Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 146-163).

X


Va-sans-Peur était un très-honnête homme, très-attaché à son devoir, mais très-emporté quand le travail lui excitait les nerfs. Il avait défendu chaudement toute sa vie la dignité et la liberté de l’ouvrier contre l’exigence des patrons ; mais quand il se vit patron lui-même, c’est-à-dire autorisé à diriger la fabrication à la baraque, il changea du jour au lendemain, avec la naïveté des hommes que le manque d’éducation et de réflexion abandonne sans réserve à l’instinct du moment. Il parlait durement à ses anciens camarades, il exigeait des apprentis plus qu’ils ne pouvaient savoir, il ne souffrait pas une observation, et passait avec trop de facilité du reproche à la menace. Bref, l’atelier était à peu près désert quand, après une de ses tournées dans la plaine, Sept-Épées y rentra, et, quand il questionna Va-sans-Peur, celui-ci, accusant les absents, lui fit vite deviner qu’il s’était brouillé avec tout son monde.

Sept-Épées fut obligé en ce moment de regretter le pacifique Audebert, qui traitait les apprentis comme ses enfants et faisait perdre un peu de temps aux ouvriers en voulant leur expliquer Épictète et Platon, qu’il n’avait jamais lus, mais qui du moins savait les retenir et les convaincre par sa bonté. Va-sans-Peur, pour vouloir trop bien faire, avait fait le désert autour de lui.

Sept-Épées alla à la ville et n’y trouva personne qui voulût se remettre sous la direction de son maître-ouvrier. On exigeait qu’il le renvoyât. Il promit de lui ôter toute autorité ; mais, comme il lui fallait le temps d’en mettre un autre à sa place, il dut, en attendant, embaucher des compagnons-passants, et se trouver pendant plusieurs jours au milieu d’étrangers qu’il dirigea lui-même, avec peu d’entrain et beaucoup d’ennuis. Il résolut alors d’affermer sa propriété et d’en louer une mieux située, ce qu’il espérait pouvoir faire sans grande perte. Il entra en pourparlers avec des gens qui lui offrirent de la baraque un prix si minime que le découragement s’empara de lui. — Oui, oui, se disait-il, Tonine avait bien raison ! Cet endroit-ci ne vaut rien, et peut-être a-t-elle deviné aussi que je n’étais bon à rien moi-même.

À tous ses mécomptes venait se joindre le dégoût du travail grossier auquel il s’était condamné pour gagner de l’argent, lui si fier autrefois de la beauté de sa main-d’œuvre. — Elle doit me mépriser pour cela, se disait-il encore. Autrefois elle admirait mes ouvrages, elle me traitait d’artiste dans ses bons jours. Peut-elle à présent faire une différence entre moi et le dernier des cloutiers ? Et si en ce moment elle voyait où j’en suis avec ce métier brutal que je ne sais pas même rendre lucratif, ne se moquerait-elle pas cruellement de mes offres de mariage ?

La honte le prit. Il se persuada qu’il ne pourrait plus soutenir le regard de Tonine s’il ne parvenait pas à relever sa position, et, sachant son parrain bien soigné chez la Laurentis, il se promit de ne plus reparaître à la Ville Noire avant d’avoir résolu le problème de sa destinée. — Il faut, se dit-il, qu’à tout prix je trouve le moyen de m’enrichir pour elle, et, puisque le négoce m’est interdit par mon mauvais caractère ou ma mauvaise chance, je veux revenir à l’idée que j’avais autrefois de découvrir un mécanisme pour décupler la vitesse et la facilité de nos industries. Je sais que rarement les inventeurs font fortune ; mais du moins l’invention assure beaucoup d’honneur, et si j’apportais en dot une belle idée qui diminuerait la peine de l’artisan, je suis certain que Tonine serait fière et contente de moi. Allons, courage ! Mettons-nous à l’œuvre. Que la boutique aille comme elle pourra ! Mon petit atelier m’aura assez bien servi, s’il me met à même d’expérimenter mes découvertes.

