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LE BUREAU MÉTÉOROLOGIQUE
DE LONDRES.

À la suite de la conférence internationale tenue à Bruxelles en 1853, et dont l’initiative était due au lieutenant Maury, les différents États participants constituèrent des bureaux destinés à centraliser les observations uniformes recommandées, et à distribuer les cartes et les instructions nautiques qu’on en déduisait. L’importance du nouvel ordre de recherches fut vivement sentie en Angleterre, et le Parlement vota un crédit annuel de 80 000 fr. afin d’organiser la division spéciale créée pour le dépouillement des journaux de bord et la publication des documenta météorologiques au bureau général du commerce (Board of Trade).

L’amirauté ajouta 25 000 fr. et plaça à la tête de ce service l’amiral Fitz-Roy, connu par ses excellents travaux hydrographiques et surtout par sa campagne dans les parages du cap Horn sur le Beagle, où il avait alors comme chirurgien un éminent naturaliste, Ch. Darwin, dont le nom devait devenir célèbre.

Le savant directeur se passionna pour son œuvre et devint bientôt l’émule de Maury, avec lequel il entretint dès le début une correspondance amicale qu’on lit avec intérêt dans la publication (Meteorological Papers) fondée pour faire connaître les féconds travaux de l’établissement. Par leurs soins des observatoires furent placés aux Bermudes et à Halifax (Nouvelle-Écosse) et ces stations furent pourvues d’instruments enregistreurs qui ont fourni des données importantes pour la météorologie de l’Atlantique.

En Angleterre, l’observatoire de Kew fut chargé de la vérification des baromètres et autres instruments que le gouvernement fit construire suivant un modèle uniforme, et qui furent délivrés à la marine de l’État, ainsi qu’à tous les capitaines de la marine marchande, qui s’engageaient à faire les observations prescrites durant leurs traversées.

L’amiral et ses collaborateurs discutèrent de nombreuses données sur les typhons de la mer de Chine, recueillies par les navigateurs anglais. On rassembla toutes les recherches étrangères relatives à cette importante partie de la météorologie. Un des numéros des Meteorological Papers contient la traduction du grand mémoire de Dove sur la loi des tempêtes. Les registres météorologiques de la dernière campagne du Fox, dans laquelle Mac-Clintock trouva enfin les traces de Franklin, ayant été repris et soumis à un soigneux examen, il en résulta un mémoire des plus instructifs sur les régions arctiques. Le climat de Port-Natal fut étudié à l’aide des observations du docteur Mann.

Maury avait commencé dans ses Nautical Monographs un travail d’ensemble sur les pressions barométriques moyennes à la mer ; on le compléta à l’aide de nouvelles séries de hauteurs recueillies dans les hautes latitudes des deux hémisphères. La publication des Notices trimestrielles sur le temps ( Weather Reports) déduite des observations journalières et accompagnées le plus souvent des remarques de l’amiral Fitz-Roy, commença en 1860. Nous mentionnerons encore parmi les travaux remarquables exécutés alors une série de tableaux donnant le poids spécifique et la température de l’eau de mer, dans plusieurs régions de l’Océan et une très-utile statistique de l’apparition des ice-bergs dans les mers australes.

L’étude générale d’une violente tempête (dite du Royal Charter, parce que ce grand bâtiment de transport y périt) fut entreprise, et le sous-directeur, M. Babington, en résuma tous les détails. Il construisit pour plusieurs jours consécutifs, et pour des intervalles de quatre heures dans les périodes plus particulièrement intéressantes, une série de cartes synoptiques permettant de suivre le mouvement cyclonique pendant son passage sur les îles Britanniques. Il y fit mention de toutes les circonstances remarquables qu’il put recueillir, de cette observation toute nouvelle, par exemple, que, dans toutes les mines au-dessus desquelles le centre passa, la diminution de la pression atmosphérique caractérisant ce centre provoqua un dégagement de gaz grisou.

L’amiral rédigea, sous le nom de Manuel barométrique, une courte instruction sur la manière d’observer l’instrument et de tirer parti des observations pour prévoir le temps. Ce manuel, très-clair, imprimé en caractères facilement lisibles, fut distribué aux pêcheurs et marins des côtes, et dans un grand nombre de localités, on installa des baromètres publics (fishing barometers), dont l’observation produisit des résultats très-favorables pour les populations exposées à tant de dangers dans les mers britanniques.

Une autre publication, le Livre du temps (Weather book) renferme une exposition très-remarquable des principes de la météorologie et de ses applications. Cet ouvrage, « écrit pour tout le monde, ce qui ne veut pas dire qu’il doive être nécessairement superficiel, » a eu beaucoup de succès en Angleterre. Sa lecture a l’avantage de faire connaître le caractère de l’auteur, dont le style original et animé par un vif enthousiasme pour la nature et ses harmonies rappelle les belles pages de Maury. Après la description des instruments, l’amiral donne des notions générales sur les courants atmosphériques et en déduit les règles qu’il a fait inscrire à coté de l’index des baromètres.

