Le Dernier des Mohicans/Chapitre XXXI

Traduction par Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 5p. 378-386).

CHAPITRE XXXI


Fluellen. Tuer les traînards et les gens de bagage, c’est expressément contre les lois de la guerre, c’est une lâcheté, voyez-vous bien, une lâcheté sans pareille en ce monde.
ShakspeareHenry V.


Tant que Magua et sa victime furent en vue, la multitude resta immobile, comme si quelque pouvoir surnaturel, favorable au Huron, la tenait enchaînée à la même place. Mais du moment qu’il disparut, elle s’ébranla, courut en tumulte de côté et d’autre, livrée à une agitation extraordinaire. Uncas resta sur le tertre où il s’était placé, ses yeux fixés sur Cora jusqu’à ce que la couleur de ses vêtements se confondît avec le feuillage de la forêt ; alors il en descendit, et traversant en silence la foule qui l’entourait, il rentra dans la cabane d’où il était sorti.

Quelques-uns des chefs les plus graves et les plus prudents, remarquant les éclairs d’indignation qui jaillissaient des yeux du jeune chef, le suivirent dans le lieu qu’il avait choisi pour se livrer à ses méditations. Au bout de quelque temps Tamenund et Alice partirent, et on ordonna aux femmes et aux enfants de se disperser. Bientôt le camp ressembla à une vaste ruche dont les abeilles auraient attendu l’arrivée et l’exemple de leur reine pour commencer une expédition importante et éloignée.

Un jeune guerrier sortit enfin de la cabane où était entré Uncas, et d’un pas grave, mais décidé, il s’approcha d’un arbre nain qui avait poussé dans les crevasses de la terrasse rocailleuse ; il en arracha presque toute l’écorce, et retourna sans parler dans la cabane d’où il venait. Un autre guerrier en sortit ensuite, et dépouillant le jeune pin de toutes ses branches, ne laissa plus qu’un tronc nu et désolé[1]. Un troisième vint ensuite peindre l’arbre de larges raies d’un rouge foncé. Tous ces emblèmes indicatifs des desseins hostiles des chefs de la nation, furent reçus par les hommes du dehors avec un sombre et morne silence. Enfin le Mohican lui-même reparut, dépouillé de tous ses vêtements, n’ayant gardé que sa ceinture.

Uncas s’approcha lentement de l’arbre, et il commença sur-le-champ à danser autour, d’un pas mesuré, en élevant de temps en temps la voix pour faire entendre les sons sauvages et irréguliers de son chant de guerre. Tantôt c’étaient des accents tendres et plaintifs d’une mélodie si touchante, qu’on eût dit le chant d’un oiseau ; tantôt, par une transition brusque et soudaine, c’étaient des cris si énergiques et si terribles, qu’ils faisaient tressaillir ceux qui les entendaient. Le chant de guerre se composait d’un petit nombre de mots souvent répétés ; il commençait par une sorte d’hymne ou d’invocation à la Divinité ; il annonçait ensuite les projets du guerrier ; et la fin comme le commencement était un hommage rendu au grand Esprit. Dans l’impossibilité de traduire la langue mélodieuse et expressive que parlait Uncas, nous allons donner du moins le sens des paroles :

— Manitou ! Manitou ! Manitou ! tu es bon, tu es grand, tu es sage ! Manitou ! Manitou ! tu es juste !

Dans les cieux, dans les nuages, oh ! combien je vois de taches, les unes noires, les autres rouges ! — Oh ! combien de taches dans les cieux !

Dans les bois et dans l’air, j’entends le cri, le long cri de guerre ; oh ! dans les bois le cri, le long cri de guerre a retenti !

Manitou ! Manitou ! Manitou ! je suis faible, tu es fort ; Manitou ! Manitou ! viens à mon secours ! —

À la fin de ce qu’on pourrait appeler chaque strophe, Uncas prolongeait le dernier son, en donnant à sa voix l’expression qui convenait au sentiment qu’il venait de peindre : après la première strophe, sa voix prit un ton solennel qui exprimait la vénération ; après la seconde elle eut quelque chose de plus énergique ; la troisième se termina par le terrible cri de guerre, qui, en s’échappant des lèvres du jeune guerrier, sembla reproduire tous les sons effrayants des combats. À la dernière, ses accents furent doux, humbles et touchants comme au commencement de l’invocation. Il répéta trois fois ce chant, et trois fois en dansant il fit le tour de l’arbre.