Il confia de nouveau la direction des ouvriers à Va-sans-Peur, après une réprimande à la fois amicale et sévère qui fut prise en bonne part, et qui ramena le calme dans l’atelier. Quant à lui, il s’installa dans une espèce de chambre qu’il se construisit lui-même avec des planches dans sa galerie, et où il brava le froid, qui commençait à se faire sentir, travaillant jour et nuit, dessinant, fabriquant de petits modèles et se creusant l’esprit avec une résolution héroïque.

Malheureusement son instruction n’était pas à la hauteur de son courage et de son intelligence. Il eût fallu avoir plus que des notions élémentaires des lois scientifiques qu’il prétendait deviner, et qui lui créaient à chaque instant des obstacles imprévus. Il espérait trouver la lumière dans les livres ; mais, outre qu’il n’en avait guère et qu’il ignorait s’ils étaient bons, ils étaient, à beaucoup d’égards, lettres closes pour lui. Il n’osait aller, à la ville haute, consulter d’anciens praticiens devenus savants : il avait peur de passer pour un fou d’un autre genre qu’Audebert, et que la chose, rapportée à Tonine, n’achevât de le déconsidérer dans son esprit.

Il s’était donné un mois pour aboutir. Le mois écoulé, il fut bien forcé de s’en accorder un second, et quand celui-ci fut passé sans qu’aucune certitude se fût révélée, une poignante douleur s’empara de lui. Il succombait à la fatigue, après avoir passé par toutes les alternatives de l’espérance, du doute et de la désillusion. Tout ce qu’il avait découvert, c’est qu’il ne savait rien. Il luttait avec acharnement contre la rigueur de l’hiver dans un logement détestable, au milieu d’un paysage sinistre et désolé, tantôt errant, la tête en feu, dans la neige, tantôt contemplant, avec un cœur glacé d’effroi, les vestiges mal effacés des paroles écrites au charbon par Audebert sur la muraille la nuit où cet infortuné avait été si près de se donner la mort. Ces paroles, en partie disparues, ne présentaient plus aucun sens à ceux qui ne les avaient jamais lues ; mais Sept-Épées les savait par cœur et croyait par moments les voir écrites en caractères de sang d’une épouvantable netteté.

C’est que la lutte qu’il soutenait pour la gloire était bien plus ardente et plus terrible que celle qu’il avait soutenue pour la fortune. Il ne s’agissait plus d’être riche pour Tonine : il avait pu échouer là sans honte ; il s’agissait de lui prouver une capacité sérieuse : échouer ici, c’était le désespoir.

Gaucher s’inquiétait de lui, et Tonine encore plus. Elle questionnait son cousin, qui plusieurs fois alla voir le solitaire du Creux-Perdu et le trouva sombre, refusant de s’expliquer. Un jour elle y alla elle-même avec Lise. Sept-Épées était précisément, ce jour-là, absorbé par un vague espoir de succès qui le rendait plus courageux et en même temps moins expansif que jamais. Il fut d’abord touché et surpris de la visite de Tonine ; mais comme, par pudeur et dignité, elle en mettait l’initiative sur le compte de Lise, il repoussa l’espérance avec cette sorte de spleen qui semble se complaire dans la douleur. Il affecta toutefois d’avoir l’esprit tranquille, et, aux questions qui lui furent faites sur l’état de ses affaires, il répondit avec stoïcisme que tout allait bien et qu’il était très-content.

— Mais pourquoi ne vous voit-on plus ? dit Tonine, vous oubliez donc votre vieux parrain et tous vos amis ?

— Je n’oublie personne ; mais vous savez… l’œil du maître… Chaque fois que je m’absente, je trouve le désarroi au retour.

Et après plusieurs défaites il promit d’aller passer un de ces dimanches à la Ville Noire ; mais quand Gaucher l’invita à venir manger avec lui le dimanche suivant, il ne voulut s’engager à rien, disant : — Je tâcherai, mais ne m’attendez pas.

— Tiens, vois-tu, dit Tonine à Lise en revenant à la Ville Noire : c’est fini de ce pauvre garçon-là !

