Le Juif et la Sorcière/04

CHAPITRE IV.

C’était un rêve que cette visite ! Magui restait immobile, les yeux fixés sur ces richesses. Quelle étonnante aventure ! et que la Providence l’assistait miraculeusement et à propos ! Mais la Providence remettrait-elle ses dons en de pareilles mains ?… Cette réflexion en amena d’autres qui inquiétèrent la bonne femme ; elle craignit quelque piége du démon, et fut près de rejeter loin d’elle ces présens dangereux, qui peut-être engageaient le salut de son ame… Cependant, pouvait-on se trouver engagé envers les mauvais esprits, sans les avoir appelés, sans avoir fait de pacte avec eux ?… Les cris de Brigitte interrompirent ses méditations. Elle essaya d’abord de l’apaiser par ses soins et ses caresses accoutumés ; mais les souffrances de l’enfant devinrent telles, que Magui, au désespoir, et ne sachant à qui recourir, hasarda le remède du Juif. Ô prodige ! la malade fut soulagée en un instant. Hélas ! hélas ! fallait-il s’en réjouir ? quelle puissance donnait tant de vertu à ce remède ?… Elle demeura long-temps soucieuse et troublée ; puis, peu à peu, son caractère reprit le dessus. Il en fut de l’argent du Juif, comme il en avait été de ses remèdes elle en usa d’abord en tremblant, et dans un moment de détresse ; ensuite elle trouva la ressource commode, et ne la ménagea plus, surtout lorsqu’il s’agissait de Brigitte. La petite venait à charme ! c’était le plus bel enfant du pays ; et ce fut bientôt la plus belle de ses jeunes filles. Il était impossible de voir des yeux plus beaux, un teint plus délicat, lorsque l’hiver avait effacé le hâle qui en altérait l’éclat pendant l’été ; son intelligence égalait sa beauté : tout lui était facile à concevoir ; et Magui imagina de lui faire apprendre à lire. Un pauvre clerc, moyennant quelques-unes des pièces d’argent qu’elle possédait, instruisit sa fille dans cette science.

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