Le Cimetière du Père-Lachaise (Roch)

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Le Cimetière du Père-LachaiseLadvocat.

Un cri religieux, le cri de la nature
Vous dit : pleurez, priez sur cette sépulture ;
Vos parents réunis dorment dans ce séjour,
Monument vénérable et de deuil et d’amour…
Où l’âge qui n’est plus attend l’âge suivant,
Où chaque grain de poudre autrefois fut vivant.

Delille.


Vers la fin de l’été, je me trouvais en proie à un accès de cette mélancolie profonde, qui est comme l’instinct d’un ressentiment secret contre les hommes, le souvenir amer d’un passé vague, et une lassitude des choses du moment. Livré à cette disposition, l’on aime à sortir de l’enceinte des villes, à laisser derrière soi les formes trop positives de la vie sociale, à s’éloigner de ce qui est faux, artificiel, en désharmonie avec la nature, enfin à fuir ses semblables… – Et si, encore plein de cette humeur sombre, mais d’une tristesse déjà plus douce, vous gravissez une colline dont le sommet vous fasse dominer sur la grande cité populeuse, sur le vaste Paris, alors votre rêverie se laisse entraîner à cette direction philosophique qui mena Volney méditer sur les ruines ! Vous admirez la puissance du temps, de l’industrie, de la civilisation, dans cet amas surprenant de maisons, qui, sous leurs bases, dérobent à vos yeux des plaines, les rives d’un fleuve et de nombreux coteaux, de ces maisons que seize siècles ont apportées une à une, et jour par jour, l’une à côté de l’autre ! Vous lisez l’histoire sur le fronton des bâtiments royaux et sur la toge noirâtre des monuments ; vous interrogez la morale et les misères humaines, la religion et la politique, dans cette mêlée, qui semble avoir cessé tout à coup, de dômes et de tours gothiques, de temples et d’églises, de palais et d’hôpitaux. Tout nourrit vos méditations : et ce contraste de l’immobilité des édifices avec le mouvement de la fourmilière humaine qu’ils renferment, et ce bruit uniforme produit par tant de cris divers, bourdonnement d’une ruche immense que l’on écoute sans en voir les habitants ; et ce rideau brumeux jeté sur le centre de la ville et qui ne se lève jamais en entier… Oui, tout, jusqu’à cette fumée capricieuse, ici s’élançant en jets noirs et épais, là fuyant en ondes légères, dessinant sa mobilité sur l’azur, et s’envolant en vapeur diaphane… – J’allais donc m’acheminer vers Montmartre, le seul endroit où les étrangers et les Parisiens vont voir se dérouler à leurs pieds le tableau de la capitale, lorsque je me rappelai que, sur une colline de l’est, je pouvais contempler le même panorama, sous un aspect plus pittoresque. Je me dirigeai aussitôt vers le cimetière du Père-Lachaise.

En marchant rêveur, j’oubliais la distance qui s’abrégeait comme à mon insu ; il me restait encore à franchir une longue allée de boulevart : une jeune fille, une femme et un garçon accoururent au-devant de moi pour m’offrir des couronnes qu’ils portaient en grand nombre sur des bâtons ; il y en avait de toutes blanches, de toutes jaunes, de toutes vertes, d’autres mélangées, et elles étaient tressées d’immortelles. La vue de ces fleurs me rappela de riantes idées de l’antiquité ; combien on devait en vendre aussi dans les avenues des temples, là où il y avait tant de déesses à honorer. Cependant quelques couronnes toutes noires me firent souvenir de leur destination, je regardai la jeune fille qui me les offrait, puis la muraille du cimetière qui longe le boulevart, et un sourire d’ironie erra sur mes lèvres… Je ne tardai pas à remarquer combien se sont multipliées ces bouquetières, indice d’un autre accroissement sur lequel mes idées ne s’étaient pas encore portées.

Les environs du Père-Lachaise sont peuplés de ces marchandes de fleurs, de guinguettes et d’ateliers des monuments funéraires.

Mieux peut-être qu’aucune autre circonstance, le nombre des marbriers témoigne de l’augmentation effrayante dont je veux parler : une rue entière qui aboutit à la barrière d’Aulnay n’est bordée, des deux côtés, que de leurs magasins ; les pierres tumulaires, les grilles et les croix de tous les modèles et de tous les prix y sont étalées dans le même ordre et avec autant de coquetterie que les meubles d’acajou dans nos bazars ou dans les boutiques du faubourg Saint-Antoine ; des rangées d’urnes, petites, grandes et moyennes, garnissent les parois, et des tombes exécutées sur des proportions très-minimes forment, pour ainsi dire, des collections de miniatures, à l’instar des montres de bijouterie. Rien n’a été négligé pour donner de l’attrait aux annonces de sépulture et d’exhumation ; un moyen de séduction est cherché jusque dans les enseignes : ici l’on s’adresse au tombeau de La Fontaine ; là, au tombeau d’Héloïse et d’Abeilard ; plus loin, au tombeau du général Foy. Les entrepreneurs ont espéré que le fils qui marche les regards baissés à la suite du fatal corbillard, pourrait les détourner un seul instant et conserver un souvenir. Il a fallu même une mesure de police pour interdire à l’industrialisme la faculté de se mêler aux convois et de faire ses offres de service dans l’enclos du cimetière ; désormais il ne se tient plus qu’à la porte des mairies où il guette les déclarations de décès. Pour cette classe d’hommes, la vie n’est qu’une plante parasite de la mort.

Le nombre des décès trompe quelquefois les spéculations de ces marbriers ; je considérais leurs ateliers avec une sorte de curiosité ; j’entendis l’un d’eux se plaindre de ce qu’il appelait sa morte saison. « Heureusement », ajouta-t-il, « nous attendons la chute des feuilles, l’automne approche, et quelques grosses têtes vont nous arriver. »

L’entrée de cette avenue directe du Père-Lachaise porterait dans l’âme la première impression de tristesse naturelle à l’approche d’un tel séjour, si l’on n’y était préparé d’abord par le trajet de plusieurs rues désertes ; mais, auparavant, le cœur se serre à l’aspect d’une vaste prison toute neuve et non encore achevée, avec ses hautes murailles, ses nombreuses fenêtres à barreaux de fer, ses grosses tours et son redoutable aspect de Bastille. Une prison sur le chemin d’un cimetière ! quelle imprévoyance cruelle ! La partie morale des institutions de ce genre ne sera-t-elle donc jamais aperçue ? Une autre prison s’élève en même temps près de l’enceinte où se déploient les jeux et les fêtes du nouveau Tivoli. Quel contraste ! Et dans laquelle de ces deux maisons de captivité chercher la pensée du législateur ? Ici, est-ce dérision ? là, est-ce inhumanité ? Non, mais irréflexion et insouciance partout.

Les portes des deux villes, c’est-à-dire du Paris mort et du Paris vivant, se regardent de près ; les gardiens de l’une et de l’autre peuvent très-bien s’entendre, se répondre et fraterniser. La largeur de la chaussée et des contre-allées du boulevart sépare seulement la barrière d’Aulnay de l’entrée du cimetière.