À la fin du premier tour, un chef des Lenapes, grave et vénérable, suivit son exemple et se mit à danser également en chantant d’autres paroles sur un air à peu près semblable. D’autres guerriers se joignirent successivement à la danse, et bientôt tous ceux qui avaient quelque renom ou quelque autorité furent en mouvement. Le spectacle que présentaient ces guerriers prit alors un caractère plus sauvage et plus terrible, les regards menaçants des chefs devenant plus farouches à mesure qu’ils s’exaltaient en chantant leur fureur d’une voix rauque et gutturale. En ce moment Uncas enfonça sa hache dans le pin dépouillé, et fit une exclamation véhémente qu’on pourrait appeler son cri de guerre, ce qui annonçait qu’il prenait possession de l’autorité pour l’expédition projetée.

Ce fut un signal qui réveilla toutes les passions endormies de la nation. Plus de cent jeunes gens, qui jusque alors avaient été contenus par la timidité de leur âge, s’élancèrent avec fureur vers le tronc qui tenait la place de leur ennemi, et le taillèrent en pièces jusqu’à ce qu’il n’en restât plus que des éclats informes.

Cet enthousiasme fut contagieux, tous les guerriers se précipitèrent vers les fragments de bois qui jonchaient la terre, et les brisèrent avec la même fureur que s’ils eussent dispersé les membres palpitants de leur victime. Tous les couteaux, toutes les haches étincelaient ; enfin, en voyant l’exaltation et la joie féroce qui animaient la physionomie sauvage de ces guerriers, on ne pouvait douter que l’expédition commencée sous de tels auspices ne devînt une guerre nationale.

Après avoir donné le premier signal, Uncas était sorti du cercle, et ayant jeté les yeux sur le soleil, il vit qu’il venait d’atteindre le point où expirait la trêve faite avec Magua. Un grand cri suivi d’un geste énergique en instruisit bientôt les autres guerriers, et toute la multitude transportée s’empressa d’abandonner un simulacre de guerre pour se disposer à une expédition plus réelle.

En un instant le camp prit une face toute nouvelle. Les guerriers qui déjà étaient peints et armés devinrent aussi calmes que s’ils eussent déjà été incapables de ressentir aucune émotion vive. Les femmes sortirent des cabanes en poussant des cris de joie et de douleur si étrangement mêlés, qu’on n’eût pu dire laquelle de ces deux passions l’emportait sur l’autre. Aucune cependant ne restait oisive : quelques-unes emportaient ce qu’elles avaient de plus précieux ; les autres se hâtaient de mettre à l’abri du danger leurs enfants ou leurs parents infirmes, et toutes se dirigeaient vers la forêt qui se déployait comme un riche tapis de verdure sur le flanc de la montagne.

Tamenund s’y retira aussi avec calme et dignité, après une courte et touchante entrevue avec Uncas, dont le sage ne se séparait qu’avec la répugnance d’un père qui vient de retrouver un fils perdu depuis longtemps. Duncan, après avoir placé Alice en lieu de sûreté, revint auprès du chasseur avec des yeux rayonnants qui prouvaient tout l’intérêt qu’il prenait aux événements qui se préparaient.

