Le Fils du diable/VII/7. Moïse de Geldberg

Legrand et Crouzet (Tome IIIp. 337-345).
Septième partie

CHAPITRE VII.

MOÏSE DE GELDBERG.

Au commencement de cette histoire, la salle que nous avons décrite comme servant de lieu de réunion aux valets de Bluthaupt, et qui était autrefois la chambre de justice des comtes, présentait, au moment de l’entrée de Sara, un coup d’œil véritablement magique : des lignes de feu dessinaient l’architecture bizarre des pilastres ! des guirlandes sans fin mêlaient leurs festons le long des murailles, dont les crevasses se cachaient sous une riche tenture de velours. Tout cela brillait à éblouir ; l’or se mirait dans les cristaux ; du seuil, on apercevait comme une pluie d’étincelles qui se mouvaient dans l’atmosphère tiède et parfumée. Puis, l’œil s’habituait à ces splendides clartés. On voyait la partie vivante du spectacle. La foule s’agitait sous ce grand jour : les hommes chamarrés d’or, portant les costumes de tous les temps et de tous les pays ; les femmes couvertes de diamants, et rendant aux lustres étincelles pour étincelles.

Il fallait ce luxe prodigue des invités de Geldberg pour que la féerique magnificence de la salle n’écrasât point les toilettes, et il fallait ce luxe de la salle pour répondre dignement à l’opulente fantaisie des parures.

Il y avait quatre quadrilles, dont l’un empruntait ses costumes aux contes merveilleux du bonhomme Galland, un autre aux imaginations baroques des mandarins-tailleurs du Céleste-Empire, un troisième au goût bizarre de la Renaissance, un quatrième enfin à la crâne élégance du règne de Louis XIII. Ces quatre groupes principaux faisaient tableau. Tout autour d’eux les fantaisies individuelles se remuaient et leur formaient un cadre mobile. Cela ne ressemblait point à nos bals publics de Paris, où la foule travestie est tachée de place en place par le triste et fastidieux habit noir, le pékin n’existait pas ; le domino lui-même, cette hideuse et charmante chose, était complètement banni. Vous ne voyiez que mousquetaires coudoyant des lettrés de Chine, faccadins et kalanders se frotter contre des seigneurs de la cour du roi-gentilhomme ; des dames d’honneur de Marie de Médicis, des princesses persanes, des victimes du Directoire, des Andalouses, des Grecques, des Écossaises. Abd-el-Kader, Schamyl, Ibrahim-Pacha, Yo-té-té, Jupiter, Mahomet, Napoléon, l’Ante-Christ. Tout cela, dansant, walsant, polkant, mazurkant aux sons des violons de Tolbecque. C’était plein de mouvement, de vie et de lumière. Au premier coup d’œil, il était impossible de s’y reconnaître : tous les visages disparaissaient sous le masque, et l’excentricité des costumes déguisait les tournures. À la longue pourtant nous eussions fini par distinguer nos divers personnages. Le docteur José Mira, portant la robe longue et le haut bonnet du magicien, donnait le bras à une caricature antique munie de paniers et de falbalas, qui n’était autre que madame la duchesse de Tartarie, belle femme de 1809. Reinhold, en Figaro, papillonnait autour de madame d’Audemer, qui semblait encore fort jolie sous son costume de Pompadour. Denise et Franz faisaient partie du quadrille Louis XIII. Esther, en Dame-de-Beauté, Julien, sous la casaque de Sindbad le Marin, se mêlaient au groupe oriental. Le jeune monsieur Abel de Geldberg avait eu le bon goût de se déguiser en jockey ; casaque rouge, toque bleue, ceinture verte, culotte couleur de chair, bottes à revers blancs. Il était le cavalier de madame la marquise de Beautravers, au bras de laquelle il regrettait sincèrement la compagnie préférée de Victoria-Queen. La petite demoiselle de quinze ans que Mirelune courtisait, dans des vues solides, avait un chapeau de paille, des rubans bleu tendre et une houlette ornée de coquelicots ; elle lisait Florian le soir, en cachette, avant de s’endormir. La grosse banquière de la rue Laffite, chez qui dînait souvent Ficelle, resplendissait en odalisque. Mais on ne voyait au bras de ces dames ni Mirelune, ni Ficelle.

