Le peuple veut briser le beau trône de France ;
Il croit en l’abattant voir finir sa souffrance ;
Ses tribuns l’ont séduit par l’espoir d’heureux jours ;
Il veut jeter la bure et vêtir le velours.
Ses cris ont éveillé les échos de la rue ;
Déjà de tous côtés avec rage il se rue ;
Dans les airs retentit le tocsin alarmé.
D’émeutiers tout-à-coup un bataillon armé
S’élance !… les voici !… C’est l’océan qui gronde ;
De leurs flots irrités le Carrousel s’inonde ;
Le Louvre a répété de longs gémissements.
Infortunés Bourbons, que je plains vos tourments !
Mais la reine a pâli ! ses filles éperdues
Tremblantes à son cou se tiennent suspendues ;
En ce moment d’alarme et de trouble, le roi

Tente, mais vainement, de calmer leur effroi.
Pour protéger son sceptre, il peut, des Tuileries,
Faire gronder la voix de ses artilleries ;
Dans Paris, à torrents, verser le sang humain ;
De morts et de blessés couvrir tout le chemin ;
Partout irait frapper la mitraille terrible :
Il ne l’a point voulu ; son cœur est grand, sensible ;
À la France qu’il aime il dit de longs adieux ;
Il ne peut comprimer les larmes dans ses yeux ;
Il fuit, vers Albion s’ouvre un chemin facile,
Et va lui demander un généreux asile.
Cependant, l’émeutier, à l’appel des tambours,
Unit ses bataillons à l’hydre des faubourgs ;
Ô douleur, qu’ai-je vu ? la fureur les entraîne !
De la porte du Louvre ils ont brisé le chêne,
Et, vainqueurs irrités, ils s’élancent d’un bond
Dans l’antique demeure où régnait un Bourbon,
Qu’une ingrate cité maintenant abandonne !
De la salle des rois ils enlèvent le trône ;
Des ornements dorés, des glaces, des joyaux,
Dans le feu dévorant ils jettent les lambeaux.

Il est en ce palais une sainte chapelle
Où de vingt lustres d’or la lumière ruisselle,
C’était là que la reine, en de plus heureux tems,
Au pied du saint autel faisait fumer l’encens ;
C’est là que bien souvent cette noble princesse
Que la mort a frappée en sa frêle jeunesse,
Avec elle venait, dans les jours de malheurs,
Offrir à l’Éternel l’hommage de ses pleurs ;
À genoux prosternée à côté de sa mère,
Elle priait le Ciel de défendre son père
Contre les coups mortels du poignard assassin,
Poignard qui tant de fois se leva sur son sein.
L’émeute, cependant, dans l’enceinte pieuse,
Poussant des cris affreux, s’élance furieuse,
Prend un Christ et l’emporte : à ce divin aspect,
Le peuple se prosterne avec un saint respect ;
Sa foi s’est réveillée, et sa haine sauvage

S’est éteinte, et soudain a cessé le carnage.


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