Le Château des désertes/Chapitre XII

Le Château des désertes
Calmann Lévy (p. 132-142).

XII. — L’HÉRITIÈRE. modifier

Je trouvai en effet mes hôtes fort effrayés de ma disparition. Le bon Volabù m’avait cherché dans la campagne et se disposait à y retourner. Je sentis que ces pauvres gens étaient déjà de vrais amis pour moi. Je leur dis que le hasard m’avait fait rencontrer un des habitants du château en qui j’avais retrouvé une ancienne connaissance. La mère Peirecote, apprenant que j’avais fait la veillée au château, m’accabla de questions, et parut fort désappointée quand je lui répondis que je n’avais vu là rien d’extraordinaire.

Le lendemain, à neuf heures, je me rendis au château en prévenant mes hôtes que j’y passerais peut-être quelques jours et qu’ils n’eussent pas à s’inquiéter de moi. Célio venait à ma rencontre.— Tu as bien dormi ! me dit-il en me regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux.

— Je l’avoue, répondis-je, et c’est la première fois depuis longtemps. J’ai éprouvé un merveilleux bien-être, comme si j’étais arrivé au vrai but de mon existence, heureux ou misérable. Si je dois être heureux par vous tous qui êtes ici, ou souffrir de la part de plusieurs, il n’importe. Je me sens des forces nouvelles pour la joie comme pour la douleur.

— Ainsi, tu l’aimes ?

— Oui, Célio, et toi ?

— Eh bien, moi je ne puis répondre aussi nettement. Je crois l’aimer et je n’en suis pas assez certain pour le dire à une femme que je respecte par-dessus tout, que je crains même un peu. Ainsi je me vois supplanté d’avance ! La foi triomphe aisément de l’incertitude.

— Pour peu qu’elle soit femme, repris-je, ce sera peut-être le contraire. Une conquête assurée a moins d’attraits pour ce sexe qu’une conquête à faire. Donc, nous restons amis ?

— Croyez-vous ?

— Je vous le demande ? Mais il me semble que nos rôles sont assez naturellement indiqués, Si je vous trouvais véritablement épris et tant soit peu payé de retour, je me retirerais. Je ne sais ce que c’est que de se comporter comme un larron avec le premier venu de ses semblables, à plus forte raison avec un homme qui se confie à votre loyauté ; mais vous n’en êtes pas là, et la partie est égale pour nous deux.

— Que savez-vous si je n’ai pas de l’espérance ?

— Si vous étiez aimé d’une telle femme, Célio, je vous estime assez pour croire que vous ne me souffririez pas ici, et vous savez qu’il ne me faudrait qu’une pareille confidence de votre part pour m’en éloigner à jamais ; mais, comme je vois fort bien que vous n’avez qu’une velléité, et que je crois mademoiselle Boccaferri trop fière pour s’en contenter, je reste.

— Restez donc, mais je vous avertis que je jouerai aussi serré que vous.

— Je ne comprends pas cette expression. Si vous aimez, vous n’avez qu’à le dire ainsi que moi, elle choisira. Si vous n’aimez pas, je ne vois pas quel jeu vous pouvez jouer avec une femme que vous respectez.

— Tu as raison. Je suis un fou. J’ai même peur d’être un sot. Allons ! restons amis. Je t’aime, bien que je me sente un peu mortifié de trouver en toi mon égal pour la franchise et la résolution. Je ne suis guère habitué à cela. Dans le monde où j’ai vécu jusqu’ici, presque tous les hommes sont perfides, insolents ou couards sur le terrain de la galanterie. Fais donc la cour à Cécilia ; moi, je verrai venir. Nous ne nous engageons qu’à une chose : c’est à nous tenir l’un l’autre au courant du résultat de nos tentatives pour épargner à celui qui échouera un rôle ridicule. Puisque nous visons tous deux au mariage, à la chose la plus honnête et la plus officielle du monde, l’honneur de la dame n’exige pas que nous nous fassions mystère de son choix. Quant aux lâches petits moyens usités en pareil cas par les plus honnêtes gens, la délation, la calomnie, la raillerie, ou tout au moins la malveillance à l’égard d’un rival qu’on veut supplanter, je n’en fais pas mention dans notre traité. Ce serait nous faire une mutuelle injure.