Devant la façade de cette entrée qui s’enfonce en demi-lune, grandiose comme serait une entrée du parc de Versailles, des fiacres, des demi-fortunes, de brillants équipages s’arrêtaient ; il en arrive à chaque instant. Ainsi chacun vient là un jour pour ne plus s’en retourner, il importe peu dans quelle voiture ; l’égalité commence de l’autre côté du seuil. Personne n’entrait qu’à pied. Les visiteurs opulents me parurent regarder avec moins de morgue les piétons plus modestes : c’est que, dans ce lieu, le sentiment de la plus cruelle réalité impressionne l’âme et émousse sa fierté. Sans doute, au jour fatal, il existera encore une différence dans les vêtements ; le hêtre et le sapin succéderont à la toile et à la bure, une double enveloppe de cèdre et de plomb remplacera la laine soyeuse et le cachemire ; mais qui habillera-t-on ainsi d’un bois vil ou précieux ?… Les vers de la tombe pour qui l’on édifie de tous côtés, dans cette enceinte, le marbre et le bronze, et les vrais habitants de ces palais mortuaires.

Je remarquai que chacun éprouvait, comme moi, ce sentiment subit qui fait qu’on parle à voix basse et d’un ton grave, que l’accent devient mystérieux et réservé en entrant dans cet enclos si vaste, comme si l’on pénétrait dans la chambre d’un malade dont on craindrait de troubler le sommeil ; on obéit à une sorte de terreur et de retour sur soi-même ; il semble que, sous terre, des oreilles soient attentives pour vous écouter. Ah ! parmi tant de paroles qui sortent des bouches humaines, combien peu en laisserait-on échapper, si l’on était certain qu’elles fussent recueillies par un témoin invisible ! L’homme parle trop d’un Dieu, et ne croit pas assez à sa présence ; il le nomme partout et ne s’en souvient nulle part.

Je tenais à la main plusieurs couronnes ; à quelle tombe destinais-je cet hommage ? Huit ans se sont écoulés depuis le jour où j’assistai au mariage d’un de mes amis, hymen funèbre, dernière consolation d’une mourante !… Il est une maladie, la plus cruelle de toutes, car elle sévit avec le plus d’ardeur contre la jeunesse, et dévore les organes de la respiration. Le médecin, en la reconnaissant, se détourne avec tristesse, sans ressource contre ses ravages. Eh bien, le germe destructif, à son dernier degré de développement était dans le sein de la mariée. Le jeune homme, objet de son amour, et qui l’aimait d’un amour égal, n’avait pu être assez égoïste pour se refuser à ce vain simulacre d’union ; combien il dut souffrir ! L’épouse ne permit point qu’on omît, qu’on abrégeât aucune des cérémonies, dussent-elles, dans une église très-froide, précipiter les progrès du mal… Je l’ai dit, c’était la dernière consolation d’une mourante. Nous la conduisîmes à la maison de son mari ; je pris sous le bras cette jeune malade, je lui aidai à monter l’escalier, elle le faisait péniblement ; hélas ! quelle pensée me préoccupait ! la pensée que l’infortunée ne le descendrait jamais vivante. Lorsqu’elle entra dans l’appartement nuptial, un rayon de bonheur s’épanouit sur ses joues pâles, et y fit briller comme un espoir de guérison ; mais, l’instant d’après, plus de trace de cette lueur ! Elle se coucha, fit suspendre son bouquet, et étaler à ses pieds ses habits de noces ; pendant vingt jours, elle les regarda en souriant ; le vingt-unième, elle cessa de les voir… Je l’avais accompagnée à l’autel, je dus la conduire au champ du repos. On l’inhuma sur l’éminence en face de l’ancienne grande porte. Il m’en souvient, au moment de sortir, une larme coulait encore de mes yeux ; je me retournai, je vis distinctement l’endroit où reposait l’épouse vierge, et je lui adressai un dernier salut.

Depuis cette époque, j’ai été assez heureux pour n’avoir à accompagner dans ce séjour personne qui me fût cher ; toujours, dans le chemin de la vie, j’ai marché sans réfléchir à tout ce que la faux de la mort moissonnait sur sa route. Si le souvenir du Père-Lachaise se présentait fortuitement à mon esprit, je le voyais tel que je l’avais vu alors, avec des tombeaux déjà nombreux, mais dispersés, et entre eux des vides et des places désertes.

Aussi adressai-je, en entrant, mes regards du côté où je devais déposer mes couronnes. Combien j’étais simple ! et quel fut mon étonnement, je dirai presque mon effroi ! Je me représente ce que dut être, il y a quinze ans, la surprise de l’émigré qui en avait passé trente loin de sa patrie, lorsqu’il chercha dans Paris ces jardins spacieux, ces terrains vagues, ces marais verdoyants qu’il avait laissés à son départ, et où des masses d’édifices, des quartiers somptueux s’étaient élevés avec l’éclat et le bruyant étalage de la civilisation moderne. Mon étonnement ne fut pas moindre à l’aspect de cette forêt d’ifs et de monuments funèbres pressés, étagés, entassés dans le cimetière du Père-Lachaise, en si peu d’années. Que d’arbres et d’arbustes ! que de bronze, de marbre, de granit, de pierres de tout genre ! que de grilles de toutes dimensions, de fûts, de colonnes, de pyramides, de statues, de mausolées et de formes sépulcrales ! que d’inscriptions, de noms propres, de titres et d’armoiries ! que de croix, de larmes simulées et d’attributs ! que d’hommes, de femmes et d’enfants, tous inanimés, tous ayant vécu ! Que la mort est féconde ! qu’elle est puissante ! qu’elle frappe vite et que ses coups sont fréquents ! Que de conquêtes, que de richesses, quel empire ! « Non, m’écriai-je, ce n’est plus le simple champ du repos, c’est la magnifique cité d’une population de cadavres. »

Mais quoi ! les vivants y usurpent la place des morts et leur disputent leur dernier asile ! Pieux voyageurs, je vous contemple agenouillés devant ces sépulcres où sont façonnés les attributs symboliques du trépas, où votre crédulité veut honorer des restes mortels, où un nom est écrit au-dessus de la porte. Levez-vous, regardez, c’est un mausolée vide ; le propriétaire de ce monument, encore dans la fleur de l’âge, nage au milieu des délices. Ne savez-vous pas qu’il appartient au riche de la capitale d’avoir son hôtel à Paris, sa maison de campagne à Saint-Cloud, une loge au Théâtre-Italien, et une tombe au Père-Lachaise ? ce sont des arrhes pour une habitation qu’il occupera quand le terme sera venu. D’avance, il choisit l’exposition qu’il préfère aux rayons d’un soleil qui ne réchauffera point sa cendre, une éminence ou un bas-fond, un voisinage selon ses goûts, la solitude ou le grand monde et le quartier le plus brillant, car le Père-Lachaise a son aristocratie tumulaire et ses faubourgs. Toutefois, n’enviez point le riche que je viens de citer ; lorsqu’il bâtissait avec tant de luxe, il était loin de prévoir qu’une révolution, en 1830, courberait sa tête avec tant d’autres. Depuis, j’ai visité son hôtel, ce n’était plus sa livrée dans la cour ; sa maison de campagne, ce n’étaient plus ses enfants dans le parc ; sa loge, ce n’était plus son épouse sur le premier banc ; partout un nouveau maître : sa tombe, voilà ce qui lui reste, elle ne saurait lui manquer.

