La description géographique des provinces/Livre 2 - 61 à 65

Edition de E. Groulleau (p. 190-204).


De la ville de Cingianfu.     Chap.   LXI.



Cingianfu est une ville située en la province de Mangi, en laquelle on faict plusieurs beaux ouvrages d’or & de soye. En icelle y à quelques eglises de Chrestiens Nestorians, lesquelles ont esté edifiées & basties par Marsarus Nestorian, au temps qu’il estoit gouverneur de ceste ville soubz le grand Cham, asçavoir en l’an de nostre salut mil deux cens quatre vingtz & huict.


De la ville de Cingingui, & de l’occision des citoyens d’icelle.     Chap.   LXII.



Sortant de la ville de Cingianfu apres avoir cheminé par trois journées on parvient en la ville de Cingingui, combien que par les chemins se trouvent plusieurs petites villes & bourgades eſquelles s’exercent plusieurs traffiques de marchandise & de beaux ouvrages ingenieux. Or la ville de Cingingui est grande & opulente, tant en richesses que toutes sortes de vivres. Quand Baiam chef de l’armée des Tartares estoit a la poursuite & conqueste de la province de Mangi, il envoya quelques bandes de Chrestiens qu’on appelle Alains, pour assieger ceste ville de Cingingui, lesquelz apres l’avoir sommée de se rendre la presserent & assaillirent si vifvement que les citoyens d’icelle furent contrainctz de se rendre librement. Eulx donques entrez dedans la ville ne blecerent & ne firent oultrage ne desplaisir a aucun des habitans, au moyen de ce que de leur bon vouloir & sans contraincte, ilz s’estoient renduz a l’obeissance du grand Cham. Toutesfois ayans trouvé dedans la ville de fort bon & excellent vin, & en grande quantité, ilz en beurent si largement qu’ilz en furent tous enyvrez : au moyen dequoy la nuict ensuyvant pressez & chargez de sommeil ne tindrent compte d’asseoir ne faire aucun guet. Ce que voyans les citoyens de la ville qui au paravant les avoient receuz pacifiquement, prenans occasion d’executer leur mauvais vouloir, se ruerent sur eulx ainsi endormiz, & les tuerent tous, sans qu’aucun d’eulx se peult sauver ne evader. Toutesfois Baiam depuis adverty de ceste insolence & infidelité envoya une autre grosse armée contre les habitans de Cingingui, qui en peu de temps l’emporterent d’assault, & prindrent telle vengeance de leur trahison & infidelité, qu’ilz les mirent tous a mort sans aucun excepter.


De la cité de Singui.
Chap.   LXIII.



Singui est une fort belle cité grande & bien fameuse, qui contient de tour environ vingt lieues. En icelle y à grande multitude d’habitans, comme aussi toute la province de Mangi est fort bien peuplée de gens, lesquelz toutesfois ne sont belliqueux, ains font presque tous marchadz & artisans : Aussi y à plusieurs medecins & philosophes. En ceste cité de Singui y à environ six mille pontz de pierre, dont les arches sont si haultes que les grandz navires peuvent aisement passer par dessoubz sans abaisser ou courber le mast.Es montaignes qui sont alentour de la cité croist grande quantité de rheubarbe & de gingembre. Ceste cité à soubz sa jurisdiction seize autres belles villes subjectes & resortissantes, esquelles on exerce plusieurs trafiques de marchandises : aussi y à grand nombre d’artisans qui y s=font d’excellens ouvrages. Les citoyens de Singui sont communement accoustrez de vestemens de soye & taffetas, car on y faict grande quantité de draps de soye. Or ce mot de Singui est autant a dire en leur langue comme la cité de la terre : comme aussi ilz ont une autre ville appellée Quinsai, cestadire cité du soleil, pour autant que ces deux villes sont les plus nobles & plus excellentes de tout le pays d’Orient.


De la cité de Quinsai.     Chap.   LXIIII.