Je souscrivis à tout ce que proposait Célio sans regarder en avant ni en arrière, et sans même prévoir que l’exécution d’un pareil contrat soulèverait peut-être de terribles difficultés.

— Maintenant, me dit-il en me faisant entrer dans la cour du château, qui était vaste et superbe, il faut que je commence par te conduire chez notre marquis…. Puis il ajouta en riant : car ce n’est pas sérieusement que tu as demandé, hier au soir, chez qui nous étions ici ?

— Si j’ai fait une sotte question, répondis-je, c’est de la meilleure foi du monde. J’étais trop bouleversé et trop enivré de me retrouver au milieu de vous pour m’inquiéter d’autre chose, et je ne me suis pas même tourmenté, en venant ici, de l’idée que je pourrais être indiscret ou mal venu à me présenter chez un personnage que je ne connais pas. A la vie que vous menez chez lui, je ne m’attendais même pas à le voir aujourd’hui. Sous quel titre et sous quel prétexte vas-tu donc me présenter ?

— Oh ! mais tu es fort amusant, répondit Célio en me faisant monter l’escalier en spirale et garni de tapis d’une grande tour. Voilà une mystification que nous pourrions prolonger longtemps ; mais tu t’y jettes de trop bonne foi, et je ne veux pas en abuser.

En parlant ainsi, il ouvrit la double porte d’une salle ronde qui servait de cabinet de travail au marquis, et il cria très-haut : — Eh ! mon cher marquis de Balma, voici Adorno Salentini qui persiste à vous prendre pour un mythe, et qui ne veut être désabusé que par vous-même.

Le marquis, sortant du paravent qui enveloppait son bureau, vint à ma rencontre en me tendant les deux mains, et j’éclatai de rire en reconnaissant ma simplicité.

« Les enfants pensaient, dit-il, que c’était un jeu de votre part ; mais, moi, je voyais bien que vous ne pouviez croire à l’identité du vieux malheureux Boccaferri de Vienne et du facétieux Leporello de cette nuit avec le marquis de Balma. Cela s’explique en quatre mots : j’ai eu des écarts de jeunesse. Au lieu de les réparer et de me ramener ainsi à la raison, mon père m’a banni et déshérité. Mes prénoms sont Pierre-Anselme Boccadiferro. Ce nom de Bouche de fer est dans ma famille le partage de tous les cadets, comme celui de Crisostomo, Bouche d’or, est celui de tous les aînés. Je pris pour tout titre mon nom de baptême en le modifiant un peu, et je vécus, comme vous savez, errant et malheureux dans toutes mes entreprises. Ce n’était ni le courage ni l’intelligence qui me manquaient pour me tirer d’affaire ; mais j’étais un homme à illusions comme tous les hommes à idées. Je ne tenais pas assez compte des obstacles. Tout s’écroulait sur moi, au moment où, plein de génie et de fierté, j’apportais la clé de voûte à mon édifice. Alors, criblé de dettes, poursuivi, forcé de fuir, j’allais cacher ailleurs la honte et le désespoir de ma défaite ; mais, comme je ne suis pas homme à me décourager, je cherchais dans le vin une force factice, et quand un certain temps consacré à l’ivresse, à l’ivrognerie, si vous voulez, m’avait réchauffé le cœur et l’esprit, j’entreprenais autre chose. On m’a donc qualifié très-généreusement en mille endroits de canaille et d’abruti, sans se douter le moins du monde que je fusse par goût l’homme le plus sobre qui existât. Pour tomber dans cette disgrâce de l’opinion, il suffit de trois choses : être pauvre, avoir du chagrin, et rencontrer un de ses créanciers le jour où l’on sort du cabaret.

