Le Blason d’après les sceaux du Moyen-Âge


LE BLASON


d’après


LES SCEAUX DU MOYEN-ÂGE


Par M. G. DEMAY

Membre résidant
de la Société nationale des Antiquaires de France



Extrait des Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, tome XXXVII.


PARIS
1877



LE BLASON

d’après

LES SCEAUX DU MOYEN-ÂGE

J’étudie dans ce mémoire l’origine des armoiries, la figure chronologique de l’écu, les supports, les cimiers, le volet et les lambrequins, les diverses formes d’écu, les premières brisures.

L’imagerie des sceaux nous a transmis un nombre considérable d’armoiries, et ces armoiries se recommandent non-seulement par une authenticité incontestable, mais encore par leur grande ancienneté. De tous les monuments qui pourraient nous éclairer sur l’origine du blason, il ne reste, ou du moins l’on ne connaît que les sceaux. Il était donc tout naturel et indispensable à la fois de les prendre pour base de ce travail. Je dois ajouter que les sceaux dont je vais invoquer le témoignage appartiennent presque tous aux grands feudataires ou aux seigneurs les plus marquants de notre pays. La question des blasons étrangers se trouve ainsi réservée.


Origine des armoiries.

Les origines des armoiries tendent à se dégager chaque jour davantage des fables qui les obscurcissaient. Les témoignages fournis par les sceaux servent de base aux nouvelles théories[1].

On a d’abord séparé les emblèmes, les symboles de la fantaisie qui décorèrent de tout temps les boucliers, des armoiries féodales, signes héréditaires, distinctifs et représentatifs de la seigneurie. Cette démarcation une fois établie, il ne restait plus qu’à prendre pour point de départ des armoiries reconnues et à les suivre en remontant le cours des siècles jusqu’au moment où elles cessent d’être représentées sur l’écu.

C’est ainsi qu’en étudiant d’âge en âge les sceaux des comtes de Flandre, on rencontre le lion pour la première fois dans le type de Philippe d’Alsace, en 1170. Le sceau de 1164 du même comte n’en fait pas mention. On le chercherait en vain sur les sceaux des prédécesseurs de Philippe.

On constate par la même méthode que le plus ancien blason des Montmorency, la croix cantonnée de quatre alérions, date de 1177 et se trouve sur l’écu de Mathieu II, tandis que le sceau de Mathieu Ier, avant 1160, n’offre aucun emblème héraldique. — L’écu de Conon, comte de Soissons, porte, de 1178 à 1180, le lion passant ; on ne voit pas d’armes apparentes sur le type de ce même Conon en 1172. ― Dès 1189, Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise, tient un bouclier chargé d’un lion rampant, le sceau du même comte ne possède pas d’armoiries en 1177 ; celui de Mathieu II, son prédécesseur, n’en possède pas davantage en 1173. ― Les Coucy présentent en 1190 leur fascé de vair et de gueules de six pièces ; ce blason n’existe pas sur un sceau de 1150. ― Le lion des Garlande apparaît en 1192 et ne figure pas sur un sceau de Gui de Garlande en 1170. — Gérard de Saint-Aubert porte en 1194 un bouclier chevronné à la bordure ; ce seigneur n’a pas encore d’armoiries en 1185. — Les anciennes armes du Hainaut, un chevronné de six pièces, sont reproduites en 1195 sur un sceau de Baudouin le Courageux, tandis que le type de ce même personnage à la date de 1182 en est dépourvu. — Avant 1197, Henri II, comte de Champagne, porte la bande coticée ; mais dans un type précédent de l’année 1180, on n’aperçoit sur le bouclier qu’un umbo accompagné de son armature de fer ; le bouclier de Henri Ier, en 1168, se trouve dans la même condition. — À la date de 1197, Geoffroi, comte du Perche, porte trois chevrons ; l’écu de son père Rotrou III ne contient pas d’armoiries en 1190. — Gautier d’Avesnes, 1199, se couvre d’un écu bandé de six pièces ; Jacques d’Avesnes, en 1186, n’a pas d’armes distinctes. — On remarque sur le sceau de Guillaume, comte de Clermont en Auvergne, 1199, un écu à deux lions passant que ne donnent pas les types de ses devanciers. — Enguerran de Picquigny, vidame d’Amiens, porte, en 1199, un échiqueté sous un chef de vair qui ne se trouve pas chez Gérard de Picquigny, en 1190.

D’après les exemples que je viens de citer, le blason fait son apparition dans les dernières années du XIIe siècle, brusquement, sans transition. Mais il est d’autres types plus anciens où les pièces des armoiries existent, s’annonçant pour ainsi dire avant de passer dans l’écu. Le sceau d’Enguerran, comte de Saint-Pol, antérieur à l’année 1150, est de ce nombre. Il offre déjà plusieurs gerbes dispersées dans le champ.

Enguerran, comte de Saint-Pol.

Ces gerbes deviendront héraldiques plus tard et formeront, au nombre de cinq, le blason de la famille des Candavène à laquelle appartenait Enguerran. — La fleur de lys de France, dont je reparlerai tout à l’heure, fait partie de cette catégorie. Les sceaux des premiers rois de la troisième race, Henri Ier, Philippe Ier, Louis VI, la contiennent en germe, à l’état d’un fleuron, ornant le sceptre, et la couronne ; un fleuron se voit également à la main du souverain.

Fleurons : depuis Robert jusqu’à Philippe-Auguste.

Ce fleuron s’héraldise et commence seulement à prendre des lignes de convention définitives dans le type de Philippe-Auguste.

Contre-sceau de Philippe-Auguste.
— On remarque sur le sceau d’Hellin de Wavrin, 1177, une aigle empiétant un lion ; cette aigle est passée, en 1193, dans l’écu de Robert de Wavrin, sénéchal de Flandre. — Le sceau de Roger de Meulan, 1195, porte dans le champ un lion passant ; en 1197, ce lion, devenu rampant, figure dans l’écu de Jean de Meulan ; Roger de Meulan tient également un bouclier au lion rampant sur un sceau de 1204. — Julienne, dame de Rosoy, se fait représenter, en 1195, accompagnée de deux roses ; ces roses deviennent bientôt héraldiques. L’écu de Roger de Rosoy, en 1201, en porte trois.

Je reviens à la fleur de lys. Jamais question d’origine n’a été plus controversée. Des conjectures probables et des suppositions étranges ont vu le jour à son occasion. Les sceaux interviennent dans le débat et montrent la fleur de lys apparaissant pour la première fois avec un caractère héraldique dans le type de Philippe-Auguste après l’avoir annoncée par le fleuron dès les premiers Capétiens.

Quel est ce fleuron ? d’où vient-il ? Serait-ce la fleur primitive dont le dessin et la plastique appartiennent à toutes les époques, qui a été connue et employée comme motif d’ornementation chez les peuples les plus anciens et les plus divers, dont se servent encore les modernes ? C’est l’opinion d’Adalbert de Beaumont et son auteur la fait valoir avec autant d’esprit que de verve.

