Buisson (1p. 197-205).

CHAPITRE XVII.


Continuation du même ſujet & citation de quelques exemples, qui prouvent que les Gouvernemens fédératifs ont plus de tendance à l'Anarchie parmi les Membres, qu'au Deſpotiſme dans le Souverain.



On fera peut-être encore contre le principe de la Légiſlation portant directement ſur les individus, une objection d'un genre différent de celle qui a été prévue & diſcutée dans le précédent Chapitre. On pourra dire qu'il tendroit à rendre le Gouvernement de l'Union trop puiſſant & à le mettre en état d'uſurper cet excédent de pouvoirs qu'on doit laiſſer aux Etats pour l'adminiſtration locale. En donnant à l'amour du pouvoir toute l'étendue qu'on peut raiſonnablement lui ſuppoſer, j'avoue qu'il m'eſt impoſſible de découvrir comment les perſonnes à qui le Gouvernement général ſera confié, pourroient éprouver même la tentation de dépouiller les Etats de leur autorité légitime. Le ſoin de la police intérieure d'un Etat me paroît offrir à l'ambition de foibles attraits. Le Commerce, les Finances, les Négociations & la Guerre, tels ſont les objets qui peuvent ſéduire les caracteres livrés à cette paſſion ; & tous les pouvoirs relatifs à ces objets ſont dans les mains du Conſeil National. L'adminiſtration de la Juſtice entre les Citoyens d'un même Etat, la ſurveillance de l'Agriculture, & les autres ſoins du même genre, enfin toutes les choſes qui peuvent-être réglées par une Légiſlation locale, ne ſeront pas un objet d'envie pour qui ſera confié l'autorité générale. Il eſt donc peu vraiſemblable que le Conſeil fédéral ſoit jamais diſpoſé à uſurper les pouvoirs ſe rapprocheront des ſiens ; parce que les tentatives qu'ils pourroient faire pour les exercer, ſeroient auſſi fatigantes qu'abſurdes ; & qu'ils ne contribueroient nullement à la dignité, à l'importance ou à la ſplendeur du Gouvernement National.

Mais ſuppoſons pour un moment qu'une folle avidité de pouvoir ſuffiſe pour faire naître cette diſpoſition, n'eſt-il pas évident que la prudence du Peuple d'où émanent les pouvoirs du Conſeil National, réprimeroit les progrès d'une ſi extravagante ambition. Il ſera toujours plus aiſé au Gouvernement des Etats d'empiéter ſur Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/209 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/210 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/211 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/212 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/213 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/214 un cas par des individus, dans l'autre par des Corps politiques. Un récit abrégé des événemens qu'ont produit les Gouvernemens fédératifs, donner une nouvelle force à ces principes trop méconnus & dont l'oubli a été la principale ſource de nos erreurs politiques, & a donné à nos craintes une fauſſe direction. Cette expoſition formera le ſujet de quelques-uns des Chapitres ſuivans.