Le Juif et la Sorcière/09
CHAPITRE IX.

Magui, en remarquant sa tristesse et l’altération de sa beauté, pensa que peut-être elle se lassait de sa vie solitaire ; et, dans la vue de la distraire, elle lui parla des jeunes gens qui avaient cherché à lui plaire, en ajoutant que plus d’un parmi eux ne dédaigneraient pas de la prendre pour femme.
« Il n’y a pour moi qu’un homme, répondit Brigitte, tous les autres ne me sont rien : c’est Élie, le fils de Nathan.
— Miséricorde ! s’écria Magui, un Juif !
— Pour reposer un instant ma tête sur mon cœur, pour l’entendre me dire : Je t’aime ! je donnerais ma vie, ma jeunesse ; tout, ma mère !
— Grande sainte ma patronne, protégez nous ! continua Magui ; il t’a jeté un sort !
— Pourquoi m’aurait-il jeté un sort ? que lui importe que je l’aime ?
— Il serait bien dégoûté ! murmura la bonne femme ; mais ces réprouvés, cela fait le mal pour le plaisir de le faire !
— Ma mère ! ma mère ! êtes-vous juste ? a-t-il fait le mal quand il vous a rapporté votre argent ? quand il a guéri l’enfant du pauvre Himbert ? il est bon. Ah ! je suis bien malheureuse !
— Bien malheureuse, en vérité ! reprit Magui ; mais, mon enfant, il y a du remède ; la sainte Vierge est toute-puissante : nous lui ferons une neuvaine afin d’obtenir ta guérison.
— Non, ma mère, non… ! dit vivement Brigitte, ne faites point de neuvaine ce serait inutile : elle est impossible ma guérison !