Les grands noms de l’ancien régime ne s’inscrivent plus sur la façade des hôtels, comme les noms des Larochefoucault, des Crillon, des Talleyrand, des Choiseul, des Gontaut-Biron, que l’on voit encore. Cet usage, la mode l’a transporté au Père-Lachaise pour toutes les classes où règne l’aisance ; partout ce sont des sépultures de famille ; elles viennent y étaler, d’avance, les unes leur obscurité, les autres leur orgueil, toutes leur néant. Il est, toutefois, de ces fondations que les plus tendres affections ont consacrées. Là, on se donne rendez-vous après le trépas ; il est doux de savoir que l’on s’y retrouvera. La philosophie avoue également ces idées d’anticipation sur la mort ; sans doute c’est une résolution qui peut ne pas être sans influence sur la moralité de la vie, que celle d’aller volontairement marquer le but où une nécessité inexorable doit vous conduire, méditer sur soi-même et essayer son cercueil.

Seul vers le soir d’un jour de mélancolie, on va ainsi désigner sa place ; seul, dis-je, en un jour triste, ou, suivant l’impulsion du caractère français, en partie avec ses amis, et dans un jour de gaîté ; on les consulte sur le lieu, les dimensions et le plan de l’édifice ; puis il devient, lorsqu’il est achevé, une sorte d’acquisition nouvelle dont le propriétaire se plaît à faire les honneurs ; on en cause dans la joie des festins, où n’apparaissent, au lieu du crâne repoussant de l’ancienne Égypte, que des images de marbre poli, de gazon et de fleurs. Cette fréquentation familière du champ de repos semble adoucir le passage de la vie à la mort, et les rattacher l’une à l’autre par mille liens nouveaux ; elle rend la perte d’un objet chéri moins amère, son absence moins absolue et moins complète ; on se fait illusion plus aisément sur son sommeil prolongé, lorsqu’on est souvent près de son dernier lit de repos.

Ainsi s’agrandit chaque jour cette nouvelle ville, entrepôt de cendres et d’ossements. Bientôt il faudra numéroter les tombeaux, désigner les carrefours, et nommer les rues. Là, peut-être, comme dans nos cités vivantes, on négligera le génie et la renommée pour l’opulence et le luxe.

Mais que tarde-t-on ? Il y a vingt-cinq ans à peine que l’on a dit à la mort : « Constatons tes progrès, élève ta cité, comme nous la nôtre, et comparons. » Eh bien, la ville neuve à côté des trente mille maisons de la vieille Lutèce, étale déjà ses trente-un mille monuments[1] !

Déjà une police complète y est nécessaire. On y voit régner toute l’activité de l’industrie ; les grandes avenues y sont sans cesse traversées par des architectes, des charpentiers, des serruriers, des maçons, et une foule d’autres ouvriers : c’est bien une ville en construction. L’idéal s’évanouit devant le spectacle des chèvres, des roues, et des échafaudages ; car les tombeaux, humbles et resserrés dans l’origine, deviennent spacieux à leur base, croissent en hauteur, et ne s’arrêteront point sans doute au degré où ils sont parvenus. On avait bâti une multitude de petites pyramides avant d’employer tant d’années, de bras et de pierres à construire le monument gigantesque de Chéops.

Çà et là les aiguilles des pyramides qui sont au Père-Lachaise s’élancent au-dessus des autres tombeaux. Peu s’en est fallu qu’un obélisque en marbre de Carrare n’attestât, par une élévation de quarante pieds, l’opulente vanité d’un tapissier du roi. Une inscription aurait indiqué que M. Boulard lui-même avait fait le voyage de Gênes pour choisir le marbre le plus pur. Des fouilles en terre de quarante pieds de profondeur avaient eu lieu, et 400,000 fr., suivant le vœu du défunt, allaient être consacrés à ce monument, lorsque ses héritiers jugèrent que sa dépouille mortelle ne pouvait reposer nulle part plus dignement que dans la chapelle de l’hôpital de Saint-Mandé, élevé avec un million qu’il avait légué pour cette œuvre philantropique.

La place destinée à ce phare de l’opulence industrielle n’est pas restée vide, sur le devant, et à l’extrémité de la grande avenue du nord, une pyramide monumentale s’élève aujourd’hui pour une riche famille portugaise du nom de Dios Santos ; on arrive à sa base par deux escaliers latéraux de quinze ou vingt marches, et un troisième, placé au centre, conduit au caveau qu’elle surmonte, et dont la moitié seulement apparaît au-dessus du sol. Comparés à des constructions si dispendieuses, combien semblent déjà gothiques ces simples caveaux fermés d’une porte de bronze, et fastueux naguère à côté des premiers sarcophages ! Aujourd’hui l’on bâtit des chapelles, et la plupart des monuments adossés aux coteaux n’ont pas moins de deux étages, un rez-de-chaussée sur la route d’en-bas, et un autre supérieur pour celle d’en-haut. Aussi un enfant, trompé sans doute par les dimensions de ces édifices, demandait-il avec autant de justesse que de naïveté, en s’arrêtant près de chacun d’eux : « Qui demeurait là ? »

Tels sont les progrès de l’ostentation dans les tombes, que déjà elle suffit à la prospérité d’une entreprise spéciale des sépultures.

Par les soins de cette entreprise, le tombeau même de l’époux n’est plus délaissé ; l’on a observé que c’est celui qui atteste le plus d’abandon ; cette observation semble fondée. Un homme peut appartenir à une première femme par le culte du souvenir, et à une seconde par une douce communauté d’existence ; une femme ne paraît point née pour un tel partage. Lorsqu’elle se remarie, et il en est peu qui ne se dévouent à de secondes noces, l’anneau du premier hymen qu’elle répudie en emporte les dernières traces ; c’est l’anneau de Didon auquel s’attachait la mémoire de Sichée. Mais que l’on demande quelles tombes révèlent le mieux un amour qui survit à la séparation et le sentiment d’une âme toujours unie à l’objet qu’elle a perdu ; ne sont-ce pas celles où dorment des enfants ? on reconnaît vite où a passé le deuil d’une mère ! Deuil à jamais ineffaçable ! C’est par lui surtout que la voix du marbre sait nous attendrir. Qui n’a point lu les inscriptions de la douleur maternelle ne devine pas tout ce que le cœur peut renfermer d’éloquent et de sublime en quelques mots.

J’observais les mouvements d’une jeune femme parmi ces massifs où se réfugie le recueillement que la distraction exile des allées principales. Cette femme aussi était veuve d’un jeune enfant ; avec quels soins je la voyais remplacer par des fleurs nouvelles les fleurs sitôt fanées, appuyer d’un pied léger sur la bêche qu’elle craignait d’enfoncer trop avant, répandre l’eau d’un petit arrosoir placé derrière un if, et sourire aux premières pointes de verdures, que dis-je ! sourire au visage de son fils, toujours riant pour elle ! Trois pieds de terre ne semblent point lui en dérober l’aspect : elle n’est plus auprès de sa tombe, mais auprès de son berceau, il dort… tendre mère ! elle lui sourit, mais elle craint de l’éveiller. Étrangère à tout ce qui n’était pas cette douce préoccupation, elle n’en fut point distraite par l’empressement manifesté autour d’elle et occasionné par l’arrivée d’un riche convoi.