D’un autre côté, la sigillographie semble nous entraîner dans une voie toute différente. Si dans les plus anciens types qui représentent la Vierge, on compare les fleurons de la couronne, celui que la Vierge tient à la main, avec les fleurons figurés sur les sceaux de nos rois, on est frappé de leur analogie ; on dirait le dessin du même ornement, du même attribut. Sur un sceau du chapitre de Notre-Dame de Paris, à la date de 1146, les fleurons de la couronne de la Vierge, celui qu’elle porte, le fleuron sur lequel ses pieds reposent, annoncent la future fleur de lys héraldique mieux que ne l’indiquent les sceaux royaux de la même époque.

Chapitre de Notre-Dame de Paris.
— Si l’on interroge le type de l’abbaye de Bonne-Espérance (dioc. de Cambrai) en 1155, on remarquera dans les mains de la Vierge un sceptre terminé par un fleuron des plus caractérisés. — En 1197, la Vierge figurée sur le sceau de l’abbaye de Faremoutiers porte un sceptre dont le fleuron est identique au fleuron que saint Louis tiendra quarante ans plus tard à la main ; la couronne de la Vierge est également fleurdelysée.

Cette étude comparative offre déjà plus qu’un parallélisme. Elle tend à établir que la fleur de lys des types de la Vierge a devancé la fleur de lys de nos souverains. Les rois de France auraient-ils emprunté l’attribut de la reine du ciel ? L’examen des monnaies a conduit M. Anatole de Barthélémy à se poser la même question et à la résoudre affirmativement. L’autorité de notre savant confrère donne un grand poids à cette nouvelle hypothèse.

Je viens d’exposer deux des opinions les plus vraisemblables sur l’origine de la fleur de lys. Toutes les deux ont le mérite d’être tirées de l’imagerie.

En examinant la première, celle du fleuron primitif, on est conduit à se demander : à quelle époque le fleuron a-t-il pris le nom de fleur de lys ? La plus ancienne mention écrite de la fleur de lys que l’on connaisse, se trouve dans une ordonnance de Louis VII, relative au sacre de son fils. Le mot a-t-il été employé à cette occasion pour la première fois ? ou si cette appellation a été appliquée plus anciennement, jusqu’où remonte-t-elle ? Pourquoi dans un acte bien plus rapproché de nous, dans l’inventaire de Charles V, se sert-on indistinctement pour la description de la couronne tantôt du mot fleuron, tantôt du mot fleur de lys, comme de deux expressions synonymes ?

Dans la seconde hypothèse, si le lys a été emprunté à la Vierge, les preuves par les textes sont moins urgentes. La symbolique chrétienne a consacré le lys dès les premiers siècles comme un emblème de la virginité. Il s’agit de rechercher vers quelle date le symbole devient un attribut ; la conclusion se trouve subordonnée à l’étude des représentations de la Vierge antérieures à celles qui viennent d’être citées.

Mais au point où nous sommes arrivés, la sigillographie cesse de nous prêter son concours. Les Carlovingiens se sont servis pour authentiquer leurs diplômes de types empruntés aux empereurs romains et les Mérovingiens ne présentent qu’une tête chevelue de la facture la plus barbare. C’est à un autre ordre de documents figurés qu’il faut demander des renseignements.

Il m’a paru intéressant de feuilleter les manuscrits à miniatures de la période carlovingienne et de consigner ici le résultat de leur dépouillement.

Dans le livre de prières de Charles le Chauve, 842-869 (bibl. nat., latin n°1152), l’empereur est figuré le front ceint d’une couronne à fleurons, tenant un sceptre fleuronné. Le dossier du trône sur lequel le monarque repose est surmonté d’un fleuron à chacun de ses angles. L’agrafe même du manteau rappelle le même ornement.

Charles le Chauve

L’évangéliaire de Godescalc (Bibl. nat., latin n° 1993), écrit spécialement pour Charlemagne, à la date de 780, représente d’autres sujets peut-être plus remarquables. À droite de la tête de saint Jean, on rencontre d’abord une rosace composée de fleurons.

Viennent ensuite de nombreuses pages où les bordures sont décorées de motifs dont le fleuron est l’élément principal, d’arabesques dans lesquelles le fleuron seul a été utilisé. Des bandes remplies d’un semé de fleurons diversement colorés enrichissent plusieurs feuillets,

et, détail des plus curieux, certaines pages contiennent à la fois des fleurons d’ornement de couleur variée et des fleurons de forme identique, mais blancs, émergeant d’une touffe de feuilles vertes.

Ce rapprochement nous conduit à une autre hypothèse, bien répandue, celle de la fleur de lys provenant du lys des jardins.

Voilà donc l’existence du fleuron attribut reconnue chez nos rois et dans les livres écrits pour eux aux premiers temps carlovingiens.

Si nous étudions maintenant les représentations de la Vierge, renfermées en bien petit nombre dans les manuscrits de la même période, nous remarquons qu’elles sont toutes dépourvues d’attribut. Du moment où, selon la mode alors en usage, les Vierges revêtent le pallium, aucun emblème ne les accompagne, ne les caractérise. L’Annonciation, sujet où l’on ne manque jamais dans les époques plus rapprochées de rencontrer le fleuron, ne comporte plus cet attribut dans les missels du Xe siècle. Si l’on consulte d’autre part les manuscrits orientaux du IXe siècle au XIe, livres où le fleuron est, pour ainsi dire, la base de l’ornementation, on constate encore une fois que la Vierge n’est accompagnée d’aucun emblème.

Que conclure de ces dernières recherches ? Sinon que le fleuron attribut ornant la couronne et le sceptre de nos souverains remonte à la date des plus anciens manuscrits illustrés, 842-869, et que la Vierge, à partir du XIe siècle, ne portant plus de fleuron ne saurait l’avoir transmis à nos rois.

Les blasons du XIIe siècle sont rares et peu connus. On ne trouvera peut-être pas mauvais que j’ajoute encore quelques noms aux exemples déjà cités.

En 1177, Eudes de Ham porte trois croissants ;

1180, Guillaume de Boury, un croissant ;

avant 1181, Gérard, comte de Boulogne, trois tourteaux.

1182, Robert de Béthune, trois bandes.

1184, Pierre de Courtenai, trois tourteaux.

1186, Jean de Bréval, un chevronné ; — Gui le Bouteiller de Senlis, trois gerbes.

1188, Agnès de Saint-Verain, deux fasces accompagnées de merlettes en orle.

1189, Hilbert de Carency, une fasce ; — Mathilde de Portugal, cinq écussons semés de besants.

1190, Gérard de Ronsoy, un burelé ; — Hugues de Vallery, un fascé semé de fleurs de lys.

1191, Baudouin de Mortagne, un dextrochère.

