Le Don Quichotte montréalais sur sa rossinante/04

Société des Écrivains Catholiques (p. 19-23).

IV.


Comment M. Dessaulles traite l’Église. — Ce qu’est l’Église. — L’Église romaine est la véritable Église.


Vous vous dites toujours catholique, M. Dessaulles, ce qui ne vous empêche pas de nous représenter l’Église sous les traits de Babylone. D’après vous, c’est une arriérée, un éteignoir, une tête dure, une marâtre de la liberté, une usurpatrice, une association de brigands, un cloaque où pullulent tous les vices.

Blasphémateur insigne ou superbe idiot ! Comment osez-vous vous affubler du noble titre de catholique, après avoir proféré de telles abominations, puisque ceux-là sont catholiques qui reconnaissent l’Église pour leur mère et la vénèrent en conséquence ? C’est pour mieux la couvrir de boue que vous vous dites son enfant. Non, vous n’êtes pas son enfant. Par vos insultes, vos mépris et vos doctrines à vous, vous vous rangez parmi ceux auxquels vous appartenez véritablement ; vous marchez sous les étendards de celui que Saint Polycarpe a nommé le premier-né de Satan. En usant de telles paroles, je ne suis pas trop sévère à votre égard ; je ne fais que vous exhiber comme il vous à plu de vous montrer.

Puisque vous attaquez l’Église il est de mon devoir de la défendre, et, pour la défendre, il me suffit de faire voir ou de rappeler ce qu’elle est.

L’Église tient ici-bas la place de Jésus-Christ ; c’est le prolongement de l’Incarnation du Verbe dans la durée des siècles.

Il y a une Église et Jésus-Christ lui-même s’en proclame le fondateur, nous dit qu’elle est sienne, sa bien-aimée et qu’elle durera jusqu’à la consommation des siècles. Super hanc petram ædificabo ecclesiam meam……… Ego vobissum sum omnibus diebus usque ad consummationem sæculi ; sur cette pierre je bâtirai mon Église……… voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.

Cette Église est une société parfaite, et par suite absolument indépendante de tout pouvoir humain.

Que l’Église soit une société, l’Écriture et la tradition nous l’affirment. C’est le troupeau de Jésus-Christ ovile Christi ; comme dit l’apôtre Saint Jean, et ce troupeau a été parfaitement organisé sous la dépendance d’un seul chef, le Pontife romain auquel a été conférée la plénitude du pouvoir dans la personne du Prince des apôtres : Pasce agnos meos, pasce oves meas ; pais mes agneaux, pais mes brebis.

L’Église a seule le pouvoir d’enseigner, car à elle seule il a été dit dans la personne des apôtres qui ont eu pour successeurs les Papes et les évêques ; Docete omnes gentes prædicate evangelium omni creaturæ, enseignez toutes les nations et prêchez l’Évangile à toute créature…

Elle ne peut se tromper ni nier ; elle est infaillible dans ses enseignements, car Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est la vérité même, l’ayant chargée d’enseigner et lui ayant promis de l’assister jusqu’à la fin des siècles, ne saurait permettre qu’elle tombe dans l’erreur, sans enseigner lui-même l’erreur, ce qu’on ne peut dire sans se rendre coupable d’un horrible blasphème. Elle seule, et non M. Dessaulles, qui plus d’une fois a prouvé qu’il n’est pas infaillible, elle seule possède toute vérité, et c’est l’Esprit Saint qui lui communique ce glorieux privilège : Ille vos docebit omnia… Ille docebit vos omnem veritatem. L’Esprit Saint nous enseignera toutes choses… il vous enseignera toute vérité. Donc, tout véritable enseignement vient directement de l’Église ou doit être dicté par elle.

L’Église a de plus pouvoir sur toutes les choses saintes et elle seule a ce pouvoir. De même que mon Père m’a envoyé, de même aussi je vous envoie, a dit Jésus-Christ à ses apôtres et à leurs successeurs. Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. Faites ceci en mémoire de moi ; hoc facite in meam commemorationem. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettez ; quorum remiseritis peccata, remittuntur eis.

L’Église a enfin le droit de se régir elle-même, et ses lois sont strictement obligatoires, indépendamment de la sanction du pouvoir civil. Tout ce que ce dernier décrète en opposition avec ces lois est nul de plein droit. En effet, l’Église tient la place de Jésus-Christ, car cet adorable Sauveur et Maître a dit à ses fondateurs : « De même que mon Père m’a envoyé, de même aussi je vous envoie. » Or, quel est le pouvoir de Jésus-Christ ? C’est un pouvoir sans limites, s’exerçant sur la terre et dans le ciel : Data est mihi omnis potestas in cælo et in terra, tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. À Jésus-Christ ont été léguées en héritage toutes les nations de la terre : dabo tibi gentes hæreditatem tuam, et possessionem tuam terminos terræ, et il doit les régir avec une autorité absolue ; regis eos in virga ferræ, et tanquam vos figuli confringes eos.

D’ailleurs, la loi étant un bien, il est évident que l’Église, qui possède le pouvoir législatif dans toute sa plénitude, n’est soumise à aucun contrôle humain dans l’exercice de ce pouvoir, puisque Jésus-Christ a dit à ses apôtres et à leurs successeurs : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel : qæcumque alligaveritis super terram erunt ligata et in cælo.

