Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 290-291).
XXXI
Du royaume de Coilum.


En allant du royaume de Maabar à l’autre partie de la côte, on trouve à cinq cents milles le royaume de Coilum[1], où il y a beaucoup de chrétiens, de juifs et de païens. Le roi de ce pays-là ne paye tribut à personne, et les peuples ont un langage particulier. Il y croît beaucoup de poivre, car les forêts et autres lieux sont pleins des petits arbres qui le portent. On le recueille dans les mois de mai, juin et juillet. Il y a en ce pays-là de si grandes chaleurs qu’il est impossible de vivre. Les rivières même y sont si chaudes qu’on peut y cuire un œuf. On fait beaucoup de sortes d’ouvrages en ce pays-là, à cause du grand gain que les négociants qui viennent les acheter y apportent. On trouve aussi là beaucoup d’animaux qui ne sont point dans les autres pays. Car on y trouve des lions gris, des paparaux (perroquets) qui ont les pieds blancs et le bec rouge, des poules toutes différentes des nôtres. Ils croient que cette diversité vient de la grande chaleur du climat. Il n’y croît point de froment, mais du riz. Ils font une boisson avec du sucre au lieu de vin. Il y a plusieurs astrologues et médecins. Ils vont presque tout nus, tant hommes que femmes. Ils deviennent noirs et difformes par la trop grande ardeur du soleil, mais ils croient au contraire en être plus beaux. Ils prennent des femmes parmi leurs parents au troisième degré, et ils épousent aussi leur belle-mère quand le père est mort, et leur belle-sœur quand le frère est mort, ce qui se pratique d’ailleurs dans toute l’Inde.

  1. Quilou ou Koulem, sur la côte du Malabar.