Tout le monde accourait à cette rencontre ; chacun, pour éviter une multitude de détours, escaladait les tertres, souillait d’un pied fangeux les pierres tumulaires, et faisait fléchir les grilles noires, faibles remparts des demeures sépulcrales. Les personnes mêmes qui, un moment plus tôt, avaient paré avec un soin religieux le dernier asile d’un parent ou d’un ami, imprimaient leurs pas sur la terre fraîchement amoncelée, que la piété filiale n’avait pas encore eu le courage d’enceindre d’une clôture, ou faisaient tomber, en passant, quelques couronnes de fleurs blanches, la plus légère des offrandes. Tant il est vrai que le cyprès même de la tombe n’est sacré que pour celui qui l’a planté ! Cette profanation irréfléchie se renouvelle toutes les fois qu’une pompe solennelle accompagne un cercueil.

Au reste, il suffit de parcourir, au sein de ce séjour, le temps compris entre un lever du soleil et son coucher, pour connaître les extrêmes si opposés que renferme la capitale. De même que dans les forêts, au déclin de l’automne, il tombe à chaque instant des feuilles de tous les arbres, de même on enlève à Paris, chaque jour, des dépouilles mortelles de toutes les classes. Cette population d’un million d’âmes rejette continuellement hors de son sein quantité de ses propres débris ; elle-même, en masse, ne cesse de s’avancer vers les trois enceintes privilégiées pour l’engloutir ; au midi, vers le Mont-Parnasse ; au nord, vers l’ancienne colline de Mars ; et à l’est, vers les coteaux de Ménil-Montant ; le temps n’imprime pas à son vaste balancier un seul mouvement qui ne la pousse tout entière vers ces trois directions… Eh ! c’est sur les chemins qui conduisent à un tel but que retentissent, du matin au soir, les cris de l’allégresse populaire, le bruit d’une musique toujours animée, les chants et le fracas des noces de faubourg ! Le corbillard et le carrosse de mariage sortent par les mêmes barrières, se rencontrent fréquemment, et quelquefois même les deux cortéges sont obligés de se mêler : rapprochement singulier des phases de l’existence !

Ces contrastes m’occupaient encore, et déjà je me trouvais au milieu de cette brillante division du cimetière où sont venues se grouper les grandes notabilité de l’empire, et que l’on pourrait appeler le quartier des Maréchaux. Tout à coup le roulement d’un tambour funèbre parvint jusqu’à moi ; une décharge de mousqueterie se prolongea en échos répétés ; je crus voir soudain les ombres illustres dont j’étais entouré tressaillir et s’élancer au-devant d’un frère d’armes en lui demandant le nom de son dernier champ de bataille ; je m’avançai comme pour les suivre, et j’aperçus presque aussitôt le peloton de garde nationale qui venait de rendre les derniers honneurs militaires au cercueil d’un sergent de sa compagnie. Jamais les détonations d’armes à feu ne furent si fréquentes au cimetière de l’Est ; il n’est pas de jour que l’on n’enterre avec le même fracas quelque paisible citoyen.

Deux autres corbillards avaient franchi le seuil en même temps, et plusieurs suivirent à de courts intervalles.

Quoique à toutes les heures du jour les portes du cimetière du Père-Lachaise soient ouvertes, c’est le matin surtout que les convois se succèdent. Dans la nuit, à une heure constamment fatale, qui commence lorsque les étoiles ont franchi leur zénith, et déclinent vers l’occident, la mort a fait sa ronde, et planté çà et là ses drapeaux noirs sur diverses habitations ; puis, dès que Paris est sorti du sommeil, et que de lourds chariots ont parcouru les rues pour les purger des immondices entassés sur la voie publique, des chars de deuil s’avancent par les mêmes routes pour débarrasser aussi les douze quartiers des corps exposés sur le seuil des maisons. La plus grande partie s’acheminent vers le cimetière de l’Est.

A chaque instant on voit le cocher funèbre en franchissant le seuil ; jamais ému, d’une physionomie parfaitement uniforme, soit qu’il entre ou qu’il sorte, il tient machinalement les rênes ; et sa figure, qui ne porte que l’empreinte de l’habitude, est tellement insignifiante qu’il n’a pas même l’air ennuyé ; on en pourrait dire presque autant de l’attelage. Des hôtes nombreux qu’il amène, l’un est suivi d’un long cortége dont la bienséance lui procure une dernière fois les hommages imposteurs, et sur un char parsemé de larmes d’argent, les seules que l’on voie bien souvent à ces riches convois, va prendre place, à droite, dans la Chaussée-d’Antin du Père-Lachaise. L’autre suit, à gauche, un chemin plus solitaire ; ce dernier arrivant est venu seul, les vivants l’ont quitté aussitôt que la vie… Vainement je cherche derrière le corbillard son unique ami ; le concierge a empêché le chien de franchir le seuil, et l’a contraint de s’éloigner ; le fidèle animal témoigne sa douleur par ses hurlements, se retourne, s’arrête, revient, rôde autour des murs, erre dans la campagne, et, comme un être qui n’a plus d’ami, plus d’asyle sur la terre, ne sait où se diriger, ni sur qui reporter son attachement.

Cependant, son maître transporté dans une excavation où l’on descend par un grand nombre de degrés, prend bientôt place à côté de celui qui l’a précédé ; là, sans distinction des sexes ni des âges, les corps sont mis par rangées, à peine séparés les uns des autres par un pied de distance. Cette fosse commune que la mort ne peut combler qu’à l’aide d’un temps assez long, est toujours béante ; on ne la regarde pas sans effroi. Agenouillée près du bord, une jeune fille vêtue de laine noire, la tête sur son sein, et les mains jointes, prie avec ferveur ; la pauvre enfant a doublé ses veilles et en a épuisé le produit, avant de recourir pour sa mère à l’asyle de la Charité ; elle prie, et d’un air consterné, se demande vers quel endroit elle peut adresser des regards confiants. Après elle, car je la contemplai jusqu’au moment où elle s’éloigna, je vis venir un homme d’une contenance assurée, mais le visage vivement ému, c’était un militaire ; long-temps prisonnier loin de sa patrie, son absence avait contraint sa jeune épouse d’aller mourir sous le toit de la pitié ; le malheureux regarde comme s’il la cherchait, comme s’il pouvait la voir… Il a des larmes à répandre, et ne sait quelle place en arroser ! L’objet de sa tendresse est enfoui dans ce pêle-mêle de cadavres : nul sanglot ne s’est fait entendre lorsque la pelle du terrassier l’a rendue invisible, et nulle voix n’a béni sa dépouille… Il n’y a point de prêtre à l’enterrement des pauvres.

