Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 297-298).
XLI
De l’île de Zanzibar.


On trouve là aussi une autre île qui contient deux milles de circuit, ayant un roi particulier et un langage distingué. Les habitants sont idolâtres, les hommes sont gros et courts ; et s’ils étaient grands à proportion, ils pourraient passer pour des géants. Ils sont si forts qu’un de ces gens-là portera la charge de quatre ou cinq autres, ils sont grands mangeurs, et un repas d’un de ces hommes-là pourrait suffire à cinq de notre pays. Ils sont noirs et vont nus. Ils ont beaucoup de cheveux et si crépus qu’il faut les mouiller pour pouvoir les étendre. Ils ont la bouche grande, les narines larges et retroussées, les oreilles grandes et le regard affreux, Les femmes sont aussi laides, ayant les yeux affreux, la bouche grande et le nez gros. Ils vivent de chair, de riz, de lait et de dattes. Ils n’ont point de vin ; mais ils font une certaine boisson avec du riz, du sucre et autres épices. Plusieurs marchands débarquent en cette île parce qu’il y a beaucoup de baleines et d’éléphants. Ces insulaires sont forts et hardis ; et comme ils n’ont point de chevaux, ils se servent à la guerre de chameaux et d’éléphants, bâtissant sur ces derniers des châteaux de bois, qui peuvent contenir jusqu’à quinze et vingt hommes tout armés. Leurs armes consistent en des lances, des poignards et des pierres. Ces sortes de châteaux portatifs sont couverts de cuir. Quand ils vont à la guerre, ils donnent aux éléphants un breuvage qui les rend plus hardis. Cette île abonde en lions, léopards et autres bêtes sauvages, que l’on ne voit point dans les autres pays. Ils ont encore une espèce d’animal qu’ils appellent « gaffa » (girafe), qui a le col long de trois pas ; il a les jambes de devant bien plus longues que celles de derrière ; il a la tête petite, et il est de plusieurs couleurs et marqueté par le corps ; cet animal est doux et ne fait de mal à personne.