De la circulation régulière il passe aux perturbations, aux cyclones et autres phénomènes exceptionnels ; enfin, conduisant le lecteur dans les différentes mers du globe, il en décrit les climats, les vents dominants, et mêle souvent à ces tableaux le souvenir de ses impressions personnelles. Il donne ensuite de nombreux détails sur le système général de prévision institué sous sa direction pour indiquer le temps probable à l’aide des observations météorologiques provenant, par voie télégraphique, des diverses parties du pays. Dans la discussion de ces données au Bureau central, on procédait d’abord empiriquement et les résultats n’offraient pas une grande certitude, mais l’idée de la télégraphie du temps était très-féconde et devait aboutir au service important qui se généralise aujourd’hui en Europe et dans l’Amérique du Nord.

« Les considérations dynamiques déduites des faits statiques, dit l’amiral dans le Livre du temps, ont une grande importance, mais pour obtenir une approximation suffisante avec la célérité nécessaire, il faut une grande aptitude, beaucoup d’expérience et une sérieuse attention.

« À ceux qui nous objectent que nos prévisions ne se réalisent pas toujours dans toutes les localités d’une même région, nous répondrons que comme nos signaux de tempêtes, qui en sont les résultats, nos prévisions n’ont qu’un caractère général ; elles avertissent seulement qu’une perturbation générale et non locale va probablement se manifester dans la partie de l’atmosphère qui enveloppe nos îles.

« Nos déductions pourront être incorrectes et nos jugements erronés ; mais il est certain que les lois de la nature et les signes mis à la portée de l’homme sont invariablement exacts. C’est la rectitude de l’interprétation qui fait défaut.

« Les principaux caractères des deux grandes divisions du vent sont bien connus de tout homme de mer. Le marin ne tient pas à calculer à deux ou trois quarts près les changements ou combinaisons intermédiaires. Ce qu’il demande, c’est de savoir d’une manière générale de quel côté, nord ou sud, surgira la tempête qui doit l’assaillir. Certes il serait désirable de pouvoir préciser l’heure où un coup de vent doit se faire sentir, mais l’insuffisance de nos connaissances météorologiques ne nous permet pas de la déterminer et nous ne pouvons qu’y suppléer en indiquant les circonstances dans lesquelles on doit redoubler de précaution.

« Faut-il, pourra-t-on dire, que les bâtiments restent dans un port pour éviter une tempête qui peut, après tout, ne pas avoir lieu ? faut-il que les caboteurs et les pêcheurs demeurent inactifs et laissent peut-être échapper une occasion favorable ? Nullement. Les signaux ne sont qu’un avertissement ; ils signifient uniquement : « Veillez. » — « Soyez sur vos gardes. » — « Attention aux baromètres et aux signes du temps. »

« Peut-être nos caboteurs préfèrent-ils le risque d’un coup de vent à la perte pécuniaire qu’entraîne un séjour inutile d’un ou deux jours dans le port ; mais pour les navires destinés à faire un long voyage la question est toute différente ; une tempête dans la Manche peu après le départ ne pourrait manquer de leur causer de graves embarras. »

Les informations dont le bureau météorologique disposait alors étaient trop restreintes, et la méthode employée tenait trop à ce qu’on peut appeler la divination pour que ses prévisions pussent être étendues à deux jours et plus ; aussi, à la suite de critiques assez justes, on dut rentrer, comme nous le montrerons plus tard, dans de plus étroites limites.

Pour ajouter à l’utilité des dispositions que nous venons d’indiquer, l’amiral imagina un système de signaux de jour et de nuit, formés par des cylindres et des cônes ou bien de fanaux diversement combinés, qui étaient hissés dans les ports au haut d’un mât pour avertir les marins de l’approche des tempêtes ou du moins de l’existence d’un état dangereux du temps.

M. Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris, appliquait à la même époque le télégraphe à la concentration des observations météorologiques et aux avertissements à donner aux régions menacées par les perturbations de l’atmosphère. Il avait fondé un Bulletin international recevant, à l’aide du réseau européen, les observations d’un nombre de stations progressivement porté à 70 et publiant les cartes synoptiques qu’on eu déduisait. De fécondes relations s’établirent entre les centres de Paris et de Londres pour développer le nouveau champ de recherches. Mais au milieu de ces intéressants travaux, auxquels il prenait part avec une activité toute juvénile, l’amiral Fitz-Roy mourut, vivement regretté par ses nombreux amis, par le monde savant et par les populations des côtes anglaises, qui lui étaient redevables, comme on l’a vu, de très-utiles institutions.

Nous exposerons, dans un prochain article, les améliorations apportées, après sa mort, au Bureau météorologique de Londres, en résumant les excellents travaux de ce bureau jusqu’à l’époque actuelle.

F. Zurcher.

La suite prochainement. —