« J’étais trop fier pour rien demander à mon frère aîné, après avoir essuyé son premier refus. Je fus assez généreux pour ne pas le faire rougir en reprenant mon nom et en parlant de lui et de son avarice. J’oubliai même avec un certain plaisir que j’étais un patricien pour m’affermir dans la vie d’artiste, pour laquelle j’étais né. Deux anges m’assistèrent sans cesse et me consolèrent de tout, la mère de Célio et ma fille. Honneur à ce sexe ! il vaut mieux que nous par le cœur.

« J’étais à Vienne avec la Cécilia, il y a deux mois, lorsque je reçus une lettre qui me fit partir à l’heure même. J’avais conservé en secret des relations affectueuses avec un avocat de Briançon qui faisait les affaires de mon frère. Dans cette lettre, il me donnait avis de l’état désespéré où se trouvait mon aîné. Il savait qu’il n’existait pas de titre qui pût me déshériter. Il m’appelait chez lui, où il me donna l’hospitalité jusqu’à la mort du marquis, laquelle eut lieu deux jours après sans qu’une parole d’affection et de souvenir pour moi sortît de ses lèvres. Il n’avait qu’une idée fixe, la peur de la mort. Ce qui adviendrait après lui ne l’occupait point.

« Dès que je me vis en possession de mon titre et de mes biens, grâce aux conseils de mon digne ami, l’avocat de Briançon, je me tins coi, je fis le mort ; je ne révélai à personne ma nouvelle situation, et je restai enfermé, quasi caché dans mon château, sans faire savoir sous quel nom j’avais été connu ailleurs. Je continuerai à agir ainsi jusqu’à ce que j’aie payé toutes les dettes que j’ai contractées durant cinquante années de ma vie ; alors en même temps qu’on dira : « Cette vieille brute de Boccaferri est devenu marquis et quatre fois millionnaire, » on pourra dire aussi : « Après tout, ce n’était pas un malhonnête homme ; car il n’a fait banqueroute à personne, pas même à ses amis. »

« J’avoue que je n’avais jamais perdu l’espoir de recouvrer ma liberté et mon honneur en m’acquittant de la sorte. Je ne comptais pas sur l’héritage de mon frère. Il me haïssait tant que j’aurais juré qu’il avait trouvé un moyen de me dépouiller après sa mort ; mais moi, toujours artiste et toujours poète, je n’avais pas cessé de me flatter que le succès couronnerait enfin mes entreprises. Aussi je n’avais jamais fait une dette ni une banqueroute sans en consigner le chiffre et sans en conserver le détail et les circonstances. Dans les dernières années, comme j’étais de plus en plus malheureux, je buvais davantage et j’aurais bien pu perdre ou embrouiller toutes ces notes, si ma fille ne les eût rangées et tenues avec soin.

« Aussi maintenant sommes-nous à même de nous réhabiliter. Nous consacrons à ce travail, ma fille et moi, une heure tous les jours, avant le déjeuner. Tandis que notre avocat de Briançon vend une partie de nos immeubles et prépare la liquidation générale, nous tenons la correspondance au nom de Boccaferri, et, dans toutes les contrées où nous avons vécu, nous cherchons nos créanciers. Il y en a peu qui ne répondent à notre appel. Ceux qui m’ont obligé avec la pensée de le faire gratuitement sont remboursés aussi malgré eux. Dans un mois, je crois que nous aurons terminé ce fastidieux travail et que notre tâche sera accomplie. C’est alors seulement qu’on saura la vérité sur mon compte. Il nous restera encore une fortune très-considérable, et dont j’espère que nous ferons bon usage. Si j’écoutais mon penchant, je donnerais à pleines mains, sans trop savoir à qui ; mais j’ai trop fréquenté les paresseux et les débauchés, j’ai eu trop affaire aux escrocs de toute espèce pour ne pas savoir un peu distinguer. Je dois mon aide aux mauvaises têtes, mais non aux mauvais cœurs.