A distance de cinq journées de Singui est située une autre belle ville & de grand renom appellée Quinsai, qui signifie en leur langue cité du ciel, laquelle est si grande & spacieuse qu’a mon jugement elle n’a sa pareille en grandeur en tout le monde : ce que moy Marc Paule puis asseurer pour y avoie esté, & diligemment recherché toutes les choses memorables d’icelle, mesmement les coustumes & meurs des habitans, & tout ce que j’en ay peu veoir & congloistre briefvement & fidelement je le declaireray. La ville de Quinsay contient de tour & circuit environ trentequatre lieues : en icelle y a douze mille pontz de pierre si hault voultez & eslevez que les grandz navires avec le mast dressé & voiles tendues y peuvent facilement passer. Or l’assiette de la ville est en lieu marécageux, comme peult estre la ville de Venise : au moyen dequoy sans les pontz dessusdictz on ne pourroit aller d’une rue en autre. En icelle y à infiniz artisans & marchadz, tellement que ce seroit chose incroyable si j’en voulois assigner le nombre certain. Les maistres ouvriers ne travaillent point a la besongne, mais ont des serviteurs a ce destinez & ordonnez. Les citoyens vivent en grandz delices & voluptez, mesmement les femmes : au moyen dequoy elles y sont plus belles & braves qu’en nul autre pays. Sur la coste de Midy au dedans les clostures de la ville y a un grand lac qui à de circuit environ dix lieues : sur les rivages duquel sont basties plusieurs maisons excellentes des nobles du pays, lesquelles sont par dedans & dehors fort magnifiques & sumptueuses : aussi y à quelques temples consacrez aux idoles. Et au mylieu de ce grand lac y à deux petites isles, en chacune desquelles y à un beau grand palays ou chasteau, esquelz sont gardez & soigneusement conservez tous les parementz, vaisselle & appareilz necessaires pour la celebration des nopces & autres festins & banquetz solennelz. Et si quelqu’un des citoyens de la ville veult faire quelque festin magnifique, il mene les invitez en l’un de ces palays, ou ilz sont traictez & receuz honorablement. En ceste ville de Quinsai y à de fort belles & sumptueuses maisons : oultre par les rues y à certaines tournelles publiques, esquelles en temps de feu les voysins transportent leurs boens pour les sauver de la violence du feu : car il y à grande quantité de maisons en la ville qui ne sont faictes que de bois : au moyen de quoy advient bien bien souvent que le feu s’y prend, & sont bruslées & consommées. Les habitans de la ville adorent les idoles, & mangent indifferemment la chair des chevaulx, chiens, & autres bestes ordes & immundes. Ilz usent de la monnoye du grand Cham : lequel pour obvier aux rebellions y à tousjours groose garnison, mesmement pour empescher & reprimer les meurdres & larrecins : en sorte que tant de jour que de nuict y à sur chacun pont dix hommes establiz pour la garde d’iceluy. Au dedans les murailles de la ville y à une montaigne ſur laquelle eſt baſtie & erigée une haulte tour, au plus hault de laquelle ſont dreſſez certains aiz de bois en telle ſorte, que les touchans d’un marteau ilz rendent un grand bruit, ce qu’ilz reſervent pour tel uſage, que ſi le feu ſe prend en quelques endroitz de la ville incontinent que les guettes qui ſont eſtabliz en ceſte tour l’apperçoivent font à coups de marteaux reſonner ces aiz, le bruit deſquelz eſt facilement entendu par les habitans, qui alors courent la part ou eſt le feu pour l’eſteindre. On faict auſsi reſonner ces aiz quand il advient quelque ſedition, tumulte ou eſmotion populaire en la ville. Toutes les rues & places de la ville ſont entierement pavées de pierre, qui eſt cauſe qu’elle eſt en tout temps nette. On trouve dedans la ville environ trois mille maiſons publiques deſtinées pour les baings & eſtuves eſquelz les habitans ſe vont publiquement baigner, & nettoyer le corps, choſe qu’ilz ont en ſinguliere recommendation, de ſe tenir nettement de leur corps. Ceſte ville n’eſt a diſtance de la grand mer Occeane que d’environ huict ou dix lieues, meſmes juſques alendroict ou eſt ſituée la ville de Canfu, qui eſt ſur le rivaige de la mer, ayant un havre