Ô du barde chrétien aimable protectrice,
Viens enflammer mon cœur, sois mon inspiratrice !
Muse aux chastes transports, ô sœur des Chérubins,
De la sainte cité montre-moi les chemins ;
Douce amie, à ma voix descends de l’Empyrée,
Et viens joindre à ma lyre une corde sacrée !

Si je pouvais franchir sans coursiers, sans vaisseaux,
Les vallons, les forêts et l’abîme des eaux,
Humble Croyant, j’irais m’abattre sur la terre
Où le Christ accomplit un douloureux mystère ;
J’irais me rafraîchir aux ondes du Jourdain,
Et prier, vers le soir, au funèbre jardin
Où coulèrent les pleurs du Rédempteur du monde,

Dans une nuit funeste, en angoisses féconde ;
J’irais pieusement me jeter à genoux
Sur la roche où jadis il expira pour nous.
Si tu voulais choisir parmi ces joyeux anges
Qui dans les saints parvis célèbrent tes louanges,
Tu m’en enverrais un qui, sur l’aile du vent,
Pourrait guider bientôt mon vol vers le levant,
Toi qui ravis Élie au-dessus des nuages,
Et le fis déposer sur d’inconnus rivages ;
Comme lui, qu’à ta voix, Maître de l’univers,
L’un de tes chérubins m’enlève dans les airs.

À genoux prosterné j’allais parler encore,
Quand soudain l’horizon s’éclaircit vers l’aurore ;
Sur un léger nuage un ange resplendit,
Et dans un char brillant lentement descendit.
Les rayons ruisselaient de sa tête immortelle ;
je n’osais contempler l’albâtre de son aile ;
Légèrement il vint s’abattre près de moi ;
Je tremblais. Pour calmer aussitôt mon émoi :
« Que la crainte, dit-il, ne trouble point ton âme ;
» D’admirer l’orient un saint désir t’enflamme,
» Tu le verras. » Il dit ; sur le char, avec lui,
Il m’enlève, et nos champs à mes regards ont fui.

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