« D’ailleurs, ma fille a pris la gouverne de ma fortune, et, pour ne plus faire de folies, je lui ai tout abandonné. Elle fera aussi des folies généreuses, mais elle n’en fera pas de sottes et de nuisibles. Tenez, ajouta-t-il en tirant deux ailes du paravent qui nous cachait la moitié de la table, voyez : voici la femme de cœur et de conscience entre toutes ! Rien ne la rebute, et cette âme d’artiste sait s’astreindre au métier de teneur de livres pour sauver l’honneur de son père ! »

Nous vîmes la Cécilia penchée sur le bureau, écrivant, rangeant, cachetant et pliant avec rapidité, sans se laisser distraire par ce qu’elle entendait. Elle était pâle de fatigue, car cette double vie d’artiste et d’administrateur devait briser ce corps frêle et généreux ; mais elle était calme et noble, comme une vraie châtelaine, dans sa robe de soie verte. Je m’aperçus qu’elle avait coupé tout de bon ses longs cheveux noirs. Elle avait fait gaiement ce sacrifice pour pouvoir jouer les rôles d’homme, et cette chevelure, bouclée sur le cou et autour du visage, lui donnait quelque chose d’un jeune apprenti artiste de la renaissance ; elle avait trop de mélancolie dans l’habitude de la physionomie pour rappeler le page espiègle ou le seigneur enfant du manoir. L’intelligence et la fierté régnaient sur ce front pur, tandis que le regard modeste et doux semblait vouloir abdiquer tous les droits du génie et tous les rêves de la gloire.

Elle sourit à Célio, me tendit la main, et referma le paravent pour achever sa besogne.

« Vous voilà donc dans notre secret, reprit le marquis. Je ne puis le placer en de meilleures mains ; je n’ai pas voulu attendre un seul jour pour en faire part à Célio et aux autres enfants de la Floriani. J’ai dû tant à leur mère ! mais ce n’est pas avec de l’argent seulement que je puis m’acquitter envers celle qui ne m’a pas secouru seulement avec de l’argent ; elle m’a aidé et soutenu avec son cœur, et mon cœur appartient à ce qui survit d’elle, à ces nobles et beaux enfants qui sont désormais les miens. La Floriani n’avait laissé qu’une fortune aisée. Entre quatre enfants, ce n’était pas un grand développement d’existence pour chacun. Puisque la Providence m’en fournit les moyens, je veux qu’ils aient les coudées plus franches dans la vie, et je les ai tout de suite appelés à moi pour qu’ils ne me quittent que le jour où ils seront assez forts pour se lancer sur la grande scène de la vie comme artistes ; car c’est la plus haute des destinées, et, quelle que soit la partie que chacun d’eux choisira, ils auront étudié la synthèse de l’art dans tous ses détails auprès de moi.

« Passez-moi cette vanité ; elle est innocente de la part d’un homme qui n’a réussi à rien et qui n’a pas échoué à demi dans ses tentatives personnelles. Je crois qu’à force de réflexions et d’expériences je suis arrivé à tenir dans mes mains la source du beau et du vrai. Je ne me fais point illusion ; je ne suis bon que pour le conseil. Je ne suis pas cependant un professeur de profession. J’ai la certitude qu’on ne fait rien avec rien, et que l’enseignement n’est utile qu’aux êtres richement doués par la nature. J’ai le bonheur de n’avoir ici que des élèves de génie, qui pourraient fort bien se passer de moi ; mais je sais que je leur abrégerai des lenteurs, que je les préserverai de certains écarts, et que j’adoucirai les supplices que l’intelligence leur prépare. Je manie déjà l’âme de Stella, je tâte plus délicatement Salvator et Béatrice, et, quant à Célio, qu’il réponde si je ne lui ai pas fait découvrir en lui-même des ressources qu’il ignorait.