fort commode, auquel viennent ſurgir infiniz navires, tant des Indes qu’autres regions. Oultre que la riviere qui paſſe par Quinſai deſcend & ſe vient deſgorger en la mer alendroict de ce port de Canfu, au moyen dequoy infinies marchandiſes y ſont tranſportées. La province de Mangi a cauſe qu’elle eſt de grande eſtendue à eſté diviſée par le grand Cham en neuf Royaumes, & a chacun d’iceulx commis & estably un Roy : lesquelz Roys sont tous riches & puissantz, toutesfois subjectz au grand Cham, auquel par chacun an ilz payent certain droict & tribut du revenu de leurs Royaumes, & dont ilz rendent compte. L’un d’iceulx faict sa demeure en la ville de Quinsay, lequel à soubz sa jurisdiction & gouvernement cent quarante villes qui dependent de son Royaume. Or toute la province de Mangi contient environ douze cens villes & citez : en chascune desquelles le grand Cham à estably & assigné garnisons pour obvier aux revoltes & rebellions qui pourroient survenir : lesquel les garnisons sont dressées de plusieurs sortes de gens ramassez & de diverses nations, mesmement de soldatz & stipendiaires tirez de plusieurs bandes de l’armée du grand Cham. Ilz ont en ce pays, signamment en la province de Mangi une curieuse & diligente observation des mouvemens celestes, jusques a observer soigneusement l’horoscope & ascendent de la naissance de chacun enfant, & le jour & l’heure de la nativité, & quelle planette estoit lors dominant. Ainsi le gouvernent en toutes les œuvres, voyages & entreprises par le conseil & jugement de leurs astrologues. Encores y à une coustume au pays que quand quelqu’un meurt ses parentz couvertz de grandz sacz de toille de chanvre enlevent & portent en sepulture le corps mort, chantans & crians a haulte voix : & depaignent en des tablettes les pourtraictz & figures de leurs serviteurs & chambrieres, chevaulx & richesses, & le tout font brusler avec le corps mort : se persuadans que le defunct en l’autre monde sera jouïssant de toutes ces choses, & aura autant de serviteurs en son service. En apres ilz font resonner certains instrumentz musiquaulx, estimans que leurs dieux reçoyvent le defunct en telle & semblable pompe & honneur, comme ses parentz, en faisant ses obseques & funerailles, en font. En ceste ville de Quinsai y à un brave & magnifique palays, auquel Facfur (paravant Roy de la province de Mangi) tenoit ordinairement sa court. La derniere muraille qui clost & environne en quarré le chasteau, contient de tour plus de trois lieues, estant eslevée a juste haulteur à l’equipolent. Au dedans l’enclos de ceste muraille y à des jardins excellens avec toutes forces d’arbres & fruictz singuliers. Oultre y a de belles fontaines & viviers bien peuplez de poisson : & au mylieu est assis le palays Royal fort ample & spacieux : le pareil duquel, soit en sumptuosité ou magnificence, a peine se trouveroit en tout le monde. En iceluy y à vingt salles de semblable grandeur : en chacune desquelles on peut faire assiette & commodement traicter dix mil hommes ensemblement : oultre que toutes ces salles sont painctes & tendues de tepisseries a la mode Royalle. Au rest on estime que dedans la ville de Quinsay y à six cens mil feuz ou familles, telles que peut constituer un homme avec sa femme enfans & serviteurs. En icelle y à seulement une eglise de Chrestiens, encores Nestorians. Oultre y à une coustume en la ville, & mesmes en toute la province de Mangi que chacun chef de maison faict inscrire sur l’entrée & huisseries de sa maison son nom, & celuy de sa femme, ensemble de toute sa famille, & jusques au nombre de ses chevaux. Et quand aucun de sa famille decede ou qu’il change de logis, on efface son nom, & au lieu d’iceluy on met le nom de l’enfant nouvellement né, ou d’un autre serviteur nouvellement receu en service : & par tel moyen sans grande difficulté on peut sçavoir le nombre de tous les habitans de la ville. Semblablement les hostelliers & taverniers escrivent en des tableaux affichez contre leurs portes les noms de leurs hosyes & passans estrangers qui se sont retirez pour loger en leurs maisons, & le jour & le mois qu’ilz y son entrez.


