Le Juif et la Sorcière/07

CHAPITRE VII.

Le temps accordé à Magui pour acquitter sa dette s’écoula sans apporter de changement à sa situation. Comptant toujours, toutefois, sur des secours incertains, elle tenta d’obtenir de Nathan (c’est le nom de son créancier) un nouveau délai ; et elle engagea Brigitte à l’accompagner lorsqu’elle alla chez lui pour l’implorer. Le Juif ne se laissa point toucher. Magui pleura, supplia ; Brigitte hasarda quelques timides prières. Tout fut inutile. Un jeune homme était présent à cette discussion, et n’y prenait aucune part ; mais il en paraissait fatigué : sa figure, naturellement sévère, devenait plus sombre à mesure qu’elle se prolongeait. Enfin, les deux femmes se retirèrent, et, rentrée chez elle, Magui donna l’essor à son indignation contre Nathan :

« Le mécréant ! le réprouvé ! disait-elle ; s’approprier ainsi le bien d’autrui, quand on ne l’a pas payé le demi-quart de sa valeur ! enlever à de pauvres femmes leur dernière ressource ! Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’allons nous devenir ?

— Ma mère, interrompit Brigitte, qui ne prêtait que peu d’attention aux lamentations de sa compagne… ce jeune homme, que nous avons vu chez Nathan, c’est son fils, n’est-ce pas ?

— Peut-être bien ! répondit Magui brusquement.

— Vous savez bien qu’on dit qu’il a un fils qui voyage sans cesse pour acquérir de la science ?

— Sans doute ; et qui dépense l’argent que son père vole aux pauvres gens !…

— C’est vrai ! On dit encore que le vieux Nathan, si avare pour tout le monde, ne refuse rien à son fils, et que le jeune homme est libéral comme un prince. »

On frappa à la porte en cet instant. C’était le jeune homme qu’elles avaient vu chez Nathan.

« Quelle somme dois-tu à mon père ? demanda-t-il à Magui.

— Dix livres en argent.

— Prends dans cette bourse ce qu’il te faut pour acquitter ta dette, et garde le reste pour ton usage.

— Seigneur ! s’écria Magui, au comble de la joie, vous pouvez être assuré que le joyau que j’avais confié à votre père vous sera remis dès que je l’aurai recouvré !

— C’est inutile : reprit le jeune homme ; si tu peux t’acquitter un jour envers moi, tu n’y manqueras pas ; et si cela ne t’est pas possible, Dieu me tiendra compte de ma charité… ! »

Il sortit après ces mots, sans attendre les remercimens de Magui, et en lui recommandant seulement de garder le secret avec son père sur ce qu’il faisait pour elle.

« C’est un brave jeune homme ! s’écria Magui, et l’on n’aurait guère attendu cela d’un Juif, du fils de Nathan, surtout… ! »

Brigitte demeura le reste du jour plus rêveuse et plus silencieuse encore qu’à l’ordinaire ; et le soir, au moment de se mettre au lit, elle demanda à sa mère s’il y avait péché à prier pour un Juif.

« Qui peut savoir cela, sinon les prêtres ? répondit Magui ; mais je te comprends bien… ; et, dans le vrai, on ne saurait vouloir mal à qui nous a fait du bien ! Ma foi, Dieu aide ceux qui nous ont aidé ! »

Amen ! dit doucement Brigitte.

Séparateur