— Comment, tu crois qu’il va mourir ?

— Je crois qu’il est mort à l’amitié et qu’il ne vivra plus que pour l’intérêt. Le voilà qui, à vingt-cinq ans, tourne au calcul comme s’il en avait cinquante.

— Peut-être que son commerce va mal et qu’il ne veut pas l’avouer, dit Gaucher.

— Je pensais, reprit Tonine, que nous lui avions montré assez d’amitié, en pareille circonstance, pour qu’il dût ne pas redevenir cachottier comme la première fois. N’avons-nous pas fait notre possible pour lui éclaircir les idées et lui donner confiance en nous ? Je n’aime pas cette fierté qui cache des peines d’argent comme des peines de cœur, et si vous voulez que je vous le dise, je n’y comprends rien du tout. Où est le mal de ne pas réussir, quand il n’y a pas de notre faute ? Est-ce une honte de rester pauvre ? Qu’est-ce que cette idée-là, de croire que la richesse est un devoir et un honneur ? Alors, vous et moi, et des milliers de braves gens qui ne peuvent pas aller plus loin que leur pain gagné, nous serions donc tous méprisables ?

— Tu ne veux pas comprendre, lui répondit Gaucher, que l’esprit tourmente, et que celui qui croit en avoir plus que les autres ne peut pas être heureux, s’il ne monte pas plus haut que les autres.

— Allons ! dit Tonine, c’est donc ça ? Eh bien, alors prions Dieu pour que ce grand esprit nous monte sur les épaules et puis par-dessus la tête ; mais ne nous imaginons plus qu’il ait besoin de nos amitiés, car, après avoir fait semblant de s’en contenter, il nous montre bien aujourd’hui qu’il ne lui en faut pas d’autre que la sienne.

— On croirait, Tonine, que tu as du dépit, dit la Lise. Pourquoi, puisqu’il a eu l’air de revenir à toi franchement, n’as-tu pas voulu lui pardonner ?

— Pardonner quoi ? dit Gaucher, à qui l’on avait toujours caché la faute de son ami.

— Pardonner ses ambitions, répondit Tonine ; vous savez qu’elles m’avaient déjà choquée : aujourd’hui elles me choquent encore plus, parce que je vois qu’elles prennent le dessus, et qu’un cœur si tourmenté ne serait ni heureux en ménage, ni capable de donner le bonheur.

— Elle a raison, Tonine ! dit Gaucher à sa femme. Sept-Épées n’est pas ce qu’il faut à une simple ouvrière. Je ne l’en estime pas moins pour cela : chacun a son plan sur l’escalier du monde ; mais j’estime aussi le bon sens de la cousine, qui veut un mari tout à elle, comme je suis tout à toi.

Quand les époux Gaucher et leur cousine furent rentrés à la Ville Noire, Lise, se trouvant seule avec Tonine, vit qu’elle se retenait de pleurer, et la Laurentis, qui entra un moment après, le remarqua aussi. La Laurentis était une bonne femme, toute grasse et toute ronde, passablement fine dans les choses de cœur, et très-fière de l’amitié de Tonine, qu’elle chérissait comme sa fille. — Savez-vous ce qu’elle a ? dit-elle à Lise. Je le sais moi, qui vous parle. Elle se fait du chagrin à cause de ce mauvais armurier qui est beau garçon, j’en conviens, et qui travaille dans l’acier comme un écureuil dans une noix… Mais après ? ça n’a pas de sentiment, voyez-vous, ces hommes de mérite ! ça n’aime que la gloriole et les écus, et si vous êtes autant que moi l’amie de Tonine, vous lui conseillerez de penser à un autre.

Tonine gronda la Laurentis et nia qu’elle eût de l’amour pour Sept-Épées ; mais, pressée par les tendres questions de ces deux bonnes amies, elle finit par avouer qu’elle l’avait aimé. — Et à présent tu l’aimes encore, dit la Lise, puisque la mère Laurentis dit que tu ne dors pas bien, et que souvent tu ne manges pas du tout ?

