XL
D’un très grand oiseau nommé ruc.


Il y a encore d’autres îles par delà Madaigascar ; mais l’accès en est très difficile à cause de l’impétuosité de la mer. Il paraît dans ces îles, en un certain temps de l’année, une espèce d’oiseau fort surprenant, nommé ruc[1], ayant la figure d’un aigle, mais d’une grandeur extraordinaire. Ceux qui ont vu de ces oiseaux disent que la plupart de leurs plumes sont de dix pas de long, qu’elles sont grosses à proportion et que tout leur corps répond à cela. Cet oiseau est si fort qu’il prend sans aucun secours que de ses propres forces un gros éléphant et l’élève en haut, puis le laisse tomber pour en faire sa pâture. Moi, Marco, ayant entendu parler de cet oiseau, je pensais que c’était un griffon, qui est un animal à quatre pieds, quoiqu’il ait des plumes. Il est en tout semblable au lion, si ce n’est qu’il a la mine d’un aigle ; mais ceux qui avaient vu de ces rucs assuraient constamment qu’ils n’avaient rien de commun avec tous les autres animaux, et qu’ils n’avaient que deux pieds comme les autres oiseaux. De mon temps, l’empereur Koubilaï avait un certain courrier qui avait été détenu prisonnier dans ces îles, et qui, ayant été relâché, raconta à son retour des choses surprenantes de ces pays-là et des diverses sortes d’animaux que l’on y trouve.

  1. C’est l’oiseau fabuleux ruc, rouk ou roc, dont il est souvent fait mention dans les légendes indiennes et dans lequel les naturalistes modernes pensent reconnaître l’Epyornis ou quelque autre représentant des espèces d’oiseaux gigantesques dont la race est aujourd’hui éteinte, mais dont l’existence est attestée par des restes d’ossements, et notamment par les œufs énormes qu’on retrouve parfaitement conservés.