Du grand tribut & revenu que le grand Cham retire chacun an de la ville de Quinsay, & province de Mangi.       Chap.   LXV.



Le grand Cham exige par chaucn an sur le sel qui se faict en la ville de Quinsay, & es environs, le nombre de huict cens mil escuz. Des autres choses, mesmement des marchandises, en retire si grandz deniers, qu’a peine on les pourroit nombrer. En ceste province se trouve grande quantité de sucres, & plusierus autres espiceries aromatiques : desquelles le grand Cham prend trois & demy pour cent, & autant en faict de tous les autres bien & facultez des marchans. Semblablement du vin qui se faict artificiellement avec du riz, & autres espiceries, il en retire grand revenu. Oultre des artisans, mesmement des douze mestiers, en retire grand proffit. Quant aux soyes (dont en la province de Mangi y a grand quantité & abondance) de cent aulnes en prend dix pour son droict. Et moy Marc Paule j’ay oy quelquesfois faire supputation de tous & chacuns les revenuz & subsides, qui par chacun an estoient tirez par le grand Cham du royaume de Quinsay, (qui ne faict que la neufiesme partie de la province de Mangi) & fut trouvé en somme (sans y compter le sel) qu’ilz excedoient le nombre de quinze milions sixcens mil escuz.


De la ville de Tampingui.       Chap.   LXVI.



En passant oultre la ville de Quinsay, tirant vers le Siroch, on trouve continuellement de beaux vergers & jardins bien cultivez : &jusques a une journée d’icelle on parvient a la ville de Tampingui, qui est fort belle & bien fameuse. Oultre laquelle par trois journées tenant le mesme chemin on trouve plusieurs villes & chasteaux en si grand nombre, que les voyans de loing, on jugeroit que c’est une ville composée de ces chasteaux, tant ilz sont bastiz les uns pres des autres. On y trouve aussi grande abondance de vivres. Les cannes & rouseaux y croisent si grandz, que les aucuns ont sept & huict toyses. de longueur, & en leur grosseur & circonference quatre empans. Allant plus oultre le chemin de trois journées, se presente la ville de Gengui, qui est grande & belle: oultre laquelle tenant tousjours le chemin vers le vent Syroch, se descouvrent par pays plusieurs villes & chasteaux. En ceste contrée y a grand nombre de lyons qui sont grandz & cruelz. On n’y trouve point de moutons, non plus qu’en toute la province de Mangi : mais des boeufz, chevres, boucz & porcz y en a grande quantité. Tirant encores oultre par quatre journées, on vient en une autre belle ville, appellée Ciangian, qui est située sur la crouppe d’une montaigne sui divise & separe une grosse riviere en deux, & de la en avant s’estend en deux diverses contrées. Encores plus oultre a trois journées on trouve la ville de Cugui, qui est la derniere & limitrophe du royaume de Quinsai.


Du royaume de Concha.     Chap.   LXVII.



Laissant derriere la ville de Cugui, & passant oultre, on entre au royaume de Concha, duquel la ville capitale est appellée Fuguy : auquel cheminant par six journées, on trouve le pays fort bossu, se continuant en coustaux & vallées, ou toutesfois lon trouve plusirus villes & chasteaux. Le pays est abondant en victuailles : mesmement y a plusieurs belles chasses & volleries aux bestes & oyseaux. Oultre y a grand’ quantité de lyons : le gingembre y croist en grande abondance : semblablement y croist une certaine fleur, qui ressemble au saffran, & toutesfois est d’autre espece, encores qu’elle soit mise en usaige pour saffran. Les habitans du pays mangent de grande affection la chair humaine, pourveu que ce ne soit d’un homme mort par quelque maladie. Quand ilz vont a la guerre chacun imprime en son front avec un fer chault certaine merque : & n’y à aucun d’entre eulx qui osast mener un cheval a la guerre, sinon le chef & capitaine de l’armée. Ilz usent pour armes d’espées & lances ou javelotz : & de ceulx qu’ilz tuent en guerre, ilz boivent le sang, & en mangent la chair : aussi ce sont gens trescuelz & inhumains.