Mais Œil-de-Faucon était trop accoutumé aux chants de guerre et à l’émotion qu’ils produisaient pour trahir par aucun mouvement celle qu’ils excitaient dans son cœur. Il se contentait de remarquer le nombre et la qualité des guerriers qui témoignaient le désir de suivre Uncas au combat, et il eut bientôt lieu d’être satisfait en voyant que l’enthousiasme du jeune chef avait électrisé tous les hommes en état de combattre. Il résolut alors d’envoyer un jeune garçon chercher le tueur de daims et le fusil d’Uncas sur la lisière du bois où ils avaient déposé leurs armes en approchant du camp des Delawares par une mesure doublement prudente, d’abord pour qu’elles ne partageassent pas leur sort s’ils étaient reconnus captifs, et pour pouvoir se mêler parmi les étrangers sans inspirer de défiance, ayant plutôt l’air de pauvres voyageurs que d’hommes pourvus de moyens de défense. En choisissant un autre que lui pour aller chercher l’arme précieuse à laquelle il attachait un si grand prix, le chasseur avait écouté sa prudence et sa prévoyance ordinaires. Il savait que Magua n’était pas venu dans leur camp sans une suite nombreuse, et il savait aussi que le Huron épiait les mouvements de ses nouveaux ennemis tout le long de la lisière du bois. Il n’aurait donc pu s’y engager sans que sa témérité lui devînt fatale ; tout autre guerrier l’aurait probablement payée de sa vie ; mais un enfant pouvait entrer dans la forêt sans inspirer de soupçons, et peut-être même ne s’apercevrait-on de son dessein que lorsqu’il serait trop tard pour y mettre obstacle. Lorsque Heyward le joignit, Œil-de-Faucon attendait froidement le retour de son messager.

L’enfant, qui était très adroit, et qui avait reçu les instructions nécessaires, partit palpitant d’espérance et de joie, heureux d’avoir su inspirer une telle confiance, et résolu de la justifier. Il suivit d’un air indifférent le bord de la clairière, et il n’entra dans le bois que lorsqu’il fut près de l’endroit où étaient cachés les fusils. Bientôt il disparut derrière le feuillage des buissons, et il se glissa comme un reptile adroit vers le trésor désiré. Il ne tarda pas à le trouver ; car il reparut l’instant d’après fuyant avec la vitesse d’une flèche à travers l’étroit passage qui séparait le bois du tertre élevé, sur lequel était le village, et portant un fusil dans chaque main. Il venait d’atteindre le pied des rochers, qu’il gravissait avec une incroyable agilité, lorsqu’un coup de feu parti du bois prouva combien avaient été justes les calculs du chasseur. L’enfant y répondit par un cri de dédain ; mais bientôt une seconde balle, venant d’un autre point de la forêt, fut encore lancée contre lui. Au même instant il arriva sur la plate-forme, élevant ses fusils d’un air de triomphe, tandis qu’il se dirigeait avec la fierté d’un conquérant vers le célèbre chasseur qui l’avait honoré d’une si glorieuse mission.

Malgré le vif intérêt qu’Œil-de-Faucon avait pris au sort du jeune messager, le plaisir qu’il eut à revoir le tueur de daims absorba un moment tous les autres souvenirs. Après avoir examiné d’un coup d’œil vif et intelligent si rien n’était dérangé à son arme chérie, il en fit jouer le ressort dix ou quinze fois, et après s’être assuré qu’elle était en bon état, il se tourna vers l’enfant et lui demanda avec la bonté la plus compatissante s’il n’était pas blessé. Celui-ci le regarda d’un air de fierté, mais ne répondit point.

— Pauvre enfant, les coquins t’ont percé le bras ! s’écria le chasseur en apercevant une large blessure qui lui avait été faite par une des balles. Mais quelques feuilles d’aune froissées t’auront bientôt guéri, avec la promptitude d’un charme. Tu as commencé de bonne heure l’apprentissage du guerrier, mon brave enfant, et tu sembles destiné à porter au tombeau d’honorables cicatrices. Je connais de jeunes guerriers qui se sont signalés dans plus d’une rencontre, et qui ne portent pas des marques aussi glorieuses ! Allez ! ajouta-t-il en finissant le pansement du jeune blessé, un jour vous deviendrez un chef.

L’enfant s’éloigna, plus fier du sang qui sortait de sa blessure que le courtisan le plus vain aurait pu l’être d’une brillante décoration, et il alla rejoindre ses jeunes compagnons, pour qui il était devenu un objet d’admiration et d’envie.

