Le Juif et la Sorcière/16
CHAPITRE XVI.

Il y avait bien des nouvelles, dans la cabane ! On était venu chercher Brigitte de la part du juge ; et son absence de la maison à une pareille heure, concourant avec la disparution du Juif, avait paru fort suspecte. Magui, conduite chez le magistrat à la place de sa fille, ne put expliquer un mystère qu’elle ignorait ; mais ses réponses peu adroites compromirent Brigitte qu’elle avait cependant dessein de justifier.
La jeune fille accusée, les bruits et les rapports ne manquaient pas pour la montrer criminelle à ceux dont son sort dépendait ; on l’avait rencontrée déjà suivant, seule, pendant la nuit, des chemins détournés (c’était lors de sa malheureuse visite à la vieille du bourg) ; mille circonstances mensongères ajoutées à des récits exagérés sur ses goûts et ses habitudes, inspirèrent au juge de graves soupçons… Il la fit paraître en sa présence, et lui déclara que le seul moyen qu’elle eût d’obtenir de l’indulgence pour ses crimes, était d’en faire le sincère aveu. Brigitte, épouvantée, demanda quels crimes elle avait commis !
« Nous le saurons ; reprit l’homme de justice, il y a des moyens pour cela. »
Il l’interrogea ensuite sur ses relations avec le Juif, en lui ordonnant de faire connaître le lieu où il s’était caché, ne doutant pas qu’elle n’en fût instruite. Elle retrouva du courage, alors ! les tortures ne lui auraient pas arraché ce secret : et mourir pour sauver Élie ! qui l’aurait su, peut-être !… Elle répondit hardiment que si le Juif était magicien, comme on l’en accusait, il n’avait eu besoin du secours de personne pour se dérober à ses ennemis. Son assurance déplut au magistrat, et il murmura quelques paroles de menaces en la renvoyant dans sa maison. Ce ne fut pas pour long-temps.
