Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 274-275).
IX
De la province de Ciamba.


En partant du port de Zeiton et naviguant vers le sud-ouest, on vient à la province de Ciamba[1], qui est éloignée de ce port de mille et cinquante milles. Elle est fort grande et a des moutons en abondance. Les habitants sont idolâtres et ont un langage particulier. L’an de l’Incarnation du fils de Dieu 1268, le Grand Khan envoya un général nommé Sogatu avec une puissante armée pour subjuguer cette province ; mais lorsqu’il fut arrivé dans le pays, il reconnut que les villes y étaient si bien fortifiées et les châteaux si forts qu’il était comme impossible de les prendre. Il brûla cependant toutes les maisons de campagne, coupa les arbres et causa tant de dommage dans cette province que le roi se rendit de lui-même tributaire du Grand Khan, afin qu’il fît retirer ce général hors de ses terres. Ils firent un accord, à savoir, que le roi de Ciamba enverrait tous les ans au Grand Khan vingt éléphants des plus beaux. Et moi, Marco, j’ai été dans cette province, dont le roi avait alors une si grande multitude de femmes qu’il avait trois cent vingt-six fils ou filles, et dont cent cinquante de ses fils étaient déjà en âge de porter les armes. Il y a beaucoup d’éléphants en ce pays-là, et du bois d’aloès en abondance ; on y trouve aussi des forêts d’ébène.

  1. Province de la Cochinchine actuelle.