Des villes de Quelinfu & Unquen.
Chapitre     LXVIII.



Apres avoir cheminé dedans le royaume de Concha par les six journées dont dessus avons parlé, on parvient a la ville de Quelinfu, qui est grande & bien renommée, assise sur une belle riviere qui l’environne & circuyt tout a l’entour, avec trois grandz pontz de pierre de taille, dont le parement de dessus est aorné de belles colomnes de marbre. Chascun pont contient de largeur quatre toyses, & de longueur cinq cens. En ceste ville y a grande abondance de soyes, ensemble de gingembre & galange. Les habitans d’icelle hommes & femmes sont fort beaux personnages. On y trouve des Poulles ayans poil au lieu de plumes.poulles lesquelles au lieu de plumage ont du poil comme les chatz, & sont communement noires, toutesfois elles pondent de tresbons œufz. Et pource qu’en ceste contrée y a grande multitude de lyons, il faict dangereux & perilleux y passer. A cinq lieuës de ceste ville est située une autre ville, appellée Unquen.Unquen, en laquelle se faict grande quantité de sucres.sucre, qu’on tire des cannes qui croissent a l’entour d’icelle & de la est transporté jusques a la court du grand Cham, qui est ordinairement en la ville de Cambalu.


De la ville de Fugui.       Chap.   LXX.



Poursuyvant oultre par cinq autres lieues, se presente la ville de Fugui, qui est capitale & metropolitaine du royaume de Concha, lequel est l’un des neuf royaumes, esquelz la province de Mangy fut divisée. En ceste ville y a grosses garnisons, & grande compagnie de gens de guerre pour le grand Cham, afin de tenir la province en seureté, & la defendre de toutes incursions d’ennemis, & oultre, pour reprimer les seditions & tumultes qui se pourroient esmouvoir, & causer rebellion contre l’Empereur. Au travers de ceste ville passe une grosse riviere, le cours de laquelle s’estend en largeur presque demie lieue. Et d’autant que ceste ville est assez prochaine de la pleine mer, en laquelle ceste riviere se deſgorge, & par la bouche d’icelle y sont amenées des Indes plusieurs marchandises, mesmement des perles & autres pierres precieuses. La ville est fort marchande, & s’y fait de grandes trafiques : oultre qu’en icelle y a grande quantité de sucres, & des vivres à suffisance.


Des villes de Zartem & Figui.     Chap. LXV.



Oultre ceste riviere on chemine par cinq journées jusques à la ville de Zartem, & ce pendant par pays on rencontre plusieurs villes & chasteaux, & grande abondance de vivres : ensemble y a plusieurs montagnes et forests, des arbres desquelles on tire grande quantité de poix. La ville de Zartem est fort grande, assise sur un port de mer bien commode, & auquel arrivent infinis navires des Indes, chargées de marchandises. Aussi ceste ville est autant marchande que ville qui soit au monde : par le poivre & autres espiceries aromatiques que les marchands occidentaux tirent de la ville d’Alexandrie, y sont premierement apportées des marchez & foire de Zartem. De ceste ville le grand Cham retire un tribut infiny : car aucun navire n’entre au port d’icelle qui ne luy paye groose somme, ou qu’il n’en retire gros profiit pour ses droictz, & peu s’en fault que de chascune sort d’espicerie il n’en exige la moitié. En ceste region y a une autre ville, appellée Figui, qui est de grand renom au pays, à cause des belles escuelles & vaisselles qu’on y fait. Les habitans d’icelle ont langage particulier. Ce que dessus est dit de la province de Mangi suffira quant a present. Et combien que des royaumes d’icelle n’en ayons descript que deux, toutefois de propos deliberé avons omis les autres, pour rendre à la description de l’Inde, en laquelle avons sejourné quelque temps, & en icelle veu ocuairement beaucoup de choses memorables qu’on y trouve, dignes de grande admiration, que (par maniere de dire) nous avons maniées & de noz mains touchées.


F I N   D U   S E C O N D   L I V R E .