En revanche, on apercevait de temps à autre, tantôt ici, tantôt là, un groupe qui faisait grande sensation dans le bal. Ce groupe voulait évidemment représenter la tradition superstitieuse qui restait présente à tous les esprits. Il était composé de trois hommes se tenant par le bras et drapés dans de longs manteaux rouges. Ils rappelaient assez exactement cette apparition étrange que les invités avaient vue la nuit du feu d’artifice ; le bruit courait qu’ils étaient, eux-mêmes, cette apparition. Aussi, à leur approche, les femmes éprouvaient des frémissements pleins de charme. Ils étaient tous les trois de tailles inégales ; les deux plus grands marchaient d’un pas délibéré ; le troisième semblait embarrassé dans son costume, qu’il portait pourtant avec la vaniteuse solennité d’un paon qui fait la roue. On s’évertuait dans la salle à reconnaître ces trois hommes, et personne n’y pouvait parvenir.

Il y avait déjà bien une heure que le bal était entré dans sa plus brillante période, l’orchestre se taisait et il se faisait dans la foule une sorte de silence, accompagné d’une agitation curieuse. Chacun voulait voir et s’approcher. C’était un événement. Le vieux monsieur de Geldberg, seul démasqué au milieu de ces mille visages uniformément couverts de loups de velours, venait de faire son entrée. Depuis le commencement de la fête, il ne s’était montré que bien rarement et à des occasions choisies. On ne le prodiguait point ; à de longs intervalles on l’exhibait comme un saint dans une châsse, et on l’offrait à la vénération de tous. Bien ménagées, ces exhibitions faisaient un effet énorme et donnaient à la famille une couleur toute patriarcale. C’était encore une source de crédit. Ce soir, le vieux Moïse montrant à tous ses cheveux blancs et son front respectable, traversait lentement la salle, appuyé sur les bras de ses deux filles aînées. On chuchotait sur son passage, on prononçait tout bas des paroles de louange : que c’était bien là le type de l’honnête homme arrivé doucement au soir de sa vie ! Et comme il était récompensé !… Y avait-il au monde ? une famille plus vertueuse et meilleure que la sienne ? ces deux jeunes femmes, à la beauté parlaite, qui appuyaient son grand âge, c’étaient ses filles ; cette enfant jolie comme un ange, qui le suivait au bras de madame d’Audemer, c’était Lia, une douce fleur, qui promettait ce que les autres tenaient ; c’était sa fille encore.

Autour de lui, ses associés, le sévère et savant docteur Mira, le bon, le charitable chevalier de Reinhold, Fabricius Van-Praët, ce modèle des commerçants honorables, le fier Madgyar Yanos, et enfin Abel de Geldberg lui-même formaient comme une garde du corps. Tous ces gens lui étaient attachés par le respect et l’affection sans bornes. Il passait là, le riche et heureux vieillard, donnant à chacun des sourires pleins de bienveillante condescendance. C’était un roi, daignant se montrer à sa cour. Quand on y réfléchissait bien, on se disait en vérité que cette famille de Geldberg était unique en ce monde ; que de tendresse pieuse dans les soins donnés par ces charmantes femmes à leur vieux père ! et aussi que de bonheur serein sur le vénérable front du vieillard ! Le ciel doit ces calmes félicités à une vie pure et sans reproches… Arrivé au milieu de la salle M. de Geldberg donna un signal, et les danses recommencèrent, plus joyeuses que jamais.

Pendant que l’orchestre précipitait les notes cadencées d’un quadrille à la mode, un homme de haute taille, le visage entièrement caché par une longue barbe noire qui venait rejoindre le bas de son masque, faisait son entrée sans être remarqué par personne. Cet homme, qui se glissait silencieux dans la foule, allait produire bientôt une sensation presque aussi grande que les trois Hommes Rouges ou le vieux M. de Geldberg lui-même.

