La vie inconsciente et les mouvements/PRÉFACE

Librairie Félix Alcan (p. I-III).


PRÉFACE


Jusqu’en ces derniers temps, l’étude des mouvements et de leur rôle dans la vie de l’esprit, sans être complètement oubliée, n’était guère en faveur. Les psychologues s’occupaient avec une préférence marquée des phénomènes intellectuels ou des états affectifs.

Il y a plus de trente ans, dans un article sur « Le rôle et l’importance des mouvements en psychologie »[1], j’avais essayé de signaler cette lacune. Mes remarques, sur ce sujet, me semblent aujourd’hui bien timides et bien insuffisantes. Beaucoup a été fait depuis dans cette direction.

Plusieurs fois je me suis demandé s’il n’y aurait pas lieu d’écrire un livre qui, sous le titre de « Psychologie des mouvements, » étudierait isolément et exclusivement les éléments de nature motrice dans toutes les manifestations de la conscience. Tous les traités didactiques de psychologie consacrent des chapitres aux instincts, aux tendances, à l’activité volontaire, aux mouvements qui expriment les émotions : dans notre livre supposé, on ferait davantage. On aurait à étudier les mouvements dans les perceptions, les images, les concepts, les opérations logiques, dans la genèse des sentiments, dans les formes multiples de la « facultas signatrix », car le mouvement est dans tout, partout, et peut être la base de tout.

Ce serait une œuvre de longue haleine, et les Essais qui suivent ne visent pas si haut. Ils se concentrent sur une question unique : les rapports de l’activité inconsciente avec les mouvements.

En m’appuyant sur des faits et des raisons, j’ai proposé une hypothèse qui me paraît ressortir des explorations dues à des auteurs nombreux et bien connus, dans le monde souterrain de l’esprit, notamment aux études récentes désignées depuis Freud sous le nom de « Psycho-analyse ». Cette hypothèse, c’est que le fond, la nature intime de l’inconscient ne doivent pas être déduits de la conscience ― qui ne peut l’expliquer ―, qu’ils doivent être cherchés dans l’activité motrice, actuelle ou conservée à l’état latent.

TH. RIBOT.

  1. Revue Philosophique, octobre 1879.