Le Diable aux champs/4/Scène 15

Calmann Lévy (p. 213-214).



SCÈNE XV


Chez Jacques

UN GRILLON, dans la cheminée. — Vite, vite, la plaque est chaude, l’âtre brille ! viens, ma chère amie, regarder comme c’est beau et comme la flamme danse avec grâce. Entends-tu ma chanson des jours de fête ? Le feu ! le feu ! le feu ! c’est l’amour, c’est la vie !

Heureux, bruyants, éveillés toute la nuit, à l’abri de tout danger, dans ce petit trou couvert de suie, nous passerons ici tout l’hiver, toute la vie.

Feu ! feu ! vive le feu ! Aimons-nous, ma chère amie !

Regarde la braise, comme elle est rouge ! C’est notre soleil, à nous ! Aux champs, il fait froid. Ici, point de neige, point de brouillards, et quand la terre se couvre d’un drap mortuaire, le foyer s’allume, et notre été commence.

Dans le feu, on voit des choses superbes, des bois, des rochers, des herbes, des villes, des châteaux, des cascades. Tous les êtres redoutent le feu ; ils l’adorent et le craignent. C’est à distante qu’ils le saluent ; le feu ne les aime pas assez pour leur permettre de se jouer si près de lui. Nous autres, nous sommes ses enfants ; nous vivons presque dans son sein, nous effleurons légèrement, sans les abattre, les belles montagnes de cendre brûlante ; nous traversons la fumée noire, et nos yeux ravis ne se lassent jamais de regarder la fournaise.

Le feu ! le feu ! vive le feu ! Aimons-nous, réjouissons-nous, ma chère amie !