Il était vêtu d’une longue robe de bure à capuchon, ceinte à la hauteur des reins par une corde de chanvre ; ceux qui l’aperçurent le désignèrent sous le nom de l’ermite, et c’est ainsi que nous l’appellerons. Le vieux Moïse de Geldberg semblait heureux de toutes les joies qui l’entouraient ; il regardait, d’un œil bénin et débonnaire, les magnificences du bal, l’excellent vieillard ! le digne homme ! le vrai patriarche ! Tout en dansant, dames et cavaliers croisaient à son intention un feu roulant de louanges ; il était le lion ; rassemblée entière se cotisait pour lui faire un succès de triomphe. On se disait : — Voyez que de bonté sur sa physionomie !

— Et que d’intelligence encore dans la vivacité de son regard !

— Voyez ! il y a toute une conscience pure dans ce bon sourire !…

Moïse saisissait bien quelqu’une de ces phrases au passage ; de tout cet encens, il respirait ce qu’il fallait pour s’enivrer doucement. Il rayonnait ; le bonheur qu’il avait à sentir ses deux bras appuyés aux bras de ses filles se rehaussait d’un légitime orgueil. Ce moment devait rester dans ses souvenirs, parmi les plus heureux de sa vie… L’ermite à la longue barbe se frayait lentement un passage au travers de la foule, et se dirigeait justement vers le groupe formé par le vieux Moïse et sa famille. Nul ne songeait à le remarquer. Il arriva jusqu’auprès d’Abel, qui lui barra la route. L’ermite dégagea sa main des longs plis de sa robe de bure et fit mine d’écarter le jeune monsieur de Geldberg.

— Vous ne pouvez passer, dit ce dernier.

— Pourtant je veux passer, répliqua l’ermite.

Abel prit un air de maître.

— Ne voyez-vous pas à quelles gens vous vous adressez ? dit-il en soulevant son masque à demi ; les privilèges du bal cessent, monsieur, dès qu’il s’agit de mon honoré père.

L’ermite posa le revers de son poignet sur la poitrine d’Abel, et l’écarta comme il eût fait d’un enfant.

— Laissez ! murmura-t-il en suivant sa route ; on veut rendre hommage de plus près à votre honoré père, mon jeune monsieur.

Abel toisa l’ermite par derrière d’un regard inquiet ; cette voix éveillait en lui de vagues souvenirs. Mais les voix changent sous le masque ; il ne savait que penser.

L’ermite passa entre madame de Laurens et le docteur José Mira ; il s’arrêta en face du vieux Moïse et demeura un instant debout, les bras croisés sous sa robe. Le vieillard, dans son orgueil content, regardait benoîtement cet homme inconnu et pensait bien que c’était là le prélude de quelque ovation nouvelle. Aussi, quand l’ermite fit un dernier pas vers lui, le bonhomme avança complaisamment la tête pour mieux ouïr. L’ermite ménagea sa voix de manière à n’être entendu que de M. de Geldberg lui seul. Il prononça un mot, un seul. Ce mot avait sans doute quelque vertu magique, car une grimace d’épouvante remplaça le bénin sourire du vieillard. Il fit un pas en arrière, et ses yeux se fixèrent, terrifiés, sur le masque de l’ermite. Ses jambes chancelèrent, ses lèvres se prirent à remuer sans produire aucun son. Esther et Sara, qui le soutenaient, sentirent son bras maigre trembler convulsivement sous l’étoffe ouatée de sa douillette. Le mot prononcé par l’ermite était tout simplement le nom de ce vieil usurier du Temple qui prêtait des sous à la petite semaine dans un trou de la Rotonde. L’ermite avait dit tout bas, en se penchant à l’oreille du chef opulent de la famille de Geldberg :

— Araby !…

Ces trois syllabes, murmurées doucement, avaient frappé le vieillard comme un coup de massue.

— Monsieur ! Monsieur ! s’écrièrent à la fois Esther et Sara, qu’avez-vous donc dit à notre père ?