1193, Jean, châtelain de Noyon, un parti d’une fasce et d’un palé de vair sous un chef vivré ; — Robert de Chartres, deux fasces.

1195, Gilles de Trazegnies, un coticé à la bordure denchée ; — Robert, comte de Leicester, un échiqueté ; — Simon de Montfort, un lion ; — Pierre de Gamaches, un lion léopardé passant ; — Rasse de Gavre, un double trécheur fleuronné ; — Richard de Vernon, un sautoir.

1196, Richard de Banthelu, une fasce accompagnée de six oiseaux en orle.

1197, Pierre du Maisnil, un franc-canton ; — Hugues d’Auchy, un échiqueté à la fasce brochant.

1198, Gui de Moimont, trois bandes sous un chef ; — Eudes III, duc de Bourgogne, un bandé à la bordure ; — Jean de Villers-Guislain, un losangé.

1199, Dauphin d’Auvergne, un dauphin ; — Guillaume, comte de Clermont-d’Auvergne, deux lions passant ; — Aimar, comte d’Angoulême, un losangé ; — Raoul d’Inchy, un fascé d’échiqueté et de vair de six pièces.


Dans les pages qui précèdent, j’ai montré les vraies armoiries, les armoiries héréditaires prenant naissance au dernier quart du XIIe siècle dans plusieurs familles et plusieurs États à la fois. Je vais indiquer à présent comment elles sont figurées sur les sceaux.

Les blasons commencent à se produire dans les types équestres. Ils se posent d’abord sur le bouclier que le personnage tient à la main, en langage de chevalerie, sur l’écu. Sans attendre que l’umbo ait disparu, les pièces héraldiques se rangent comme elles peuvent dans son voisinage. Je citerai comme exemples les sceaux de Philippe d’Alsace, 1170, — d’Eudes de Ham, 1177, — de Richard de Vernon et de Richard Cœur-de-Lion, 1195. Les armoiries occupent ensuite le bouclier en cœur de la fin du XIIe siècle. Les divers écus qui succèdent à ce dernier continuent à les recevoir et finissent même, au XIVe siècle, par ne plus avoir d’autre destination.

Mais l’écu du chevalier ne jouit pas longtemps seul du privilège des emblèmes féodaux. Le blason, en vogue depuis peu d’années, envahit bientôt la selle, se posant sur le poitrail en 1215 (sc. de Robert de Braine), sur l’arçonnière de derrière en 1224 (sceau de Mathieu II de Montmorency). À peine la cotte d’armes est-elle entrée dans le vêtement chevaleresque, la housse dans la défense du cheval, 1225, qu’elles se couvrent d’armoiries (voy. le type de Savari de Mauléon). Avant 1230, la lance quitte le gonfanon à banderoles pour prendre une bannière rectangulaire, aux armes. L’ailette, la pièce qui défendait l’épaule, devient dès son origine, 1294, une des pièces honorables portant les armoiries du personnage (sc. de Pierre de Chambly). Le heaume de Philippe d’Alsace est marqué du lion de Flandre ; celui d’Amauri, sénéchal d’Anjou, 1223, présente sur son pourtour le losangé des Craon ; un Flamand, Jean d’Axel, coiffe, en 1336, un heaume armorié d’un chevron.

Avant d’aller plus loin, je placerai une observation. Elle découle de ce qui a été exposé jusqu’à présent. L’armature du bouclier engendra, dit-on, les premières pièces de blason. Il suffira, pour réduire à sa juste valeur cette opinion trop généralisée, de citer le lion de Flandre, 1170, — les croissants de la maison de Ham, 1177, — les tourteaux des comtes de Boulogne, 1181, — et ceux des Courtenai, 1184, — les merlettes des Mello, 1185, — les gerbes des Bouteiller de Senlis, 1186, — le dextrochère des Mortagne, 1191, — le lion des Montfort, 1195, etc. Tous ces emblèmes empruntés aux plus anciennes armoiries n’offrent rien de commun avec la ferrure symétrique d’un écu.

J’ajouterai que la nécessité de placer des armoiries sur l’écu compte pour bien peu dans les modifications qu’il a subies. Ses changements de forme, je crois l’avoir démontré dans l’étude sur le type chevaleresque, tiennent par un lien étroit au progrès de l’habillement défensif. D’ailleurs les boucliers de tous les temps n’ont-ils pas été décorés de signes distinctifs ?


Le type héraldique.


Je passe maintenant au type héraldique proprement dit. On appelle ainsi une représentation dans laquelle l’écu tient la principale place sur le champ du sceau ou l’occupe seul tout entière. D’abord droit, puis penché, l’écu reste parallèle de figure au bouclier tenu par les chevaliers, mais sa dimension est plus grande.

Écus droits.

Le type héraldique apparaît vers 1193. L’écu, à cette date, figure debout et seul dans le champ du sceau dont il occupe la plus grande surface et presque toute la hauteur. Il a la forme dite en cœur. À ce modèle appartiennent les sceaux de Robert de Chartres, 1193, — de Henri d’Estouteville et de Henri de Ferrières, 1205, — d’Eudes des Barres, 1210, — de Nicolas d’Estrées, 1215, — de Thibaud de Berville, 1218, — d’Ansel de Gournay, 1221, — de Jean de Beaumont-sur-Oise, 1237.

Henri de Ferrières.

Mais avant d’atteindre cette date extrême, la forme en cœur a commencé de se modifier. Chez certains écus, le bord supérieur a déjà perdu de sa convexité. Il s’est rapproché de la ligne droite, ses angles seuls restant arrondis. Les sceaux de Roger de Meulan, 1204, — de Guillaume de Garlande, 1211, présentent ce changement d’une façon très-sensible.

Guillaume de Garlande.

En 1227, l’écu est devenu triangulaire, presque aussi large que haut, à angles émoussés. Voyez les types de Gautier de Chateron, 1227, de Pierre de Canly, 1231.

Gautier de Chateron.

Puis de 1254 à 1291, le triangle s’allonge ; son bord supérieur devient tout-à-fait droit et même un peu concave, à angles adjacents franchement accusés. Quelquefois ses bords latéraux sont presque droits comme sur le sceau de Nicolas de Pomponne, 1254, ou tout-à-fait droits comme au type de Sebran Chabot, 1269.

Sebran Chabot.

Mais leur forme ordinaire sera légèrement convexe (voy. les types de Raoul Bouteiller de Senlis, 1266, de Simon du Châtel, 1291) et ils conserveront cette courbure par la suite.

Raoul Bouteiller de Senlis.

Pendant cette dernière période, le goût des accessoires ornés commence à se faire sentir. On inscrit quelquefois l’écu dans une rosace à lobes garnis de rinceaux. Les types de Maurice de Craon, sénéchal d’Anjou, 1271, et de la sénéchaussée de Saintonge à la Rochelle, 1273, offrent les plus beaux spécimens de cette sorte d’ornementation.