Je demandai au vieux soldat si notre dernière révolution était signalée au Père-Lachaise par quelques monuments ; il me conduisit du côté de l’ancienne porte d’entrée, et me montra de loin les trois couleurs ondoyantes. J’approchai, le front découvert : un simple treillage d’osier, deux rectangles parallèles avec une bordure de buis, un seul drapeau et deux croix de bois ; sur l’une, ces mots : A la mémoire de Pierre Robin, âgé de 67 ans, une des victimes du 28 juillet 1830. De profundis ; sur l’autre : Ici repose une Victime inconnue du 28 juillet 1830. De profundis. Combien ces mots me touchèrent ! Victime inconnue, et elle dort dans un enclos fraternel ! les mêmes soins honorent les deux tombes ! Oh ! sans doute, on les trouva morts loin de tous les autres, au détour de quelque rue ; peut-être ne s’étaient-ils jamais vus auparavant ; peut-être avaient-ils partagé ce qu’on se prêtait dans ces cruelles journées, de la poudre et des balles ; le combat les rendit frères ; ils tirèrent peut-être long-temps avant d’être aperçus, et peut-être au même instant le plomb royal les renversa tous deux ! Honneur aux parents de l’un qui voulurent devenir ceux de l’autre ; ce fut une pensée vertueuse et une œuvre patriotique que de ne pas les séparer. Et quelle était cette victime inconnue ? peut-être un père que ses enfants attendirent en vain, un fils que son père chercha sans le trouver ; combien il y en eut ainsi que leur famille ne devait point revoir !…

Mais, paix aux amis et aux ennemis dans cet asyle où ils reposent également, où l’illustre Ney et déjà plus de cent trente des juges qui le condamnèrent, dormiraient du même sommeil si la famille de ce guerrier n’avait mis ses restes à l’abri des révolutions dans ses propres domaines ; où les peuples les plus long-temps divisés de l’Europe ont des représentants ; où des fils errants de toutes les nations ont trouvé une tombe hospitalière. Au milieu du groupe de nos grands capitaines et de nos grands orateurs, je ne peux lire sans une vive émotion, sur le marbre d’un patriote grec, une inscription écrite dans la langue d’Homère et avec ces mêmes caractères dont fut tracée, il y a deux mille deux cents ans, la plus sublime des épitaphes : « Passant, va dire à Sparte que nous reposons ici pour avoir obéi à ses saintes lois. » N’avez-vous point vu, comme moi, l’étranger reconnaître le nom d’un compatriote, s’arrêter pensif, et s’émouvoir à l’idée du voyageur surpris par un trépas inattendu, gisant loin du dernier séjour qu’il s’était peut-être préparé d’avance sur sa terre natale ?

Ah ! celui là seul qui sommeille en ce lieu sur un sol étranger n’a point de part aux larmes, aux sanglots, aux milliers d’offrandes du lendemain de la Toussaint ; c’est la fête des morts, c’est une fête publique. C’est dans ce jour qu’il faut voir aborder au Père-Lachaise une population de tous les âges et de tous les sexes ; ici, une famille presque complète ; là, un orphelin tout seul ; ailleurs, un frère et une sœur déjà sérieux avant l’époque de la raison, orphelins aussi et frêles appuis l’un de l’autre dans un monde si rempli d’écueils. Il semble que, pendant toute l’année, la douleur s’amasse pour ce jour solennel ; alors il n’est pas un coin retiré du cimetière qui ne devienne l’écho d’un gémissement ; pas un endroit du sol où chaque personne agenouillée ne presse un être muet qui était venu avant elle rendre hommage à une poussière humaine dont la sienne a pris la place. La douleur et l’attendrissement planent sur ce grand espace, et montrent combien, en général, la nature a doué l’homme de bonté. A voir un tableau si mouvant, une multitude si pressée dans un tel lieu, on croirait que le juge suprême a dit la parole de Massillon ; « Morts, levez-vous ; » que les tombes se sont ouvertes pour rendre leurs dépôts à la lumière et à la vie.

Cet immense concours ne se renouvellerait pas de l’année, si la terre n’avait point à recevoir, à de longs intervalles, le dépôt sacré de ces hommes qui ont toute une nation pour famille, et, à leur départ de la vie, une population entière pour cortége : ainsi vinrent accompagnés Foy, Manuel, et Benjamin-Constant.

Au milieu de cette splendeur du trépas, c’est vers ces trois tombeaux que se précipite d’abord la jeunesse ; dans Foy, Manuel et Benjamin Constant furent personnifiées l’éloquence de l’âme, l’éloquence de la raison, l’éloquence de l’esprit. Debout sur son vaste piédestal, le premier de ces orateurs semble attendre que tout se réveille autour de lui pour céder de nouveau à sa puissante inspiration. Ce sera, certes, un fait transmis à la postérité que celui de l’élan unanime de la France se chargeant du douaire de sa veuve et de la dot de ses fils. La nation acquitta cette dette par l’offrande de plus d’un million, mais elle n’étendit point sur le catafalque du soldat républicain le dernier manteau de la pairie héréditaire.

Comment le million de la reconnaissance a-t-il pu se souvenir en obole pour Manuel… ? l’obole aurait manqué si le pauvre chansonnier n’eût fait la quête ; cependant


Bras, tête et cœur, tout était peuple en lui !


De simples pierres recouvrent ses restes et ceux de Benjamin Constant jusqu’au jour du Panthéon.

Sans l’éclat de ces trois renommées, notre époque ne laisserait point de vives traces au Père-Lachaise ; on s’y croirait encore dans le domaine de l’Empire, tant le faisceau de gloire formé par la réunion des grands dignitaires de la couronne impériale sur une même éminence éclipse toute autre splendeur ; tant la magnificence de leurs mausolées atteste la vérité de ce mot de Napoléon confirmé par le peuple et l’armée : « J’ai trop enrichi mes maréchaux. »

A gauche, sur le bord de la grande avenue montante qui entoure la partie de l’est du cimetière, on rencontre, assez loin du groupe principal, adossés à la terre et déjà dégradés, les tombeaux en marbre noir du maréchal Kellermann et de son épouse ; Kellermann ! voilà le nom qui rappelle Valmy, son cœur y repose ; Valmy rappelle Jemmapes. Ce furent deux victoires presque jumelles, des victoires du soldat-peuple, des républicains pieds-nus ! Qui aurait pensé qu’elles dussent devenir un jour les cariatides d’un nouveau trône ?

En continuant de monter, l’on admire bientôt la sépulture de la famille du prince d’Ekmuhl, puis celle de la famille du duc de Tarente et le mausolée de cet intrépide duc Decrès qui eut un singulier et déplorable destin ; ce fut de survive à l’explosion de son vaisseau, le Guillaume Tell, avec lequel il avait sauté, et de mourir victime d’une mine placée dans son lit même, où un misérable qui le volait avait caché plusieurs livres de poudre, auxquelles il mit le feu ! Plus loin, la place où fut la pierre qui porta cette inscription :


« Ci gît le Maréchal Ney, duc d’Elchingen, prince de la Moscowa, DÉCÉDÉ !… le 7 décembre 1815. »


Presque à égale distance du doyen des maréchaux, du brave Serrurier, s’élèvent, majestueuses, les deux pyramides de marbre blanc qui recouvrent ses compagnons Suchet et Masséna. Peu de monuments sont aussi somptueux : la première, enrichie des plus belles sculptures et dont le principal ornement est le nom du duc d’Albuféra, avec des noms de batailles livrées dans toutes les contrées de l’Europe ; l’autre, sur laquelle sont gravés ces titres éloquents : Rivoli, Zurich, Gênes, Essling !

