Despret frères (p. 33-34).

Mais du Très-Haut, pourtant, faiblit la patience ;
Enfin il s’est levé le jour de la vengeance,
Et bientôt tomberont ces hommes orgueilleux.
Le glaive du Seigneur est suspendu sur eux.
Entendez-vous mugir l’ouragan plein de rage ?
Dans les champs de l’Éther roule un sombre nuage
Ses flancs sont sillonnés par de brûlants éclairs,
Vastes serpents de feu s’agitant dans les airs.
Des autans en fureur la redoutable armée
S’élance du midi vers l’Europe alarmée.
En ce fatal instant, un archange divin,
Ministre du Très-Haut, est apparu soudain ;
D’une épée il brandit la lame flamboyante.
Éveillant les échos par sa voix effrayante :
« Arrête là, dit-il au nuage vengeur ! »
À peine il achevait, que la foudre en fureur
Gronde, éclate, bondit dans la vaste étendue,
Parcourt tout l’horizon et déchire la nue !
Sur la terre coupable, à flots précipités,
De longs torrents de feu tombent de tous côtés,
Et depuis l’humble épi, trésor de nos campagnes,
Jusqu’aux superbes tours, rivales des montagnes,
Rien ne peut échapper au céleste courroux.
Éperdus, hâletans, hommes, où courez-vous ?
Sur l’onde et sur les monts vous cherchez un asile :
Pourquoi tant vous hâter ? La fuite est inutile.
Il s’ouvre sous vos pas un précipice affreux.
Quel spectacle soudain vient s’offrir à mes yeux !
Dans une salle immense où le luxe étincelle,
D’un candélabre d’or la lumière ruisselle
Sur les mets délicats d’un splendide festin ;
Dans le cristal limpide on voit couler le vin ;
De ses flots épanchés une table est rougie ;
Au somptueux banquet s’est assise l’orgie ;

Des femmes, le sein nu, les yeux hagards, ardents,
Par leurs gestes impurs, pour captiver les sens,
D’une tremblante main qu’affaiblit la mollesse…
Ô Pudeur ! ô Pudeur ! ce spectacle vous blesse !…
Hâtons-nous de voiler ce tableau dégoûtant !!!
Sous les coups redoublés du tonnerre éclatant,
La salle du festin s’ébranlant dans sa base,
Sur ces voluptueux s’écroule et les écrase.
De ces infortunés entendez-vous les cris ?
Au sein de leur débauche, ah ! les voilà surpris !
Toujours ils ne songeaient qu’aux plaisirs de la terre ;
Leur crime, du Très-Haut irrita la colère ;
Ils pouvaient la fléchir par la voix du remords,
Ils ne l’ont point voulu : maintenant ils sont morts,
Ils sont morts au milieu de la débauche infâme,
Ils sont morts ! Cependant vit encore leur âme !
Ô vous qu’ont épargnés les divines fureurs,
Croyants qui déploriez leurs funestes erreurs,
Vous n’êtes point tombés dans le brûlant abîme
Que jadis sous leurs pas creusa la main du crime ;
Sur leur tombe venez, venez prier pour eux ;
Peut-être le Seigneur leur ouvrira les Cieux.


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