Sénéchaussée de Saintonge à la Rochelle.


On entoure ensuite l’écu de motifs tirés de l’architecture de l’époque et dont l’ogive forme l’élément principal. Ce sont des trilobes ou des quadrilobes, tantôt simples, tantôt combinés avec un système de petits arcs ou d’angles sortants, décorés à l’intérieur de festons, de feuillages, d’animaux, de figures emblématiques telles que celles des quatre évangélistes.

De plus, l’écu est accompagné, vers 1344, de personnages naturels ou fantastiques, d’animaux, d’oiseaux qui le soutiennent d’ordinaire, l’un à droite, l’autre à gauche.

Le sceau d’Humbert II, fils du dauphin Jean, en 1349, nous fournit un des plus riches exemples de ces nouvelles dispositions. L’écu est placé droit dans un quadrilobe. Deux hommes sauvages à cheval sur des griffons le supportent de chaque côté. Dans le lobe supérieur, un homme d’armes, l’épée à la main et tenant un bouclier, est assis sur un lion couché. Le lobe inférieur contient un masque humain de face, entre deux chimères.

Humbert II.

Toutefois la composition du sceau n’exige pas toujours un encadrement architectural. Perronnelle, vicomtesse de Thouars, en 1378, fait supporter son écu par deux lions au manteau échiqueté sur l’épaule et le suspend par la guiche, c’est-à-dire la courroie, au cou d’une aigle, sans avoir recours à des ornements accessoires. Dans le type de Charles d’Artois, 1413, l’écu posé sur un fond de rinceaux, sans encadrement, est supporté par deux béliers et surmonté d’un troisième.

Perronnelle, vicomtesse de Thouars.


Écus penchés.

Les écus dont il a été parlé jusqu’à présent sont droits, debout sur la pointe dans le champ du sceau. Vers le milieu du XIVe siècle, la mode vint de les placer de biais, de les pencher et de poser sur leur angle le plus élevé un heaume surmonté d’un cimier, en termes de blason de les timbrer. On leur donna des supports, comme il vient d’être dit pour les sceaux droits, d’ordinaire au nombre de deux, l’un à droite, l’autre à gauche. D’autres fois la disposition n’en comporte qu’un seul, tandis que dans certains cas on a eu recours à des supports multiples.

Dès le déclin du XIIIe siècle, on a songé à soutenir l’écu, mais les vrais supports héraldiques commencent, ainsi que je l’ai déjà dit, vers 1344. On a demandé, pour remplir cet objet, des motifs à tous les règnes de la nature, au ciel, à la mythologie. Le ciel a donné les anges qui tiennent l’écu de France et ceux de beaucoup de dames. La fable a prêté les centaures, les cerfs ailés, les licornes, le phénix, les griffons, les sirènes et les tritons.

À la terre on a pris l’homme dans ses différents états, depuis l’homme d’armes jusqu’à l’homme sauvage, et parmi les animaux : le bélier, la biche, le cheval, les chiens de diverses espèces, le léopard, le lion que l’on a quelquefois coiffé d’un heaume ou recouvert d’un manteau armorié, des loups, des ours, des rats, des sangliers. Les arbres même ont fourni leurs branches, ou estocs. Dans le domaine des oiseaux, on a choisi l’aigle, le cygne, le héron ; les aigles portent aussi quelquefois le manteau armorié, et les cygnes le heaume. On ne pouvait manquer d’emprunter à la mer le dauphin.

Les supports n’ont pas un rapport direct avec les blasons, si ce n’est lorsqu’ils sont vêtus, mantelés ou cravatés, dans lequel cas le manteau ou la cravate répète les armoiries de l’écu ; mais ils se continuent souvent dans les familles, et à ce titre ils méritent d’être étudiés.

Je donnerai quelques exemples de support unique, de supports doubles et de supports plus compliqués, en commençant par le support unique, plus ancien de quelques années que le composé.


Support unique.


Une aigle porte à son cou l’écu de Louis Ier, duc d’Anjou, 1370.
L’écu de Marie, fille de Charles le Téméraire, 1477, est soutenu par un ange. L’archange saint Michel porte l’écu de Jean IV, duc de Bretagne, 1391.
Jean, duc de Berri, 1393, fait tenir son écu par un cygne coiffé d’un heaume.
Sur le sceau de Guillaume Cousinot, chambellan du roi, 1473, une dame soutient d’une main l’écu et de l’autre le heaume. — Certaines dames, dans les types les plus anciens, semblent supporter elles-mêmes leur blason : Marguerite de Courcelles, 1284, — Alix de Verdun, 1311, — Hélissent des Barres, femme de Guillaume de Thianges, 1316, appuient une main sur leur écu, et l’autre sur l’écu de leur mari.
Charles, dauphin de Viennois, vers 1355, fait soutenir son écu par un dauphin.
Sur le sceau de Jean, fils d’Humbert Ier, 1294, un griffon porte à son cou l’écu au dauphin.
Les hommes d’armes en pied, à mi-corps, en buste, ont été très-employés. L’écu de Florent de Hainaut, 1283, est supporté par un guerrier debout.
Florent de Hainaut.

Un homme d’armes à mi-corps tient l’écu de Bertrand de Briquebec, maréchal de France, 1325, de Pierre Tournebu, 1339, de Charles III, comte d’Alençon, 1356, d’Olivier de Clisson, 1397.
Un lion heaumé, assis et souvent mantelé, supporte les écus des comtes de Flandre, depuis Louis de Mâle jusqu’à Charles le Téméraire. — C’est encore un lion heaumé qui porte à son cou l’écu de Jean de Rodemack, 1398,
Jean de Rodemack.

de Jean IV, comte d’Alençon, 1408, — de Guillaume de Dommartin, 1425.
Dans le type de Marguerite de Pommiers, vicomtesse de Fronsac, en 1394, un oiseau à tête humaine soutient deux écus.


Deux supports.

Les supports doubles peuvent être semblables ou différents.