— Oui, c’est la vérité, dit Célio, tu m’as appris à me connaître. Tu m’as rendu l’orgueil en me guérissant de la vanité. Il me semble que, chaque jour, ta fille et toi vous faites de moi un autre homme. Je me croyais envieux, brutal, vindicatif, impitoyable : j’allais devenir méchant parce que j’aspirais a l’être ; mais vous m’avez guéri de cette dangereuse folie, vous m’avez fait mettre la main sur mon propre cœur. Je ne l’eusse pas fait en vue de la morale, je l’ai fait en vue de l’art, et j’ai découvert que c’est de là (et en parlant ainsi Célio frappa sa poitrine) que doit sortir le talent.

J’étais vivement ému ; j’écoutais Célio avec attendrissement ; je regardais le marquis de Balma avec admiration. C’était un autre homme que celui que j’avais connu ; ses traits même étaient changés. Était-ce là ce vieux ivrogne trébuchant dans les escaliers du théâtre, accostant les gens pour les assommer de ses théories vagues et prolixes, assaisonnées d’une insupportable odeur de rhum et de tabac ? Je voyais en face de moi un homme bien conservé, droit, propre, d’une belle et noble figure, l’œil étincelant de génie, la barbe bien faite, la main blanche et soignée. Avec son linge magnifique et sa robe de chambre de velours doublée de martre, il me faisait l’effet d’un prince donnant audience à ses amis, ou, mieux que cela, de Voltaire à Ferney ; mais non, c’était mieux encore que Voltaire, car il avait le sourire paternel et le cœur plein de tendresse et de naïveté. Tant il est vrai que le bonheur est nécessaire à l’homme, que la misère dégrade l’artiste, et qu’il faut un miracle pour qu’il n’y perde pas la conscience de sa propre dignité !

— Maintenant, mes amis, nous dit le marquis de Balma, allez voir si les autres enfants sont prêts pour déjeuner ; j’ai encore une lettre à terminer avec ma fille, et nous irons vous rejoindre. Vous me promettez maintenant, monsieur Salentini, de passer au moins quelques jours chez moi.

J’acceptai avec joie ; mais je ne fus pas plus tôt sorti de son cabinet que je fis un douloureux retour sur moi-même. Je crois que je suis fou tout de bon depuis que j’ai mis les pieds ici, dis-je à Célio en l’arrêtant dans une galerie ornée de portraits de famille. Tout le temps que le marquis me racontait son histoire et m’expliquait sa position, je ne songeais qu’à me réjouir de voir la fortune récompenser son mérite et celui de sa fille. Je ne pensais pas que ce changement dans leur existence me portait un coup terrible et sans remède.

— Comment cela ? dit Célio d’un air étonné.

— Tu me le demandes, répondis-je. Tu ne vois pas que j’aimais la Boccaferri, cette pauvre cantatrice à trois ou quatre mille francs d’appointements par saison, et qu’il m’était bien permis, à moi qui gagne beaucoup plus, de songer à en faire ma femme, tandis que maintenant je ne pourrais aspirer à la main de mademoiselle de Balma, héritière de plusieurs millions, sans être ridicule en réalité et en apparence méprisable ?

— Je serais donc méprisable, moi, d’y aspirer aussi ? dit Célio en haussant les épaules.

— Non, lui répondis-je après un instant de réflexion. Bien que tu ne sois pas plus riche que moi, je pense, ta mère a tant fait pour le pauvre Boccaferri, que le riche Balma peut et doit se considérer toujours comme ton obligé. Et puis le nom de la mère est une gloire ; Cécilia a voué un culte à ce grand nom. Tu as donc mille raisons pour te présenter sans honte et sans crainte. Moi, si je surmontais l’une, je n’en ressentirais pas moins l’autre ; ainsi, mon ami, plains-moi beaucoup, console-moi un peu, et ne me regarde plus comme ton rival. Je resterai encore un jour ici pour prouver mon estime, mon respect et mon dévouement ; mais je partirai demain et je tâcherai de guérir. Le sentiment de ma fierté et la conscience de mon devoir m’y aideront. Garde-moi le secret sur les confidences que je t’ai faites, et que mademoiselle de Balma ne sache jamais que j’ai élevé mes prétentions jusqu’à elle.