Près de l’Enfant chéri de la Victoire, on cherche le maréchal Lefebvre ; lui-même avait choisi sa place dans une visite au Père-Lachaise : « Souvenez-vous, avait-il dit, que si je meurs à Paris je veux être enterré là, près de Masséna. Nous vécûmes ensemble dans les camps, dans les combats ; nos cendres doivent obtenir le même asyle… » Le catafalque est magnifique, deux Victoires ailées soutiennent une couronne sur sa tête, d’une parfaite ressemblance ; un serpent, gage d’immortalité, s’enroule autour de son glaive ; sur le fronton, le nom de Lefebvre sans épithètes, et derrière, des trophées avec ces mots :

soldat fleurus, avant-garde.
maréchal, passage du rhin.
duc de dantzig, altenkirchen.
pair de france, dantzig.
montmirail.


Tel est le gage éclatant de la douleur d’une épouse qui crut pouvoir se passer désormais du plus brillant accessoire de la parure d’une femme, et y consacra le produit de ses diamants. Le monde s’est souvent occupé de saillies peu conformes à son langage, il sera bien de parler aussi dans le monde de ce dernier trait non moins étranger à ses habitudes.

Mais la foule s’arrête devant une tombe imposante en forme de chapelle, la cendre de Cambacérès y est renfermée ; il y a dans ce nom, la mémoire de deux grandes époques ; les titres à la reconnaissance de ses concitoyens ne lui manquent pas, mais le plus beau, sans doute, c’est que le Code Napoléon n’aurait pas été appelé à tort le Code Cambacérès. Près de ce mort illustre, j’en cherchais un autre qui en est éloigné, je rétrogradai, je franchis les deux routes circulaires, dont l’une règne au-dessus de l’autre, et un peu plus bas, dans un terrain où il domine seul, je me trouvai en face d’un superbe mausolée ; il n’est ni de marbre, ni de granit, ni de porphyre ; on l’a fait d’une pierre grisâtre, convenable à l’aspect d’un monument funéraire ; la carrière d’où elle fut tirée, je l’ignore, mais l’orgueil national de M. de Chabrol de Volvic pour les minéraux de France est connu, et ce monument sera la sépulture de sa famille. Au-dessus d’un caveau spacieux, dont l’ouverture n’est que le cintre d’un arceau, pose à dix pieds de terre un sarcophage orné de figures en bas-relief, et recouvert d’un ciel soutenu par des colonnes. Dans ce sarcophage est recueillie la dépouille mortelle du beau-père de l’ancien préfet de Paris, de Lebrun l’architrésorier. Cambacérès et Lebrun ! l’illusion du rapprochement de ces deux noms fit que j’en cherchais un autre encore ; voilà, me disais-je, le second et le troisième consuls de la République Française : le premier consul, où repose-t-il !!… L’univers le sait.

Quelles pages d’histoire mêlées dans ce cimetière ! là, depuis vingt-cinq ans, nos révolutions viennent s’éteindre et rendent ce terrain brûlant ; nulle part je ne saurais remuer des cendres bien refroidies. Déjà quinze mois se sont écoulés depuis l’embarquement de Cherbourg, et je lis dans une inscription latine, gravée par les soins du corps municipal de Paris :


« Au citoyen, ayant mérité de la patrie, parce que le premier il fit naître parmi ses concitoyens le desir de rétablir la monarchie légitime. »


C’est presque au fond de l’une des deux avenues qui traversent dans sa largeur le Père-Lachaise, bien loin de l’endroit où repose le maréchal Ney, qu’il faut chercher la tombe de M. Bellart où ces lignes sont écrites.

Pourquoi de l’autre côté de l’allée, sur la haute pierre monumentale du comte Desèze, le détail de ses emplois ? Pour moi, je n’y laisserais que son nom et les tours du Temple qu’on y a sculptées. Rien de superflu, rien d’aride, surtout lorsqu’un mot, un rapprochement, une forme quelconque, expriment l’idée d’où le sentiment doit naître. J’aime ces deux mains de bronze qui se joignent entre deux tombeaux, et dont l’une appartient à une femme, puisqu’un bracelet, gracieux emblème de parure, entoure l’un des poignets. J’aime encore ces trois colonnes jointes par leur base et leur sommet, au centre de la demeure où le bon, le patriote Alexandre de Lameth attend ses frères.

C’est ainsi que dans les jours d’affluence, on s’approche en groupes nombreux des tombes remarquables, que l’on se redit l’histoire des hommes célèbres que tous les chemins de la gloire, quelque divers qu’ils soient, ont conduits au même but.

J’ai parcouru la partie la plus opulente du Père-Lachaise, celle, ai-je dit, que l’on pourrait nommer le quartier des maréchaux ; mais ne m’arrêtai-je pas avec des sensations plus délicieuses au milieu de ces bosquets, dont le tombeau de Delille est devenu le centre, et que je me plairais à consacrer par la désignation de corbeille des arts. Le hasard seul n’a point groupé en cet endroit les tombes de Delille, Grétry, Bernardin de Saint-Pierre, Charles, madame Dufresnoy, madame Dugazon, mademoiselle Raucourt, Fourcroy, Haüy, Thouin, Breguet, Parny, Joseph Chénier, Bellangé, Brongniart (l’architecte même du Père-Lachaise), Mercier, Ginguené, Gaveaux, Talma, Géricault, madame Blanchard, Berwick, Méhul, Persuis, Nicolo, et une foule d’autres. Certes le choix et la sympathie ont présidé à cet assemblage de noms, dont aucun ne passe devant l’esprit, sans toucher une fibre du cœur, ou sans émouvoir l’imagination. Il en est aussi d’épars dans d’autres parties du cimetière : l’amitié et la reconnaissance n’ont garde d’oublier Monge, l’abbé Sicard, madame Cottin, Béclard, Percy, Chaussier, Girodet, Picard, Désaugiers, et combien encore que je suis contraint d’omettre !

Cependant les nombreux adeptes d’une secte nouvelle me demandent la tombe de leur maître ; elle est là ; je ne m’en approche pas ; je crains de fouler un dieu !… Il y a témoignage de la foi saint-simonienne sur une tombe du Père-Lachaise : une femme, Marie Simon, est morte dans cette croyance ; heureuse si cette formule de la doctrine put lui dévoiler une vie future et la consoler du trépas : Dieu est tout ce qui est… Tout est en lui, tout est par lui, rien n’est en dehors de lui ! Ses coreligionnaires, en la quittant, lui ont dit pour dernier mot : « Espérance ! » et l’ont laissé gravé sur sa tombe.

Un charme touchant, que l’on goûte surtout auprès des tombes que ne recommande point un nom célèbre, c’est le charme des épitaphes. A mesure que les monuments deviennent plus somptueux, ces expansions de la douleur deviennent plus rares. La magnificence semble un hommage suffisant à la mémoire du défunt, et une épitaphe détournerait l’esprit de l’admiration du monument. Aussi n’en cherchai-je point d’expressive dans ce contour en forme de lyre, où la mode et la vanité attirent la plupart des constructions nouvelles ; rapprochons-nous du quartier des pauvres, de la fosse commune et des concessions temporaires ; les autres ont été faites à perpétuité ; c’est de là qu’œil faut partir pour suivre les progrès du luxe funéraire. J’y trouve un sol plus humide, un branchage plus épais, des allées plus embarrassées, des pierres dégradées, des urnes par terre, des croix brisées, la mousse et le sable sur les inscriptions ; çà et là, cependant, quelques marques de culture et de souvenir religieux. On sent que toute cette enceinte est livrée à l’abandon ; les corps ne devaient y trouver qu’une hospitalité de six ans ; mais les agrandissements successifs du Père-Lachaise n’avaient point fait sentir jusqu’à ce jour le besoin de relever, c’est le mot du cimetière. L’heure de la nécessité est arrivée ; quoique les maisons fuient le voisinage de l’enclos des morts, les propriétaires des terrains contigus savent tirer parti de la convenance lorsqu’elle se présente ; et, en ce moment, le trésor de la ville, épuisé, ne peut satisfaire aux exigences d’un jardinier possesseur de trois quartiers de terre[2].

