Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 157-158).
XIII
De l’Arménie Majeure.


L’Arménie Majeure est la plus grande de toutes les provinces qui payent tribut aux Tartares ; elle est pleine de villes et de villages. La ville capitale s’appelle Arzinga ; on y fait d’excellent « buchiramus »[1]. Il y a aussi plusieurs fontaines, dont les eaux sont salutaires pour les bains et la guérison de diverses sortes de maladies. Les plus considérables villes après la capitale sont Erzeroum et Darzirim. Plusieurs Tartares se retirent en été sur leur territoire pour jouir de la fraîcheur et de l’utilité des pâturages, et ne se retirent qu’en hiver, à cause des grandes neiges et des inondations. C’est sur les montagnes de cette province[2] que s’arrêta l’arche de Noé après le déluge. Elle a à l’orient la province des Géorgiens. Du côté du septentrion on trouve une grande source dont il sort une liqueur semblable à l’huile ; elle ne vaut rien à manger, mais elle est bonne à brûler et à tout autre usage ; ce qui fait que les nations voisines en viennent faire leur provision, jusqu’à en charger beaucoup de vaisseaux, sans que la source, qui coule continuellement, en paraisse diminuée en aucune manière[3].

  1. Étoffe devenue célèbre sous le nom de bougran.
  2. Sur le mont Ararat. Une légende du pays veut même que les débris de l’arche soient encore sur cette montagne.
  3. L’huile de pétrole, que produit en grande abondance la presqu’île de Bakou, sur la mer Caspienne. Cette région est encore considérée comme terre sacrée par les derniers adorateurs du feu, ou parsis, disciples de Zoroastre.