La Voix chère (Albert Giraud)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 124-125).


La Voix chère


Comme un bourdonnement d’invisibles abeilles
Ivres des vins du soir et du parfum des fleurs,
Ta douce voix murmure en songe à mes oreilles,
Ta douce et longue voix apaise mes douleurs ;
Comme un bourdonnement d’invisibles abeilles
Ivres des vins du soir et du parfum des fleurs.

La fraîcheur des ruisseaux, la jeune chair des roses,
La mousse des forêts et l’haleine du thym
Chantent dans la lumière entre tes lèvres roses.
Tu verses dans mon cœur, comme un écho lointain.
La fraîcheur des ruisseaux, la jeune chair des roses,
La mousse des forêts et l’haleine du thym.

Mais sous l’orgueil du sang, des mots fiers et splendides
Se cabrent dans ta voix comme des étalons !
Un rêve inviolé fleurit tes yeux candides ;
Ton rire a la langueur des anciens violons ;
Mais sous l’orgueil du sang, des mots fiers et splendides
Se cabrent dans ta voix comme des étalons !


Roulant la moire et l’ambre en ses ondes sonores,
Ta voix m’évoque un fleuve éclatant et vermeil
Où cinglent, imbibés de couchants et d’aurores,
Des vaisseaux somptueux tout noirs sur le soleil.
Roulant la moire et l’ambre en ses ondes sonores,
Ta voix m’évoque un fleuve éclatant et vermeil.

Et les profonds secrets qui dorment dans son ombre
Ont l’étrange lueur de très vieux ostensoirs
Qui s’illumineraient sous l’éclair riche et sombre
Des grands autels pensifs dans la pourpre des soirs.
Et les profonds secrets qui dorment dans son ombre
Ont l’étrange lueur de très vieux ostensoirs.