Vous voudrez bien le remarquer, M. Dessaulles ; ce pouvoir de lier, que Jésus-Christ confère à son Église, est absolu ; il n’y a pas de conditions posées à son exercice. Où avez-vous donc pris que le pouvoir civil a une espèce de suprématie sur lui ? C’est une pure invention de votre part, homme véridique par excellence.

Remarquez, de plus, que celui qui n’écoute pas l’Église, et, a plus forte raison celui qui la bafoue, comme vous faites insolemment du haut de votre grandeur, doit être regardé comme un païen et un publicain, c’est-à-dire, comme un homme sur lequel pèse ostensiblement la malédiction de Dieu, et qui, par conséquent, ne mérite aucun égard. Si Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethricus et publicanus… Nec ave ei dixeritis.

S’il vous prenait fantaisie, pour échapper aux terribles conséquences qu’appellent vos inconcevables avancés et vos bévues trois fois irrévérencieuses, de nier que l’Église romaine, dont la doctrine est tout-à-fait méprisable pour vous et que vous désignez sous le nom d’ultramontanisme, fût la véritable Église du Christ, je vous répondrais que hors de la véritable Église il n’y a pas de salut, et que par conséquent, cette Église porte nécessairement avec elle des caractères qui la rendent visible à tous. Et, en effet, Dieu, voulant sauver tous les hommes, selon que lui-même l’assure, a dû fournir à tous, les moyens de la connaître, puisqu’on ne peut être sauvé que par elle. « Personne ne vient à mon Père, c’est-à-dire, n’arrive au salut que par moi, dit Jésus-Christ. Nemo venit ad Patrem nisi per me. » Or, l’Église représente ce divin Sauveur sur la terre ; on en a la certitude d’après ces paroles déjà citées : « Comme mon Père m’a envoyé, de même je vous envoie. » Donc, personne n’arrive au salut qu’en faisant partie de la véritable Église, au moins par l’esprit.

Mais, quels sont les caractères de la véritable Église, caractères auxquels tous peuvent la reconnaître, puisque tous sont appelés à en faire partie ? Ce sont l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité.

Or, ces caractères sont ceux de l’Église romaine et l’on ne les trouve qu’en elle. Elle est une. Toujours elle est demeurée la même ; ses enseignements, comme sa constitution, sont aujourd’hui ce qu’ils ont constamment été. Les impies tels que vous, M. Dessaulles, le savent si bien qu’un des plus amers reproches qu’ils adressent à cette sainte mère, c’est de rester immobile dans ses croyances et son organisation, malgré le progrès des siècles. Vous oubliez ce que Dieu a fait est bien fait et que l’homme n’a pas à le perfectionner. Pauvre M. Dessaulles ! Aidé de la science de tous les savants, vous ne seriez pas capable de comprendre, et encore moins d’expliquer le jeu des nerfs dans votre organisme, et vous avez la prétention de vouloir réformer l’œuvre de Dieu par excellence, sa sainte Église ! Quelle audace insensée !

L’Église est sainte dans sa doctrine, dans sa morale, dans ses œuvres et dans ses membres. À ses accusateurs elle peut répondre comme répondait Jésus-Christ à ses plus farouches ennemis : « Qui de vous pourra me convaincre de péché ? » Sa doctrine et sa morale sont tellement exemptes de souillures qu’on en prend occasion de se soulever contre elle. On prétend qu’elle ne tient pas compte des faiblesses humaines. Elle est sainte dans ses œuvres, car c’est elle qui a civilisé le monde, et c’est elle aussi qui l’a doté de ces innombrables maisons de prière, où se pratiquent les plus sublimes vertus, comme les plus admirables dévouements. Elle est sainte dans ses membres, et, ce qui le prouve irréfutablement, c’est qu’elle seule peut montrer avec un légitime orgueil une multitude innombrable d’enfants, qui ont mérité l’honneur d’être placés sur nos autels, à cause du témoignage éclatant que Dieu a lui-même rendu à leur sainteté, en faisant de nombreux miracles pour l’attester.

Elle est catholique, car elle a partout des enfants, même chez les peuples les plus barbares. Son admirable fécondité est la récompense du zèle qu’elle a mis à accomplir la sublime mission, qui lui a été confiée, de prêcher l’Évangile à toute la terre.

Elle est enfin apostolique, et qui pourrait le nier, puisque, d’après tous les témoignages de l’histoire, elle peut remonter jusqu’aux apôtres par une suite non interrompue de pasteurs.

Donc, l’Église romaine est la seule et véritable Église ; donc, elle est infaillible dans ses enseignements, elle a une autorité propre que nul pouvoir humain ne saurait contrôler, et quiconque veut arriver au salut éternel doit lui être entièrement soumis, et de cœur et d’esprit.,

Peut-être, M. Dessaulles, trouvez-vous à redire à cette démonstration. Je n’en serais pas surpris. Vous aimez mieux penser librement que raisonnablement. C’est votre affaire. En conscience, vous demeurez obligé à d’éclatantes réparations. Que Dieu vous éclaire et vous accorde la grâce de pouvoir les faire. Réfléchissez bien aux obligations que vous avez contractées, car ce n’est pas en vain qu’on dénigre, comme vous l’avez fait, la sainte épouse du Christ.