Le Don Quichotte montréalais sur sa rossinante/22

Société des Écrivains Catholiques (p. 88-90).

XXII.


Question de l’Université.


Dans les débats, qui ont eu lieu relativement aux démarches faites pour obtenir une Université catholique à Montréal, on a démontré que l’Université-Laval ne remplit pas le but qu’elle était destinée à atteindre, pour l’excellente raison que son enseignement, dans ses principales parties, se donne en dehors de toute religion, c’est-à-dire au seul point de vue de la science naturelle. Pour l’homme surnaturalisé, comme il l’est, le naturel seul ne suffit plus.

Vous prenez note, M. Dessaulles, de ces accusations portées contre l’Université-Laval, afin de faire voir d’abord qu’on ne se ménage pas entre ecclésiastiques, puis ensuite de prouver qu’on ne peut rien dire de plus injurieux à l’adresse d’une institution qui est dirigée par des prêtres et sous la surveillance de l’archevêque, que ce qu’ont dit les écrivains catholiques.

Vous vous trompez, M. Dessaulles, et, de plus, vous voulez tromper les autres. Lorsque les écrivains catholiques ont attaqué l’Université-Laval, ils n’ont jamais prétendu que les prêtres qui la dirigent ont agi avec malice en ne christianisant pas assez l’enseignement qui se donne sous leur égide. Ils savaient fort bien que ces prêtres veulent avant tout le règne de Dieu et de son Église en ce monde. Ce qu’ils leur ont reproché, c’est de s’être trop fiés à des professeurs qui, suivant la route battue par les prétendus savants de ces derniers siècles, éliminent Dieu de la science.

Jamais, on en est convaincu, les MM. du Séminaire de Québec ne souffriront qu’on enseigne directement l’erreur dans les chaires de l’Université-Laval : mais, jusqu’à ces derniers temps, eux et le vénérable Visiteur de l’Université ne se sont pas assez inquiétés de savoir s’il fallait ou non faire pénétrer davantage l’élément religieux dans les cours scientifiques donnés aux élèves en médecine et en droit. Ils n’ont pas non plus examiné d’assez près les livres que les professeurs mettent aux mains des élèves. Ajoutons à cela que l’amour-propre, qui se glisse habilement partout, sans qu’on s’en aperçoive assez souvent, a poussé à défendre et à maintenir ce qui doit nécessairement être réformé.

Voilà ce qu’on a reproché aux MM. du Séminaire de Québec dans les termes que vous reproduisez et dont cependant vous faussez la signification. Ces reproches n’avaient point pour but de ruiner leur institution, mais uniquement de les convaincre qu’il importait de rendre son enseignement plus catholique.

Vous blâmez, M. Dessaulles, les réclamations qui ont eu lieu contre l’Université-Laval, et l’on n’en est pas surpris, car avec les idées que vous nourrissez, moins la religion pénétrera dans son enseignement, plus vous serez satisfait. Soyez sûr cependant que les Messieurs qui dirigent l’Université-Laval, ayant une fois ouvert les yeux sur ce qu’ils ne croyaient pas être un danger et encore moins un mal, ne tiendront nul compte des éloges que vous leur donnez, et qu’ils s’empresseront de modifier l’enseignement de leur Université, de façon à ce qu’il soit ce qu’il doit être.

Vous affirmez encore autre chose, relativement à l’Université-Laval, et cela se trouve dans votre second pamphlet qui, soit dit entre parenthèses, n’est que la folie à cheval sur l’absurde. Vous prétendez là que Mgr  de Montréal, en signant avec les autres évêques de la Province ecclésiastique de Québec, la Lettre pastorale des Pères du cinquième concile de cette Province, lettre où il est question de l’Université-Laval, est en contradiction formelle avec ce qu’il a laissé écrire sur le Nouveau-Monde et le Franc-Parleur, touchant cette institution.

Rien de plus faux. En effet, que dit la Lettre pastorale des Pères du cinquième concile de Québec, à propos de l’Université-Laval ? Elle dit d’abord que les Pères ont vu avec peine cette institution exposée, remarquez bien le mot, à des accusations fort graves. Qui l’a exposée à de telles accusations ? Elle-même, évidemment. Les Pères en conçoivent du chagrin ; rien de plus naturel, puisque l’Université-Laval, dans l’intention de tous, devait être franchement catholique et qu’elle ne s’est pas montrée telle. Ils ne disent point que les accusations, portées contre elle, sont fausses ; loin de là, ils s’escomptent, de juger le passé, mais, se contentant des explications données par les professeurs et de leur volonté de se conformer en tout aux volontés du Saint-Siège, ils veulent que désormais on ne l’attaque plus publiquement.

Pour quiconque n’est pas privé de l’exercice de ses facultés intellectuelles, cela signifie uniquement que les Messieurs de l’Université-Laval ont tenu compte des plaintes formulées contre eux, qu’ils ont promis de donner satisfaction et qu’on a agréé leur promesse.

Donc les avancés des écrivains catholiques, concernant l’Université-Laval, loin d’être détruits par la Lettre pastorale que vous invoquez, sont de tout point confirmés dans cette Lettre.

Quand brillera-t-il donc enfin, M. Dessaulles, le jour où vous saurez de la logique autre chose que le nom ? le jour où vous comprendrez qu’autre chose est de signaler charitablement le danger à des prêtres qui ne le soupçonnent guère, et autre chose est de travailler à ruiner leur réputation ? Que les passions que soulèvent chez vous l’impiété se calment, et de suite vous verrez clair.