Mais dans un moment où tant de devoirs sérieux et importants absorbaient l’attention des guerriers, ce trait isolé de courage ne fut pas aussi remarqué qu’il n’eût pas manqué de l’être dans un moment plus calme. Il avait néanmoins servi à apprendre aux Delawares la position et les projets de leurs ennemis. En conséquence un détachement de jeunes guerriers partit aussitôt pour déloger les Hurons qui étaient cachés dans le bois ; mais déjà ceux-ci s’étaient retirés d’eux-mêmes en voyant qu’ils étaient découverts. Les Delawares les poursuivirent jusqu’à une certaine distance de leur camp, et alors ils s’arrêtèrent pour attendre des ordres, de peur de tomber dans quelque embuscade.

Cependant Uncas, cachant sous une apparence de calme l’impatience qui le dévorait, rassembla ses chefs, et leur partagea son autorité. Il présenta Œil-de-Faucon comme un guerrier éprouvé qu’il avait toujours trouvé digne de toute sa confiance. Voyant que tous s’empressaient de faire à son ami la réception la plus favorable, il lui donna le commandement de vingt hommes, braves, actifs et résolus comme lui. Il expliqua aux Delawares le rang que Heyward occupait dans les troupes des Yengeese, et il voulut lui faire le même honneur ; mais Duncan demanda à combattre comme volontaire à côté du chasseur. Après ces premières dispositions, le jeune Mohican désigna différents chefs pour occuper les postes les plus importants ; et comme le temps pressait, il donna le signal du départ. Aussitôt plus de deux cents guerriers se mirent en marche avec joie, mais en silence.

Ils entrèrent dans la forêt sans être inquiétés, et ils marchèrent quelque temps sans rencontrer aucun être vivant qui fît mine de leur résister, ou qui pût leur donner les renseignements dont ils avaient besoin. Une halte fut alors ordonnée, et, dans un endroit où des arbres plus touffus les dérobaient entièrement aux regards, les chefs furent assemblés pour tenir conseil entre eux à voix basse. On proposa plusieurs plans d’opération ; mais aucun ne répondait à l’impatience de leur chef. Si Uncas n’eût écouté que l’impulsion de son caractère, il aurait mené sa troupe à la charge sans délibérer, et il eût tout fait dépendre des hasards d’un combat ; mais c’eût été violer les usages de ses compatriotes et blesser toutes les opinions reçues : force lui fut donc d’entendre proposer des mesures de prudence que son caractère bouillant et impétueux lui faisait détester, et d’écouter des conseils qui lui semblaient pusillanimes lorsqu’il se représentait les dangers auxquels Cora était exposée, et l’insolence de Magua.

Après une conférence de quelques minutes qui n’avait encore produit aucun résultat, ils virent paraître un homme dans l’éloignement. Il était seul et venait de l’endroit où devait être l’ennemi. Il marchait d’un pas si rapide qu’on pouvait croire que c’était un messager chargé de faire quelques propositions de paix. Lorsque cet homme fut à deux ou trois cents pas du taillis derrière lequel se tenait le conseil des Delawares, il hésita, paraissant indécis sur le chemin qu’il devait prendre, et il finit par s’arrêter. Tous les yeux se tournèrent alors sur Uncas, comme pour lui demander ce qu’il fallait faire.

— Œil-de-Faucon, dit le jeune chef à voix basse, il ne faut pas qu’il revoie jamais les Hurons.

— Ton heure est venue, dit le chasseur laconique en abaissant la pointe de son fusil à travers le feuillage. Il semblait ajuster son coup lorsqu’au lieu de lâcher la détente on le vit poser tranquillement son arme à terre, et se livrer à ces éclats de rire qui lui étaient ordinaires.

— Foi de misérable pécheur, dit-il, je prenais ce pauvre diable pour un Mingo ! Mais lorsque mes yeux ont parcouru son corps pour choisir l’endroit le plus propre à recevoir la balle que je lui destinais, le croiriez-vous jamais, Uncas ? j’ai reconnu notre chanteur ! Ainsi ce n’est après tout que l’imbécile qu’on appelle La Gamme, dont la mort ne saurait servir à personne, et dont la vie peut nous être utile, s’il est possible d’en tirer autre chose que des chansons. Si l’harmonie de ma voix n’a pas perdu son pouvoir, je vais lui faire entendre des sons qui lui seront plus agréables que celui du tueur de daims.