1o Deux supports semblables.
Deux aigles. Bureau de la Rivière, chambellan du roi, 1399 ; — Louis, duc d’Orléans, 1401 ; — Dunois, 1444 ; — Les aigles sont mantelées sur le sceau de Jean VII d’Harcourt, 1410.
Deux anges supportent les armes de France dès Charles VII ; l’écu de Jeanne, dame de Planes et de la Mouche, 1376.
Deux béliers. Charles d’Artois, 1413.
Deux biches. Arnoul d’Ordingen, 1431.
Deux centaures ailés tenant des instruments de musique. Monseigneur de Saint-Dizier, queux de France, 1360.
Deux chevaux. Jean II, comte de Tancarville, 1366.
Deux chiens. Jean de la Ferté, 1391. — Charles d’Artois, comte d’Eu, 1468, emploie deux dogues ; — Guillaume, vicomte de Melun, 1397, et Sacquet de Blaru, chambellan du roi, 1415, deux lévriers.
Deux cygnes. Jean d’Orléans, comte d’Angoulême, 1445. Ils sont montés chacun sur un ours dans le type de Jean, duc de Berri, 1386.
Jean d’Orléans.
Deux dames ou damoiselles. Bertrand du Guesclin, 1365 ; — Pierre de Brebant, amiral de France, 1406 ; — Charles Ier, duc de Bourbon, 1439 ; — Hugues de Montmorency, chambellan du roi, 1482.
Deux dauphins. L’écu de Charles VI, sceau secret vers 1387 ; Louis II, duc de Bourbon, 1393.
Deux griffons. Olivier de Clisson, 1387 ; — Philippe de Habarcq, Jacques de Luxembourg, tous deux chambellans du roi, 1482.
Deux hérons. Gilles d’Eclaibes, 1428.
Deux hommes sauvages. Jean, vicomte de Melun, chambellan de France, 1340 ; — Bouchard VII, comte de Vendôme, 1368 ; — Jean VI, comte d’Harcourt, 1376 ; — Jean de Bourbon, comte de la Marche, 1384 ; — deux hommes sauvages à cheval sur deux lions, au sceau de Gérard de Harchies, 1476.
Deux sarrazins. Jean Ier, comte d’Armagnac, 1343-60 ; — Louis II, comte d’Etampes, 1381.
Deux léopards mantelés. Perronnelle, vicomtesse de Thouars, 1378.
Deux licornes. Bertrand II, comte de Boulogne, 1473.
Deux lions. Jean, comte de Dreux et de la Braine, 1287 ; — Charles, comte de la Marche, qui fut Charles le Bel, 1317 ; — Jean de Boulogne, comte de Montfort, 1351 ; — Charles, duc de Normandie, plus tard Charles V, 1360 ; — Guillaume de Penhoët, 1381 ; — Jean sans Peur, 1403 ; — Bureau de Dicy, échanson du roi, 1404 ; — Louis de Chalon, prince d’Orange, 1432 ; — Louis de Laval, chambellan du roi, 1465 ; — François II, duc de Bretagne, 1475. — Deux lions au manteau armorié et chargé d’une devise. Hugues de Gramont, 1341. — Deux lions assis, coiffés d’un heaume cimé d’une tête humaine à oreilles d’âne. Arnaud-Amanieu d’Albret, 1368.
Deux loups. Amanieu de Pommiers, 1374.
Deux oiseaux (deux colombes ?). Jean Bétas, chambellan du roi, 1401.
Deux ours. Louis de bourbon, comte de Montpensier, dauphin d’Auvergne, 1450.
Deux rats. Renaud de Velort, 1449.
Deux sangliers couronnés. Arthur de Bretagne, connétable de France, 1435.
Deux sirènes. Pierre, duc de Bourbon, 1352 ; — Bernard VII, comte d’Armagnac, le connétable, vers 1408 ; — Philippe de Lévis, 1415 ; — Bernard d’Armagnac, comte de la Marche, 1444.


2o Deux supports différents.
Une aigle et un lion. Jean du Chastelier, 1381.
Jean du Chastelier.
Un cerf ailé et une licorne. Pierre de Bourbon, comte de Clermont-en-Beauvoisis, 1462.
Un chien lévrier et un lion. Édouard de Bar, 1407.
Une damoiselle et un lévrier. Girard de Cousance, 1398.
Une damoiselle et un griffon. L’amiral Louis de Graville, 1514.
Une damoiselle et un homme sauvage. Guillaume de Naillac, chambellan du roi, 1386.
Un estoc et un lévrier. Jeanne de Bourbon, comtesse d’Auvergne et de Boulogne, 1502.
Un griffon et un lion. Gui de Blois, 1367 ; — Clément Rouhaut, vicomte de Thouars, 1378 ; Charles de Trie, comte de Dammartin, 1394.
Un homme sauvage et une dame. Balthasar de Bélousac, 1380.
Un homme et une femme sauvages. Jean de Trezeguidy, 1381 ; Jean de Tiercent, 1427.
Un lion et une aigle. René d’Anjou, 1429, 1431.
Un lion et un homme sauvage. Hugues de Hames, chambellan du duc de Bourgogne, 1451.
Un ours et un cygne. Jean, duc de Berri, 1379.
Un phénix et un lion. Denis de Chailly, chambellan du roi, 1436.
Une sirène et un dauphin. Henri, comte de Lützelstein, 1381.
Une sirène et un triton. Guillaume Bodin, 1381.


Supports multiples

Trois anges. Isabelle de Ghistelles, vicomtesse de Meaux, 1418.
Quatre anges. Jacqueline de Béthune, vidamesse d’Amiens, 1422.
Trois damoiselles. Marie de Berri, femme de Jean Ier, duc de Bourbon, vers 1412.
Six ours. Jean, duc de Berri, vers 1408.
Jean, duc de Berri.


Des cimiers.

Des appendices surmontent déjà quelques heaumes vers la fin du XIIe siècle. Leur usage devient général, cent ans après, à l’apparition du casque ovoïde. Qu’ils soient simplement symboliques ou qu’ils portent les pièces principales des blasons héréditaires lorsqu’ils ne les reproduisent pas en entier, les cimiers sont encore plus utiles à étudier que les supports. La vue d’un cimier seul peut faire connaître le nom d’une famille.

Les cimiers sont tantôt simples et tantôt composés de ou plutôt accompagnés. L’accompagnement comporte, d’ordinaire, une paire d’ailes qu’on nomme vol ou une paire de cornes entre lesquelles est placé le cimier proprement dit. Il est à noter que ce sont les vols ou les cornes qui répètent de préférence les pièces d’armoiries figurées sur l’écu.

On a pris les cimiers aux mêmes sources que les supports. Mais comme les cimiers sont bien plus nombreux, force a été de subdiviser les sujets qu’ils doivent représenter, soit en les fractionnant, soit en variant leur posture. Dans le type humain on a employé des bustes, des têtes, des bras. Les animaux sont devenus passants, rampants, assis, à mi-corps ou issants ; on s’est servi des têtes, des cornes, des pieds.

De plus l’on a eu recours à des pièces artificielles représentant des objets fabriqués par la main de l’homme : des annelets, des boules, des buires, des chapeaux, des châteaux, des couteaux, des croissants, des globes, des haches d’armes, des lettres de l’alphabet, des plumails de diverses formes et de diverses matières, — plumails en aigrette, en crête, en éventail, en houppe, en touffe de plumes de paon ou de feuillage, — des roues, des tonneaux, etc.

Voici quelques exemples de cimier tirés de la collection des Archives nationales.