Je parcourais donc cette région, la plus basse du Père-Lachaise, avec l’intérêt qui s’attache aux biens qui sont près de disparaître ; l’impression des mots attendrissants qu’elle renferme, se confondit avec celle que j’avais éprouvée en d’autres endroits, et j’oubliai les places des inscriptions les plus touchantes. Pour moi, il n’y avait plus qu’une seule mère exhalant ses plaintes, puisqu’une même âme semble animer toutes les mères ; plus qu’un seul enfant livré au trépas, puisque tous les enfants ont le même charme pour le cœur maternel, et que leur trépas y cause le même déchirement.

A travers les rosiers, les thuyas, les autres arbustes et les fleurs, ornements touffus d’un petit tertre, vous trouverez cet enfant, sous le nom de Louise Angéline, et vous surprendrez un secret attendrissant ; ah ! laissez retomber les branches après vous, une simple planche de sapin vous le dit :


De ces tristes rameaux l’ombrage solitaire
Cache aux yeux des mortels le trésor d’une mère.


Pauvre enfant ! Si tu as vécu assez pour bégayer ces premiers mots qui deviennent des souvenirs ineffaçables, tu fus la fille de madame de Montic ;


Attends !
Te penchant vers ta mère, avec un doux sourire,
Tu répétais ce mot qui charmait son amour ;
C’était le seul, hélas ! que tu puisses lui dire ;
Ta mère te sourit et redit à son tour :
Attends !


Déjà !… Cécilia Philibert, après un jour de quatorze mois, une nuit sans fin !

Du paisible sommeil de la douce innocence,
Dans ce triste berceau, tu dors, ô mon enfant !
Écoute ; c’est ta mère. O ma seule espérance !
Réveille-toi ; jamais tu ne dors si long-temps.
(Décédé le 3 décembre 1823.)


Et toi, Alexandrine Juillet, à quatre ans, que ton premier mensonge est cruel ! que le dernier mot de ta mère est déchirant :


« Près de mourir, elle nous disait : Ne pleure pas,
papa ; ne pleure pas, maman ; je me sens mieux…
Et elle mourut… ! »
(Décédée le 13 mars 1829.)


Attends, Pauline Bertereau, attends, pour mourir, que tu aies joué avec les premières fleurs du mois de mai :


Ange chéri, dont la vie éphémère

A passé comme un vent léger,
Prends pitié des pleurs de ta mère ;
Et, si Dieu voulut l’affliger,
Demande-lui de protéger
Ceux que tu laisses sur la terre.
(Décédée à l’âge de 6 ans, le 15 mai 1824.)


Les printemps se multiplient pour Joseph-Alphonse de Guille, mais il ne comptera pas le treizième :


Va compléter la céleste phalange,
Alphonse, Dieu t’appelle ; il lui manquait un ange.
(Décédé le 3 décembre 1826.)


Nom chéri, joli nom de Georgina Mars, que ne protégeas-tu contre la faux les dix-neuf ans de celle qui te portait. Qu’il attende… qu’il attende bien long-temps le marbre tumulaire qui est près de celui où Georgina repose :

Vertus, grâces, talents, tout dort sous cette pierre.
O vous qui visitez cet asile de pleurs,
Sur son tombeau jetez des fleurs ;
Gardez vos larmes pour sa mère.
(Décédée le 29 juin 1828.)


Et cependant cette mère a dit, comme celle qui ne s’est point nommée :


Dors, ma chère Camille,
Puisque du sort c’est l’immuable loi ;
A ton réveil, ma fille,
Je serai près de toi.

Sur deux obélisques de marbre blanc veiné, délicatement sculptés, deux mots seulement :

« Adieu Hélène ! adieu Clémence ! »

Cherchons… il est une bien douce confidence… là… quelque part… dans un creux formé par les inégalités de terrain, un piédestal en marbre noir surmonté d’une petite urne de marbre blanc ; ce n’est pas sans quelque peine qu’on la trouve, tant elle se dérobe parmi le feuillage épais des acacias et des sureaux, tant l’amour fut mystérieux en y gravant ce message : Le premier au rendez-vous.

Une épouse est morte à trente-quatre ans :


Sur terre elle était exilée,
Dieu l’appela ;
Son ame au ciel s’est envolée,
Son corps est là.
(Mme Bourgain, décédée le 12 octobre 1827.)


Une fille a écrit ces mots touchants :

« Ici repose ma meilleure amie, c’était ma mère,
« Louise Dugazon 1821. »

Et un fils :

« Passant, donne une larme à ma mère, en pensant à la tienne. »


Enfants et maris ont peut-être uni leurs sentiments dans ces deux vers gravés sur la tombe de madame de Montmenard :


Dors en paix dans le ciel, objet de notre amour,
Attends-nous aujourd’hui, demain… ce n’est qu’un jour.


L’amitié vient à son tour écrire sur la pierre d’Augustin Despréaux, mort à l’âge de soixante-quatre ans, cette courte et complète oraison funèbre :


Repose en paix dans ta sombre demeure,
Ton cœur jamais ne se reprocha rien ;
Repose en paix : sur toi l’amitié pleure ;
Repose en paix : tu n’as fait que le bien.
(Décédé le 19 juin 1824.)


Et sur la tombe de madame de Lamarck, sœur naturelle du roi de Prusse actuel :

« Qui l’a connue la pleure. »

Et sur la modeste croix de bois des fosses communes, cette histoire si simple de la vie d’une femme, de madame Vériot :

« Elle vécut bien, elle aima bien, elle mourut bien. »

Et enfin, tout en haut ou tout en bas de l’échelle de la vie, une femme de quatre-vingt-un ans sourit en prononçant ce qu’il y a de plus cruel et de plus vrai dans la mort, qui est elle-même la plus cruelle des réalités :

« Un jour on dira de moi ce qu’on a dit des autres :
Marie-Anne Pallet est morte, et l’on n’en parlera plus… »
(Décédée en 1823.)


Parmi tous ces accents de l’âme, on n’en trouve point qui s’élancent du cœur des épouses, tant elles semblent craindre, alors qu’elles sont dégagées du premier serment de l’autel, d’en graver un second sur la tombe. Ah ! n’oublions pas, du moins, cette femme éplorée qui tend les bras à son enfant, et s’écrie : « Mon amour pour mon fils a pu seul me retenir à la vie. » Allons la contempler sur le tombeau de Labédoyère. Nous saluerons, en passant, un proscrit de la même époque, Régnault Saint-Jean-d’Angély, qui ne put vivre loin de sa patrie, obtint de la revoir, arriva, le 10 mars 1819, à Paris, à six heures du soir, et mourut six heures après : M. Lucien Arnault a renfermé, dans quatre vers, ce triste événement, et on les voit écrits sur le monument funèbre :


Français, de son dernier soupir
Il a salué la patrie :
Le même jour a vu finir
Ses maux, son exil, et sa vie.