L’ermite les regarda tour à tour, et s’inclina par deux fois avec une courtoisie grave.

— Belle dame, répliqua-t-il tout bas en s’adressant à la comtesse, et de manière à être entendu d’elle seulement, je disais que fiançailles ne sont pas toujours mariage…

Et avant qu’Esther, troublée, pût répondre, il poursuivit en s’adressant à Sara, et en baissant la voix davantage encore :

— Et je disais aussi, belle dame, qu’il faut bien des coups parfois pour tuer un homme !… Vous avez choisi un poison sûr, mais que l’attente est longue, n’est-ce pas ? et que cette tombe ouverte met de temps à se refermer !…

Le groupe formé par la famille de Geldberg était en ce moment le point de mire de tous les regards. Chacun put remarquer le trouble subit et profond du vieux Moïse et de ses deux filles ; Esther et Sara avaient baissé la tête sans répondre. Le vieillard jetait tout autour de lui ses regards craintifs et stupéfaits. On se demandait à la ronde : Qui donc est cet ermite, et qu’a-t-il pu dire pour mettre en si fâcheux état le bon monsieur de Geldberg ? L’ermite devenait un personnage ; on le contemplait avec une curiosité croissante. Mira, Reinhold et Van-Praët éprouvaient à observer cette scène une vague frayeur. Le Madgyar seul ne prenait pas garde. Il se tenait debout en avant du groupe, portant son belliqueux costume hongrois, qu’il avait fait seulement plus riche pour la circonstance. Le masque ne dissimulait pas entièrement la sombre expression de son visage.

Il songeait, et ne yoyait rien de ce qui se passait autour de lui. Le vieux Moïse s’appuyait faible et prêt à défaillir, au bras de ses deux filles tremblantes.

— Retirons-nous, murmura-t-il d’une voix à peine intelligible. Retirons-nous… Seigneur ! Seigneur ! ayez pitié de moi !…

Esther et Sara obéirent. Elles reprirent leur marche et passèrent, tête baissée, devant l’ermite, immobile toujours et les bras croisés sur sa poitrine. Ils se trouvaient au centre de la salle, et la route était longue jusqu’à l’une des portes. La foule s’ouvrit pour leur livrer un passage. Il y avait tout à l’entour un murmure étonné. Tous les yeux dévoraient l’ermite ; on s’attendait à quelque chose ; la scène étrange devait avoir sans doute son dénoûment et son explication. Derrière le vieillard et ses deux filles, marchaient Denise et Lia, qui ne comprenaient rien à ce qui venait de se passer. L’ermite prit la main de mademoiselle d’Audemer, qui se reculait timide, et la baisa.

— Aimez-le de tout votre cœur, mon enfant, lui dit-il, et faites-le bien heureux quand vous serez sa femme…

Denise devint toute rose sous son masque ; cet homme allait chercher au fond de chaque cœur la plus intime pensée. Comme les jeunes filles allaient le dépasser, il leur barra le chemin et se plaça devant Lia. Durant quelques secondes il resta muet ; on eût dit qu’un poids était sur sa poitrine. Il ne toucha point la main de Lia, mais il se pencha jusqu’à son oreille.

— Pauvre enfant ! murmura-t-il avec un accent de sensibilité profonde ; demain vous ne croirez plus au bonheur sur cette terre ; espérez en Dieu !

