Le Chemin des ombres heureuses/Phanias et Nicarète

Édition du Mercure de France (p. 40-41).

PHANIAS ET NICARÈTE


Ici sont réunis suivant leur volonté
Phanias et son disciple Nicarète ;
et leurs ombres amies conversent
dans l’immobile éternité.


PHANIAS

Je fus le jardinier de ton esprit inculte ;
par mes soins tu portas une moisson d’idées.


NICARÈTE

Je me souviens de nos longues disputes
sous l’ombre frissonnante des forêts d’oliviers.


PHANIAS

Je t’avais tant nourri du miel de la sagesse,
ô mon fils, que, devenu robuste,
tu secouas le joug bienveillant de ton père.


NICARÈTE

Assis au milieu des ruines
vous restiez attaché au passé chancelant.


PHANIAS

Tes bonds impétueux devançaient l’avenir ;
et tu rêvais de tout changer, de tout détruire.


NICARÈTE

La mort nous mit d’accord en un moment.


PHANIAS

L’équilibre du monde naît des forces contraires.


NICARÈTE

La vie s’arrêterait s’il devenait possible
que l’élève restât le miroir de son maître.