En disant ces mots Œil-de-Faucon se glissa à travers les broussailles, jusqu’à ce qu’il fût à portée d’être entendu de David, et il chercha à répéter ce concert harmonieux grâce auquel il avait traversé si heureusement le camp des Hurons. La Gamme avait l’oreille trop fine et trop exercée pour ne pas reconnaître les sons qu’il avait déjà entendus précédemment, et pour ne pas distinguer d’où ils partaient. Et d’ailleurs il aurait été difficile pour tout autre qu’Œil-de-Faucon de produire un bruit semblable. Le pauvre diable parut aussitôt soulagé d’un grand poids, et se mettant à courir dans la direction de la voix, ce qui pour lui était aussi facile que l’est à un guerrier de se porter à l’endroit où retentit le bruit du canon, il découvrit bientôt le chanteur caché qui produisait des sons si harmonieux.

— Je voudrais savoir ce que les Hurons vont penser de cela, dit le chasseur en riant, tandis qu’il prenait son compagnon par le bras pour le conduire aux Delawares. Si les drôles sont à portée de nous entendre, ils diront qu’il y a deux fous au lieu d’un. Mais ici nous sommes en sûreté, ajouta-t-il en lui montrant Uncas et sa troupe. Maintenant racontez-nous toutes les trames des Mingos en bon anglais, et sans faire tous vos roucoulements.

David regarda autour de lui ; en voyant l’air sombre et sauvage des chefs qui l’entouraient, son premier mouvement fut l’effroi, mais bientôt, les reconnaissant, il se rassura assez pour pouvoir répondre.

— Les païens sont en campagne, et en bon ordre, dit David ; je crains bien qu’ils n’aient de mauvaises intentions. Il y a eu bien des cris, bien du tapage, enfin un tumulte diabolique dans leurs habitations depuis une heure ; tellement, en vérité, que je me suis enfui pour venir chercher la paix auprès des Delawares.

— Vos oreilles n’auraient guère gagné au change si vous aviez fait un peu plus de diligence, répondit le chasseur ; mais laissons cela, — où sont les Hurons ?

— Ils sont cachés dans la forêt entre ce lieu et leur village, et ils sont en si grand nombre que la prudence doit vous engager à retourner sur-le-champ sur vos pas.

Uncas jeta un regard noble et fier sur ses compagnons :

— Et Magua ? demanda-t-il.

— Il est avec eux. Il a amené la jeune fille qui a séjourné chez les Delawares, et la laissant dans les cavernes, il s’est mis comme le loup furieux à la tête de ses sauvages. Je ne sais ce qui a pu l’agiter à ce point.

— Vous dites qu’il l’a laissée dans la caverne ? s’écria Heyward ; par bonheur nous savons où elle est située. Ne pourrait-on pas trouver quelque moyen de la délivrer sur-le-champ ?

Uncas regarda fixement le chasseur avant de dire : — Qu’en pense Œil-de-Faucon ?

— Donnez-moi mes vingt hommes ; je prendrai sur la droite, le long de l’eau, et passant à côté des huttes des castors, j’irai joindre le Sagamore et le colonel. Vous entendrez bientôt le cri de guerre retentir de ce côté ; le vent vous l’apportera sans peine. Alors, Uncas, chassez-les devant vous ; lorsqu’ils seront à portée de nos fusils, je vous promets, foi de digne chasseur, de les faire plier comme un arc de bois de frêne. Après cela, nous entrerons dans le village, et nous irons droit à la caverne pour en tirer la jeune femme. Ce n’est pas un plan bien savant, major ; mais avec du courage et de la patience on peut l’exécuter.

— C’est un plan que j’aime, et beaucoup, s’écria Duncan, qui vit que la délivrance de Cora devait en être le résultat. Il faut le tenter à l’instant.

Après une courte conférence le projet fut approuvé ; il ne resta plus qu’à l’expliquer aux différents chefs, et aussitôt après, chacun alla prendre le poste qui lui avait été assigné.



  1. Un tronc nu et blazed. On dit, dans le langage du pays, d’un arbre qui a été partiellement ou entièrement dépouillé de son écorce, qu’il a été blazed. Ce terme est tout à fait anglais, car on dit, en Angleterre, d’un cheval qui a une marque blanche qu’il est blazed.