l’ennemi déclaré des humains. Les anges ne peuvent ni enfanter ni engendrer, et ne pèchent point, tandis que les génies se reproduisent, sont sujets au péché et passibles des châtiments de la vie future. Quelques commentateurs croient qu’il faut regarder Éblis comme le père de la race des génies ; mais le texte qui nous occupe dit : il était du nombre des génies. Quelle que soit l’affinité des êtres désignés par le nom de cheïtan, Satan (au pluriel cheïatin), avec cent de génies (djinn), tous deux représentant le principe de mal, il est nécessaire de les distinguer, d’en distinguer le caractère et l’apparition dans les différents cultes. Satan appartient au culte, sinon primitif, du moins fort ancien, des peuples sémitiques ; il se rattache au mythe de la chute de l’ange et de l’homme : les génies appartiennent plutôt aux mythes perses et indiens (div, deva). et n’auraient fait invasion dans les cultes des peuples sémitiques que plus tard. On voit par les passages du Koran, chap. II, 96, et chap. XIX, 69, que les mots génies et Satan sont identiques ; on peut le prouver encore par des passages analogues, chap. XXVII, 39-40, LXXII, 11. Pour mettre le lecteur français à même de s’éclairer sur cette question, nous traduisons partout le mot cheïatin par démons, cheïtan par Satan, et djinn par génies.
  14. Josué, fils de Noun.
  15. Ces deux mers, disent les commentateurs, sont la mer de la Grèce et la mer de la Perse. Comme ce passage ne trouve aucune explication plausible dans le sens littéral, les commentateurs ajoutent que Moïse veut parler de sa prochaine entrevue avec Khedr, personnage mystérieux dont il sera question plus loin, dans ce cas la confluent des deux mers serait l’entrevue de Moïse, océan de la science extérieure et Khedr, océan de la science surnaturelle, intérieure. Moïse s’entretenant un jour avec Dieu, lui demanda : « Connais-tu parmi tes serviteurs (les humains) un homme plus savant que moi ? » Dieu lui répondit : « Oui. — Et où le trouverai-je ? — Tu le trouveras au confluent des deux mers. — Et comment trouverai-je cet endroit ? — Prends un poisson, et à l’endroit où le poisson aura disparu, tu attendras cet homme (Khedr).
  16. Ce poisson devait être cuit et servir de repas à Moïse et à Josué. Moïse s’étant endormi, le poisson mis dans la marmite commença à se remuer, et sautant de la marmite tomba dans la mer, car on était sur le rivage de l’Océan de l’eau de la vie ; à l’aide de cette eau le poisson fut rendu à la vie.
  17. Voyez la note du verset 81.
  18. Le verbe est au duel, il n’est plus question de Josué.
  19. L’inconnu dont il est question ici est Khedr, ou Khidr, que les mahométans regardent comment prophète, bien qu’en dehors de la lignée des prophètes envoyés soit aux Israélites, soit aux peuples de l’Arabie. C’est un personnage mystérieux qui aurait trouvé la fontaine de la vie, bu de ses eaux et acquis ainsi l’immortalité. On le croit le même que Pinchas, fils d’Éléazar, fils d’Aaron, dont l’âme aurait successivement passé dans le corps d’Élias, et ensuite dans celui de saint Georges.
  20. Possesseur de deux cornes. Sous ce nom, les mahométans entendent Alexandre le Grand. Le mot 'karn (corne) ayant en même temps la signification d’extrémité, on croit que ce surnom a été donné au conquérant macédonien, parce qu’il avait soumis l’0rient et l’Occident, ainsi que le fait entendre tout le passage du Koran. D’autres veulent entendre par là un des rois arabes, également célèbre par ses conquêtes lointaines et portant le même surnom.
  21. Iadjoudj et Madjoudj, Gog et Magog de la Bible, est une dénomination vague des peuples barbares le l’Asie orientale, dont Alexandre le Grand a dû contenir les incursions, selon les croyances mahométanes, en élevant des barrières dont il est question dans le verset 95.
  22. C’est·à-dire, leurs actions ne pèseront point dans la balance.
  23. Jardins du paradis. C’est un pléonasme, car le mot djennat (jardins) d’origine arabe, est la même chose que ferdous (paradisus, paradis), d’origine indienne (paradisa). Cependant les commentateurs ont soin de dite que ferdous est un jardin planté à la fois de vignes et de palmiers, et que c’est l’étage le plus élevé de la demeure des bienheureux.
  24. On voit par ce passage qu’Alexandre le Grand n’est nullement aux yeux de Mahomet un idolâtre, et les musulmans ne sauraient concevoir qu’un prince dont la mémoire s’est conservée dans l’admiration traditionnelle de l’0rient, fût païen ; Alexandre le Grand est donc un envoyé de Dieu, chargé d’une mission spéciale dans les contrées lointaines, celle d’y détruire le mal.