Mais encore un adieu aux concessions temporaires, à cette pierre si simple, si peu au-dessus de terre, sans grille, sans culture à l’entour, qui attend chaque jour, pour disparaître, l’approche du terrassier ; dessus il est écrit :

Pauvre Marie,
a 29 ans !

Fut-elle jolie ? peut-être… fut-elle bonne ? sans doute… Et qui était-elle ? Non pas sœur, non pas épouse, non pas mère,… plutôt orpheline. Qui la conduisit en ce lieu ? Un protecteur, un ami, un homme sensible ? Ah ! toute son histoire est dans l’imagination, dans le cœur, dans l’âme des passants ; combien se sont arrêtés ici, ont rêvé, puis répété : « Pauvre Marie, à 29 ans ! »

Une fois que l’esprit est entré ainsi en intimité avec la mort, il devient difficile de s’arracher du milieu des tombes ; on en évite cent, et cent autres vous retiennent ; involontairement, vous vous penchez vers une urne, un cippe, une croix, une fleur ! Tous les morts, sur votre route, sont des passants auxquels vous avez une question à faire, ne fût-ce que celle de leur nom. Voilà comment, de station en station, je fus ramené auprès d’un monument modeste devant lequel c’était un devoir pour moi de m’arrêter ; j’y lus avec émotion les lignes suivantes :

« A Lallemant, mort le 13 juin 1820, l’École de droit, l’École de médecine, le Commerce, et l’École des beaux-arts. »

C’est en effet le 12 juin 1820, que je relevai ce malheureux jeune homme, atteint par derrière de la balle d’un garde royal, et que nous le reconduisîmes, dix ou douze, à sa mère qui ne l’attendait pas sitôt… Cette époque et ce nom me rappellent des jours de captivité ; ma plume était cependant restée bien au-dessous de mon indignation : je lui avais dit, du moins :

Toi, dont la cendre ici repose,
Dors en paix, Lallemant, dors dans le doux espoir
Qu’un jour, ceints de lauriers, les soutiens de ta cause
Sur ta tombe viendront s’asseoir !

Et ils y sont venus… trois journées de juillet ont justifié ce vers que j’adressais à la Liberté :

Des chaînes aujourd’hui !… des couronnes demain !…

… J’errais ainsi depuis quelques heures dans cet Élysée. Je pus remarquer plus d’une fois que si les visiteurs s’empressent au-devant des pompes funéraires, à défaut de ce spectacle, ils n’accourent pas moins au-devant du plus humble convoi. Ils regardent surtout avec une avide curiosité descendre la bière dans son étroit encaissement, et ne s’éloignent qu’après que le sol déjà nivelé, semble ne plus rien témoigner du dépôt qu’il recouvre… Tant nous sommes inquiets de savoir comment la terre s’empare de sa proie !… Et moi, pensais-je, je disparaîtrai de même aux yeux des vivants, et de même tout ce qui vit autour de moi : ce prêtre qui, sur le bord de cette fosse, adresse avec confiance des paroles d’intercession à un Dieu qui est l’hôte de sa pensée ; ce fossoyeur impatient des longs adieux ; ces deux cicerone dont le privilége est affiché sur les portes d’entrée pour empêcher les jardiniers d’usurper leurs bénéfices ; ces gardiens qui parcourent seuls, au milieu de la nuit, du silence et de l’obscurité, les détours de ce lugubre labyrinthe ; ce concierge qui a renvoyé le chien du pauvre ; sa fille grande comme le plus jeune de ces cyprès qui s’élève parmi les tombes, et joue encore entre les ifs après le coucher du soleil… En ce moment, je montai les marches de la chapelle bâtie récemment sur la plus haute éminence. Adossé contre la porte, je découvrais Paris tout à nu et le Panthéon en face de moi : « Et toi aussi, m’écriai-je, superbe cité, tu es au bas de cette colline pour la gravir peu à peu… Tout entière avec tes tours jumelles couronnées de tant de siècles, avec ton temple restauré, où la patrie reconnaissante appelle quatre morts qui vont bientôt s’y acheminer, tu agrandiras un jour cette enceinte, et la vie aura fui loin de tes barrières… » Mes idées s’exaltaient ! de la force d’une imagination puissante, je soulevai, pour les mettre debout, et la grande ville et la colline ; je vis un être immense et monstrueux : des millions de pieds s’agitant sous une tête de mort.

Non, dans le monde entier peut-être, une autre chapelle mortuaire n’a point la situation sublime de celle de ce coteau : les portes s’ouvrent, et du pied de l’autel le prêtre s’avance ; arrêté sur le seuil, son regard domine la reine des cités aussi loin qu’elle se déroule en tous sens. C’est une des plus grandes agglomérations sociales, c’est la capitale du monde civilisé au pied du Calvaire, au pied de la croix du supplice. Pour une âme soumise à la foi de sa religion, ce ministre du sacerdoce, précédé du signe rédempteur, ne figure-t-il point le christianisme, appelant depuis vingt siècles tous les hommes à la mort par l’espoir consolant d’une seconde vie sans fin ?… Mais, dans nos âges modernes, les vérités nues et sévères parlent plus haut que les douces illusions des croyances sacrées.

Je quittai le cimetière du Père-Lachaise : une impression indéfinissable dominait ma pensée ; elle s’égarait à l’infini dans ces grands mystères de la nature : le néant que dément notre intelligence, la création dont il est la base, et l’éternité écrite partout… Puis, en approchant du séjour des hommes, je redescendis aux petites passions humaines ; je me représentai rapidement tout ce qui se trouve confondu dans nos sociétés, les cris de la joie et du désespoir, les hurlements de la fureur, les sifflements de la calomnie et de la vengeance, les hymnes de l’ambition, les chants de triomphe du crime, les acclamations de la servitude et le rire si varié de la folie… Misérables humains, rappelez-vous donc quelquefois que vous n’êtes en route, sur cette terre, que pour arriver à un commun abîme.

Omnes eòdem cogimur : omnium
Versatur urna : seriùs ociùs
Sors exitura.
(Horat.)


Eugène ROCH.



  1. Voici le nombre progressif des pierres tumulaires depuis 1804.
    On a placé en 1804…… 113. en 1810…… 76.
    en 1805…… 14. en 1811…… 96.
    en 1806…… 19. en 1812…… 130.
    en 1807…… 26. en 1813…… 242.
    en 1808…… 51. en 1814…… 509.
    en 1809…… 66. en 1815…… 635.


    En tout, 1827. – En 1830, on en compte 31,000.

  2. Ce jardinier demande, dit-on, 60,000 francs ; il est vrai que la ville tire un parti fort productif du terrain. Le prix, pour les concessions perpétuelles, est de 125 francs le mètre ; la sépulture ne peut pas comprendre moins de deux mètres superficiels, c’est-à-dire deux mètres de long sur un de large, pour une personne au-dessus de sept ans, ni moins d’un mètre superficiel pour les personnes au-dessous de cet âge. Quant aux concessions temporaires, le prix est de 50 francs pour chaque : elles peuvent être successivement renouvelées tous les six ans.