Aigle. — Philippe d’Artois, comte d’Eu, 1392, cime d’une aigle dans un vol. — Olivier de Mauny, 1368, Georges de la Trémouille, 1435, ciment d’une tête d’aigle. — Bertrand du Guesclin, 1365, d’une tête d’aigle dans un vol. — Les seigneurs de Sars, de Ville, au XVe siècle, ciment de deux serres.
Ane. — Henri de Bautersem, 1404, a pour cimier une tête d’âne. — Bureau de la Rivière, chambellan du roi, 1367, cime de deux oreilles d’âne reliées par une bande aux armes de l’écu. — Les Penhoët ciment de deux oreilles d’âne.
Annelet. — La famille d’Ornes cime d’un annelet ; elle en a cinq dans son écu.
Arbre. — Aimar de Vinay, 1350, porte pour cimier un arbre planté dans une terrasse entre deux cornes.
Bannière. — Mathieu de Beauvoir, 1260, porte trois petites bannières sur son heaume.
Bélier. — Les Flamands Ghildolf de Bruges, 1365, Jean de Ghistelles, 1371, ciment d’une tête de bélier.
Bœuf. — Les vicomtes de Melun Jean, 1340, et Guillaume, 1397, Arnaud de Podensac, 1374, Guillaume IV, comte de Tancarville, 1398, Sacquet de Blaru, chambellan du roi, 1415, ciment d’une tête de bœuf. — Gaston-Phoebus, 1389, d’une tête de bœuf dans un vol.
Buire. — Les seigneurs de la Hamaide, au XVe siècle, ciment de deux buires.
Canette. — Les Vaucler, 1381, ciment d’une canette ; ils en ont trois dans l’écu.
Cerf. — Robert de Fiennes, connétable de France, 1358, Jean d’Acigné, 1380, Guillaume de Soulages, 1393, Pierre de Mornay, 1383, ciment d’une tête de cerf.
Chameau. — Jean du Mez, 1404, porte en cimier une tête de chameau.
Château. — Hervé du Châtel, 1387, Olivier du Châtel, 1427, ciment d’un château.
Cheval. — Gaucher de Monteil, 1335, cime d’une tête de cheval entre deux damoiselles. — Jean de Saint-Omer, 1359, les Wattripont, XVe siècle, ciment d’une tête de cheval.
Chèvre. — Adam de Hellebecq, 1336, emploie une tête de chèvre. — Geoffroi Ruffier, 1380, en porte deux.
Chien. — Erard de Villers, 1346, cime d’un chien assis dans un vol. — Les Hangest, les Montmorency, d’une tête de chien. — Hector de Bailleul, 1566, de deux têtes.
Chouette. — Hugues de Bouville, 1330, Philippe de Bourgogne, 1483, portent une chouette.
Coq. — Sohier de la Vallée, 1427, cime d’un coq entre deux cornes. — Jean du Sages, 1375, d’une tête de coq. — Jean de Blumerey, 1359, de deux têtes de coq.
Cornes. — Bernard, comte de Ventadour, 1355, cime de deux cornes. — Jean et Geoffroi de la Motte, 1380, de deux cornes aux bandes engrêlées de l’écu. — Gautier d’Antoing, 1391, Guérard du Boulay, 1405, deux cornes. — Robert du Plessis, 1381, Louis de Chalon, prince d’Orange, 1432, deux cornes de cerf. — Philippe, comte de Sarrebourg, 1460, cime de deux cornes de chamois. — Bouchard de Fenêtrange, 1360, de deux cornes de chèvre.
Couteaux. — Guillaume et Robert l’Ardenois, seigneurs de Spontin, 1421, ciment de deux couteaux.
Croissant. — Alain de Mauny, 1381, d’un croissant (aux armes).
Cygne. — Jean de Boulogne, comte de Montfort, 1351, porte un cygne. — Ulric de Fenêtrange, 1363, une tête et col de cygne (ici c’est la calotte du cimier qui est aux armes : une fasce) ; chez Jacques de Fenêtrange, 1425, la tête du cygne est dans un vol et c’est le vol qui porte la fasce.
Dauphin. — Béraud Dauphin, comte de Clermont, 1423, porte un dauphin dans un vol.
Dragon. — Pierre de Luxembourg, 1428, cime d’un dragon. — Guillaume Lévêque, 1381, d’une tête de dragon dans un vol aux armes du chef de l’écu (des fleurs de lys).
Écureuil. — Pierre de Poix cime d’un écureuil, 1517.
Fleur de lys. — Les ducs de Bourgogne de la maison de France ciment d’une fleur de lys double, fleur de lys qu’on pouvait reconnaître dans tous les sens. — Louis, duc d’Orléans, 1401, Jean Ier, duc de Bourbon, 1412, René d’Anjou, 1429, Pierre de Bourbon, comte de Clermont-en-Beauvoisis, 1462, Charles d’Artois, comte d’Eu, 1468, portent également en cimier la fleur de lys doublée. — Charles Ier, duc de Bourbon, 1444, Charles, comte du Maine, 1445, ont la fleur de lys simple.
Gerbe. — Les seigneurs de Vouécourt, XVe siècle, ciment d’une gerbe.
Griffon. — Jean II, comte de Dammartin, 1361, cime d’un griffon. — Louis, bâtard du Maine, d’un griffon assis, 1475. — Waleran de Luxembourg, comte de Saint-Pol, 1404, d’un griffon issant. — Philippe de Habarcq, 1482, chambellan du roi, d’une tête de griffon.
Hache d’armes. — Jean de la Souraye, 1381, cime de deux haches d’armes ; son écu porte également deux haches d’armes.
Héron. — Jacques de Cantaing, 1389, cime d’une tête de héron.
Homme. — Alexandre et Gui de Virton, 1366, ciment d’un moine tenant son chapelet. — Rollon de Sarley, 1425, d’un personnage en prière. — Charles de la Rivière, 1339, cime d’un buste d’homme barbu, les bras élevés. — Gérard de Maurage, 1427, d’une tête de roi. — Charles de Poitiers, 1378, d’une tête de vieillard. — Gérard d’Ecaussinnes, 1397, d’une tête d’homme coiffée d’un chaperon. — le Soudich de la Trau, 1364, d’une tête humaine à oreilles d’âne. — Jean de Laval, 1370, d’une tête de magicien. — Jean de Billy, 1467, d’une tête de Maure. — Jean de la Roche, 1354, cime de deux bras tenant chacun une aigrette. — Jean de Fontaines, 1411, cime d’un homme sauvage dans un vol. — Raimond-Arnaud, de Conrart, 1407, cime d’une damoiselle. — Louis de Montjoie, 1404, d’un buste de reine. — Jean d’Escauffour, d’un buste de femme, 1419. — Berthelot le Roux, 1381, d’une tête de femme.
Houseaux. — Jacques du Sart, 1346, cime de deux houseaux.
Lettre R. — Gautier du Ray, 1351, cime de son initiale couronnée et surmontée d’un panache.
Licorne. — Hervé de Saint-Gouëno, 1373, cime d’une licorne. — Amauri de Fontenay, 1380, Antoine de Veres, 1486, d’une tête de licorne.
Lion. — Baudoin de Constantinople, en 1197, porte un heaume cimé d’un lion. — Richard Cœur-de-Lion, 1198, a pour cimier un lion dans une aigrette en éventail. — Louis, vicomte de Thouars, 1337, cime d’un lion assis entre deux cornes de cerf. — Les comtes de Flandre, les ducs de Bretagne, ciment d’un lion assis. — Geoffroi d’Harcourt, 1339, cime d’un lion issant dans un vol. — Bouchard VII, comte de Vendôme, 1368, cime d’un lion issant qui rappelle le lion de l’écu. — Gérard de Tury, 1357, cime d’une tête de lion dans un vol. — Guillaume de le Hove, 1428, de deux pattes de lion.
Loup. — Raoul de Raineval, 1381, Colard de Rambures, 1412, ciment d’une tête de loup, ainsi que Pierre d’Amboise, vicomte de Thouars, 1401.
Oie. — Roland de Trémerrot, sire de Plumoison, 1381, cime d’une oie.
Ours. — Jean de Craon, 1378, d’une tête d’ours. — Amé d’Esnes, 1461, d’une tête d’ours muselée.
Paon. — Mathieu II de Montmorency, connétable de France en 1224, et Gui Pot, comte de Saint-Pol, 1488, ciment d’une tête de paon.
Pieds fourchus. — Laurent Hauwel, 1368, Gilles du Loqueron, 1416, Pierre de Hénin, 1428, ciment de deux pieds fourchus.
Plumail. — Philippe de Gournaux, 1352, cime d’une aigrette en éventail aux armes (des tours). — Gérard de Potte, 1333, d’une aigrette entre deux têtes de chèvre. — Eustache de la Houssaye, 1380, d’une crête échiquetée aux armes. — Gautier de Mauny, 1348, d’une touffe. — Louis de Navarre, comte de Beaumont-le-Roger, 1365, d’une touffe de plumes de paon ; ainsi que Jean VII d’Harcourt, 1410, et Charles Ier, duc de Bourbon, 1439. — Baudouin, comte de Guines, 1235, le connétable Bernard VII, comte d’Armagnac, vers 1408, ciment d’une touffe de feuillages. — Jean du Houx, 1380, Jean de la Houssaye, 1381, d’une touffe de feuilles de houx.
Poissons. — Gérard de Sivry, 1427, cime d’un poisson.
Pomme de pin. — Jean de Chalon, 1481.
Pot. — Alain de Montbourcher, 1381, cime d’un pot ; il en a trois dans l’écu.
Quintefeuille. — Jean des Hayes, 1381, cime d’une quintefeuille ; son écu en porte trois.
Rose. — Roland de Ploiz, 1381, cime d’une rose ; il y a trois roses dans l’écu.
Roue. — Jean de Vendégies, 1428, cime d’une roue.
Sagittaire. — Charles, comte de la Marche, qui devint Charles de Bel, cime en 1317 d’un sagittaire.
Sanglier. — Jean d’Aunoy, 1394, chambellan du roi, cime d’une hure.
Singe. — François de l’Hôpital, 1408, Baudri de Roisin, 1427, portent en cimier un singe assis.
Sirène. — Jean Rasoir, 1463, cime d’une sirène.
Tonneaux. — Guillaume de Wargnies, 1363, Gilles des Prés, 1427, ciment de deux tonneaux.
Vol. — Jean le Maingre, dit Boucicaut, 1366, Jean de Rye, à la même date, Olivier de Clisson, 1387, Philippe de Lévis, 1415, ciment d’un vol. — Jean de Créhange, 1425, d’un vol aux armes : une fasce.


