Le Dernier Jour d’un Condamné
Le Dernier Jour d’un condamné, Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; OllendorffRoman, tome I (p. 673).


XXVIII


Je l’ai cependant entrevue une fois.

Je passais sur la place de Grève, en voiture, un jour, vers onze heures du matin. Tout à coup la voiture s’arrêta.

Il y avait foule sur la place. Je mis la tête à la portière. Une populace encombrait la Grève et le quai, et des femmes, des hommes, des enfants étaient debout sur le parapet. Au-dessus des têtes, on voyait une espèce d’estrade en bois rouge que trois hommes échafaudaient.

Un condamné devait être exécuté le jour même, et l’on bâtissait la machine.

Je détournai la tête avant d’avoir vu. À côté de la voiture, il y avait une femme qui disait à un enfant :

— Tiens, regarde ! le couteau coule mal, ils vont graisser la rainure avec un bout de chandelle.

C’est probablement là qu’ils en sont aujourd’hui. Onze heures viennent de sonner. Ils graissent sans doute la rainure.

Ah ! cette fois, malheureux, je ne détournerai pas la tête.