— À présent, reprit Tonine, je sens que c’est bien fini ! Cette fantaisie-là m’a quittée et reprise deux ou trois fois depuis un an, mais chaque fois je me suis fait une raison, car je voyais bien que je serais malheureuse avec ce jeune homme ; oui, malheureuse du plus grand malheur qu’il y ait peut-être pour une femme, celui de ne pouvoir pas rendre heureux et content celui qu’elle aime. Si je pleure dans ce moment-ci, c’est parce que vous m’y poussez en me disant que j’ai des peines, et vous avez tort. Rien ne rend lâche comme de se laisser plaindre. Est-ce que vous ne voyez pas tout ce que je surmonte quand je m’occupe des autres afin de m’oublier ? J’ai trouvé cette consolation-là, qui est grande, si grande qu’elle me donne du bonheur malgré tout.

— Peut-être bien, dit la Lise, que Sept-Épées a la même peine que toi, et qu’en vous expliquant encore une fois vous pourriez vous entendre.

— Non ! reprit Tonine, nous ne nous entendrions pas mieux, car nous ne voyons pas de la même manière. S’il est vrai qu’il ait du dépit, il cherche dans l’argent un remède qui me répugne, tandis que le remède que j’ai trouvé est la condamnation du sien.

— Mais, dit encore la Lise, s’il voulait être riche pour faire du bien et pour te donner le pouvoir d’en faire ?

— Oh ! oui, fiez-vous à ça ! dit la Laurentis. Ce n’est pas à une femme de mon expérience qu’il faut venir conter ces rêveries-là. J’en ai vu, moi, de ces jeunes gens qui parlent de tout donner quand ils auront tout ; mais en attendant, dès qu’ils ont quelque chose, ils le placent pour en avoir davantage, ou ils le mangent pour leur plaisir. Est-ce que c’est possible autrement, à moins d’être des saints du bon Dieu ? Est-ce qu’on peut d’ailleurs s’enrichir comme ça du jour au lendemain ? Nenni, mes enfants, il faut le temps à tout. On se flatte d’amasser vite en mettant un sou devant l’autre, et on ne s’enrichit qu’avec beaucoup de peine et de patience. On est vieux quand on commence à pouvoir se reposer, et alors c’est bien trop tard pour redevenir doux et humain avec le petit monde dont on est sorti. On connaît trop ses défauts, on s’est trop battu avec lui pour le forcer à vous bien servir ; on s’est trop habitué à le mener dur, à s’en méfier, à le craindre, et comme on n’a pas toujours soi-même la conscience bien nette envers lui, on croit qu’il vous déteste et on n’est point disposé à le traiter en ami. Allez, allez, mes bonnes filles ! j’ai vu ça par mon pauvre défunt mari, qui avait monté une auberge et qui était un agneau au commencement. Et comme, par la douceur, il ne pouvait pas faire à son idée, il était devenu si chagrin et si malheureux, qu’après avoir battu ses garçons, il me battait moi-même, pauvre cher homme ! Eh bien ! gare à celle qui épousera ce Sept-Épées ! Ou il se ruinera, ou s’il réussit, il lui faudra, jour par jour, heure par heure, perdre un morceau de son cœur pour mettre une pièce d’or de plus dans sa bourse. Quand on a passé vingt ou trente ans de sa pauvre vie à disputer avec l’ouvrier, sous peine de ne rien gagner sur lui, est-ce qu’on peut tout d’un coup, comme ça, le jour où on place ses rentes, lui dire : À présent, mon petit, nous avons partagé la peine, nous allons partager le plaisir ? Non, non ! le bon Dieu ne fait guère de ces miracles-là, s’il en fait ! Le cœur usé et désabusé ne se rajeunit pas comme ça ! Et vraiment, quand on y pense, ça n’est plus sa faute, s’il se trouve un peu endurci ! Il n’y peut rien lui-même : voilà ce que je me disais, moi, en voyant défunt Laurentis devenir terrible, lui qui avait été si bon ! et je me reprochais de n’avoir pas prévu tout cela le jour où il m’avait dit : « Montons une maison et tâchons de réussir ! » J’aurais dû l’en empêcher et lui répondre : « Ne montons rien du tout ; gardons notre gaieté et nos amis ! »

Ce discours philosophique de la Laurentis, débité avec l’aisance d’une femme qui aimait à parler, mais qui ne parlait pas au hasard, parce qu’elle avait du cœur, fit beaucoup d’impression sur Tonine, et Lise s’y rendit entièrement.