Volet. Lambrequins.

Le cimier était fixé sur le timbre du casque par une calotte en cuir. On masquait la jointure avec une pièce d’étoffe légère roulée, le tortil, dont les bouts flottaient par derrière. Ces deux extrémités libres s’appelaient le volet. Un des premiers volets se rencontre en 1322, sur le sceau de Jean de Châtillon, sire du Tour. On peut citer ensuite : les sceaux de Guillaume de Montbis, 1339, de Godefroi de Vienne, 1341, de Philippe de Gournaux, 1352, d’Ulric de Fenêtrange, 1363.

Dans certains types héraldiques sans supports, les deux pans du volet se développent dans le champ du sceau et répètent assez fréquemment les armoiries du personnage. Chez Hugues de Bouville, 1330, le volet reproduit le chevronné de l’écu. Le volet de Gaucher de Monteil, 1335, est aux armes de la famille, la croix de Toulouse brisée d’un estoc. Sur le sceau de Gautier de Mauny, 1348, le volet d'hermines rappelle seulement les armes de la Bretagne, son pays.

Au XVe siècle et au XVIe siècle, on a tailladé profondément les bords du volet, et ces lambeaux courbés, hachés, enroulés se sont répandus dans le champ du sceau. On dirait plutôt un ornement de feuillage qu’une pièce d’étoffe. Ce volet dégénéré s’est nommé, en termes de blason, hachements, lambrequins. Gui de Barbençon, 1428, — Raoul de Gaucourt, chambellan du roi, 1446, — Jean de Chalon, 1481, — Gui Pot, comte de Saint-Pol, 1488, — François d’Ailly, 1515, — Philippe de Lannoy, 1526, offrent dans leurs types des exemples variés de lambrequins.


Écus arrondis du bas, en losange, ronds, carrés ou en bannière, en palette, hexagones et de fantaisie.

L’étude du type héraldique a porté jusqu’à présent sur l’écu le plus usité, l’écu triangulaire. Il me reste à mentionner d’autres formes d’un usage plus restreint.

Écu à pointe arrondie. — Dans les contrées méridionales, l’habitude était d’arrondir la pointe de l’écu de façon à lui donner l’aspect d’un U moderne. Tel est l’écu de Sicard Allemand, en 1248, de Gaston VII, vicomte de Béarn, 1266, 1276, des comtes de Comminges, de Foix, de Toulouse, etc.

Sicard Allemand.

Écu en losange. — Dès 1262, on rencontre la forme en losange, employée de préférence par les dames, rarement par les hommes. Isabelle de Saint-Vrain place, en 1262, son aigle éployée dans un écu en losange ;

Isabelle de Saint-Vrain.


Catherine de Bourbon, femme de Jean VI, comte d’Harcourt, 1376, montre, au centre d’un quadrilobe, son initiale K, entourée de quatre écus en losange. On pourrait citer encore : Jeanne, femme de Charles de Blois, duc de Bretagne, 1369 ; Marguerite de Flandre, femme de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, 1403 ; Jeanne de Bourbon, comtesse d’Auvergne, 1502. Et parmi les hommes qui ont adopté l’écu en losange : Pierre de la Fauche, 1270 ; Jean Ier, comte d’Armagnac, 1369.