Il se détourna brusquement ; l’émotion étouffait sa voix. Moïse de Geldberg et ses deux filles continuaient cependant leur route vers la porte de la salle. On était entre deux quadrilles, et l’attention générale se portait sans partage sur cette énigme, dont le mot échappait à chacun. Cette ovation du chef de la maison de Geldberg, entamée si pompeusement, avait une fin malheureuse ; mille bruits commençaient à courir dans la foule, et les suppositions les plus folles trouvaient créance parmi les invités, curieux de savoir. On arrivait au fantastique. L’une des moins bizarres, parmi les hypothèses avancées, disait que cet ermite était l’ancien chapelain de Bluthaupt, venu on ne savait d’où pour prononcer le nom de ses maîtres à l’oreille du vieux Moïse de Geldberg. Car tout mystère filtre à la longue, et, malgré le respect emphatique professé par tout le monde à l’endroit du vieux patriarche, personne n’était sans avoir entendu parler vaguement de la fin tragique des derniers Bluthaupt. On n’accusait point ; on donnait à plaisir à tous ces vieux récits d’invraisemblables couleurs ; mais les soupçons restaient. L’attention excitée gênait évidemment les membres de la famille de Geldberg. Petite appela M. le chevalier de Reinhold, et lui dit quelques mots à voix basse. Le chevalier se dressa sur ses pointes et fit de loin un signe aux musiciens de l’orchestre. La salle où, depuis une grande minute, régnaient une sorte de silence, s’emplit de bruits harmonieux ; l’orchestre préludait. Un mouvement eut lieu ; ceux qui étaient trop loin pour avoir observé la scène que nous venons de décrire s’empressèrent vers leurs danseuses, le bal retrouva sa vie bruyante et agitée. Néanmoins, une longue haie de curieux resta sur le passage des associés de Geldberg.

On n’était pas indiscret ; on avait du moins un prétexte ; la famille avait exhibé son chef, afin qu’on lui décernât une manière d’ovation solennelle, on ne pouvait pas laisser sortir ainsi sans honneurs le vieillard vénérable… D’autant mieux que l’ermite, qui était resté un instant en arrière, fendait de nouveau la presse et se rapprochait du groupe évidemment fugitif. Le petit drame allait avoir un second acte. Après les quelques mots glissés à l’oreille de Lia, qui s’appuyait maintenant toute pâle au bras de mademoiselle d’Audemer, on avait vu le fameux ermite demeurer un instant pensif et comme absorbé dans sa rêverie. Au moment où la famille de Geldberg accomplissait le deuxième tiers de son trajet, il parut s’éveiller tout à coup et s’élança pour la rejoindre.

La foule des invités, ouverte pour un instant pour donner passage à la procession domestique, s’était refermée ; l’ermite, qui était un homme robuste, la fendit sans efforts apparents et arriva en quelques secondes auprès de Moïse de Geldberg. Devant le vieillard, se tenaient le docteur José Mira, le chevalier de Reinhold et le Madgyar Yanos. L’ermite passa sans s’arrêter auprès d’Esther, et se trouva derrière le docteur. On vit celui-ci tressaillir, comme tous ceux à qui l’ermite avait jusqu’alors


LE BAL
LE FILS DU DIABLE

adressé la parole. L’ermite venait de l’écarter de la main assez brusquement, et il lui avait dit tout bas :

— Rangez-vous, s’il vous plaît, savant inventeur du breuvage de vie !…

Ce mot avait rajeuni Mira de vingt ans, et lui avait montré le vieux Gunther tenant d’une main mal assurée son gobelet d’or empli de poison. L’ermite l’avait dépassé, sans ajouter une parole, et avait glissé son bras sous celui du chevalier. Au contact de ce bras, le pauvre Reinhold se sentit venir la chair de poule ; il aurait voulu être à cent pieds sous terre.

— Décidément, lui dit l’ermite, vous êtes un pauvre homme, monsieur le chevalier ! vous vous êtes donné bien du mal pour voler le contenu de certaine cassette…

Les dents de Reinhold claquèrent, et une sueur froide mouilla les rubans de son masque.

— Croyez bien… commença-t-il.

— Taisez-vous ! interrompit l’ermite qui lui serra le bras.

Reinhold n’avait pas même la force de regarder autour de lui pour chercher assistance. L’ermite entr’ouvrit sa robe de bure, et le chevalier crut qu’il cherchait un poignard. S’il n’eût point détourné la tête avec épouvante, il aurait aperçu, derrière les plis grossiers de la robe, un pourpoint de soie taillé suivant la mode gracieuse de la cour d’Élisabeth d’Angleterre, et tout resplendissant de pierreries.