— Je vois que vous êtes une femme de bon conseil, dit-elle à la Laurentis, et Tonine n’a pas tort de vous écouter. Ne parlons donc plus jamais de Sept-Épées. Puisqu’il veut qu’on l’oublie, oublions-le.

— Non ! répondit Tonine. Il a été mon camarade de jeunesse, et je prendrai toujours part à ses peines, s’il revient à penser que mon amitié y peut quelque chose ; mais je ne m’en tourmenterai pas plus que de celles des autres, et quant à l’épouser, le voulût-il encore, je ne reviendrai jamais sur ce que j’ai décidé.

Lise, bien assurée que tout était à jamais rompu entre l’armurier et la plieuse, ne fit pas d’objections à un entretien qu’elle entendit, peu de jours après, entre son mari et le père Laguerre.

Gaucher avait été interrogé par son patron, M. Trottin, le même qui avait été aussi pendant plusieurs années le patron de Sept-Épées. Il avait demandé de ses nouvelles, et il avait dit ensuite : — Que diable fait-il là-bas dans son désert ? Il devrait vendre cela, quand même il y perdrait, et revenir chez nous. Tâchez de l’y décider. Je ne lui en veux pas ; dites-lui que je le recevrai d’aussi bon cœur que s’il ne m’avait pas quitté un peu brusquement. C’est un garçon qui ne sait pas ce qu’il vaut et ce qu’il peut gagner dans un atelier. S’il m’eût consulté, au lieu de faire à sa tête, je l’aurais peut-être associé à mes bénéfices, et qui sait si je ne lui eusse pas fait faire un bon mariage ?

Ce dernier mot fit ouvrir l’oreille au parrain, à qui Gaucher rapportait le discours du patron. Ledit patron avait une fille qu’on appelait mademoiselle Clarisse, laquelle n’était ni belle ni laide, et passait pour un peu sotte, bien qu’elle eût été en pension à la ville haute et qu’elle portât des cages, ce qui faisait dire aux bourgeoises de vieille roche qu’elle ne manquait pas d’acier pour s’arrondir dans l’atelier de monsieur son père.

Mais son père se moquait bien des lazzis ; il avait cinquante mille francs placés en dehors de sa fabrique. Il avait donné dix mille francs de dot à ses deux aînées, Clarisse en aurait tout autant, et, comme le père songeait à se retirer à la ville haute, un gendre aussi capable que Sept-Épées de faire valoir l’usine, dont le produit augmentait toujours d’autant le capital de la famille, pouvait fort bien lui convenir. Cette idée plut beaucoup au parrain, qui voyait là le moyen de ramener son fils adoptif auprès de lui, et de le fixer pour longtemps, sinon pour toujours, à la ville basse. Gaucher fut chargé d’aller en causer avec Sept-Épées.

Sept-Épées était au bout de ses espérances et de ses essais quand cette offre lui tomba sur la tête. Il regimba et parla de Tonine. Gaucher, qui souhaitait plus que lui-même la satisfaction de son ambition et qui y croyait encore, le détourna de Tonine en lui affirmant qu’elle avait bien sérieusement résolu de ne pas se marier. Alors Sept-Épées baissa la tête, et, dans un accès de farouche dépit contre elle, il laissa Gaucher l’entretenir des perfections de mademoiselle Trottin, sans l’écouter, mais sans le contredire. Il ne s’engagea à rien, mais il ne refusa pas de rentrer à l’atelier Trottin. Il sentait bien qu’il était temps de reprendre la chaîne, s’il ne voulait pas s’endetter et se mettre dans les embarras pour toute sa vie.