Écu en bannière. — Les dames, au XVe siècle, ont souvent fait usage de l’écu en bannière, écu de forme carrée ou rectangulaire, qui figure aussi parfois sur les sceaux de chevaliers. Jeanne, dame de Planes, offre, dans son type de 1376, un écu carré enfermé dans un quadrilobe.

Jeanne, dame de Planes.

L’écu de Marguerite de Bavière, femme de Jean-Sans-Peur, appartient à cette catégorie. Deux sceaux d’Alfonse d’Espagne, 1324, 1325, portent chacun, dans un quadrilobe, un écu en bannière supporté par deux hommes sauvages et soutenu par deux anges.

Ce sera peut-être le lieu de citer ici quelques types du XIIIe siècle dans lesquels une vraie bannière avec le manche et le fer remplace elle-même l’écu. Voyez le contre-sceau d’Amauri VI, comte de Montfort, 1234, d’Archambaud X, sire de Bourbon, 1247, et de Roger de Mortagne, 1275 ; chez ce dernier, un bras, couvert de mailles, tient le fût de la bannière.

Amauri VI, comte de Montfort.

Écu rond. — Des écus ronds se voient sur les sceaux de Louis, comte de Clermont-en-Beauvoisis, 1325, de Louis Ier et de Louis II, ducs de Bourbon, 1331, 1394, de Gui de Rochefort, 1380, de Jean, duc de Berri, vers 1408, et chez certaines dames parmi lesquelles : Marie d’Espagne, deuxième femme de Charles de Valois, comte d’Alençon, 1347, Jeanne, duchesse de Bretagne, femme de Charles de Blois, en 1369. Dans ce dernier exemple, l’écu de Bretagne en losange est accompagné de quatre écus ronds, séparés par de petits anges jouant des instruments.

Jeanne, duchesse de Bretagne.


Écu en palette. — Sur les sceaux d’Enguerran de Coucy, en 1380, d’Olivier de Clisson, connétable de France, 1397, un homme d’armes tient un écu en palette.

Olivier de Clisson.


Écu hexagone. — Un écu de forme hexagone se remarque dans le type de Marie Chamaillard, femme de Pierre II, comte d’Alençon, 1391.

Marie Chamaillard.


Écu ovale. — Un contre-sceau d’Alfonse de Portugal, second mari de Mathilde, comtesse de Boulogne, 1241, offre un échantillon d’écu ovale.

Alfonse de Portugal.


Écu de fantaisie. — La fantaisie est entrée aussi dans le domaine du blason, se plaisant à transformer en écus des objets inaccoutumés. Isabelle de Cirey, dame de Vaucouleurs, femme de Gautier de Joinville, 1298, nous montre les broies au lion issant des Joinville figurées sur une coquille. Les armes de Pierre de Navarre, comte de Mortain, 1404, ont été tracées sur une figue.

Pierre de Navarre.


L’écu droit de Jean de Blumerey, 1359, timbré d’un heaume à volet et cimé de deux têtes de coq, présente tout à fait l’apparence d’un insecte ailé. Les têtes de coq figurent les antennes, le volet de vair simule les deux ailes ; il n’y a pas jusqu’au burelé de l’écu qui, rappelant les bandes de l’abdomen, ne servent à compléter l’illusion.

Jean de Blumerey.


Il est enfin des cas où les pièces héraldiques ne sont pas renfermées dans un écu et occupent directement le champ du sceau.


Des brisures.

On entend par brisure certaine marque distinctive que les branches cadettes ou collatérales devaient introduire dans le blason de leur famille. Au chef seul de la maison appartenait le droit de porter des armes pleines. La nature de ce travail ne comporte pas une excursion dans le domaine de la science du blason qui est expliquée dans bien des livres. Je me bornerai à montrer, par deux exemples, les brisures s’établissant à l’origine des armoiries[2]. Richard de Vernon, 1195, a sur son écu un sautoir ; son fils Richard ajoute au sautoir paternel une pièce particulière nommée lambel. Étienne du Perche porte trois chevrons brisés d’un lambel, tandis que Geoffroi III, comte du Perche, son frère aîné, porte, 1197, les trois chevrons pleins, c’est-à-dire sans brisure.

J’ajouterai en terminant, qu’au XIIIe siècle, les fils aînés de la maison de France ne prenaient pas de brisure. Louis, fils aîné de Philippe-Auguste, 1214, Philippe, fils aîné de saint Louis, 1267, portent le semé de fleurs de lys plein.


En résumé, s’il faut en croire les sceaux :

Les premiers blasons ont fait leur apparition dans le dernier tiers du XIIe siècle, se produisant sur l’écu, tantôt brusquement, tantôt après s’être déjà montrés en germe dans le champ du sceau.

La fleur de lys s’héraldise sous Philippe-Auguste. Quant au fleuron ornant la couronne et le sceptre de nos rois, on le rencontre aussi loin que l’on peut remonter à l’aide des sceaux et des manuscrits à miniatures, c’est-à-dire jusqu’à Charlemagne. La Vierge, à partir du XIe siècle ne portant plus cet attribut, ne saurait l’avoir transmis à nos souverains.

Les armoiries figurent à leur début, dans le type chevaleresque, se posant d’abord sur l’écu, envahissant bientôt après le harnais du cavalier et le harnachement du cheval.

Il ressort encore de l’étude des sceaux qu’on ne doit pas accepter sans restriction l’opinion qui consiste à faire engendrer les premières pièces héraldiques par l’armature du bouclier, ni oublier que les réductions successives apportées à la dimension de l’écu tenaient surtout au perfectionnement de l’habillement défensif.

Le type héraldique, cette représentation dans laquelle l’écu occupe la principale place sur le champ du sceau, se montre dès 1193.

Les premiers accessoires décoratifs de l’écu datent de 1271.

On voit déjà des sortes de supports au déclin du XIIIe siècle ; les vrais supports héraldiques paraissent seulement vers 1344 au moment où la mode vint de pencher les écus.

On trouve des cimiers sur quelques sceaux de la fin du XIIe siècle, toutefois leur usage ne devient général que cent ans après. Alors, qu’ils soient simples ou composés, ils répètent quelquefois les armoiries héréditaires.

Un des plus anciens volets date de 1322. Il est des types où le volet reproduit les armes du personnage.

Il s’est produit, indépendamment de la forme triangulaire, diverses autres formes d’écu, y compris certaines exceptions qui ne relèvent que de la fantaisie.

Enfin l’existence de brisures à l’origine des armoiries a été constatée avec cette remarque que les fils aînés de la maison de France, au XIIIe siècle, n’étaient pas soumis à cette règle.

…
  1. Voy. A. de Barthélémy. Essai sur l’origine des armoiries féodales. (Extrait des mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1872.)
  2. M. A. de Barthélémy en avait fait aussi la remarque, opus laud., page 14.